QUE CHOISIR ARGENT n°179 - Page 1 - 179 2 JUILLET 2025 179 QUE CHOISIR BUDGET(S) L’UFC-Que Choisir et QueChoisir sont également présents sur: Noscombats sontd’abordlesvôtres Votre financement est le garant de notre indépendance Rejoignez notre mouvement de défense des consommateurs sur Quechoisir.org POUR UNE CONSOMMATION RESPONSABLE ACCESSIBLE À TOUS L’Union fédérale des consommateurs-Que Choisir est la première association de consommateurs de France, 100% indépendante depuis sa création en 1951. Nos missions: vous informer, vous conseiller et vous défendre. À cette fin, nos experts – journalistes, économistes, ingénieurs – vous aident à choisir de façon éclairée. Nos juristes saisissent les autorités compétentes pour faire respecter vos droits, sanctionner les agissements illicites et obtenir l’indemnisation des consommateurs lésés. Nos lobbyistes exercent une pression au niveau national et européen pour que la législation et les fabricants évoluent. Quant à nos 4100 bénévoles, ils sont à votre service dans les 135 associations locales UFC-Que Choisir, réparties dans tout le territoire, et s’engagent dans la défense individuelle et collective des consommateurs. Votre contribution financière est un soutien essentiel à notre association, qui n’accepte aucune subvention du monde économique. Cela nous permet de financer librement nos combats, nos informations, loin des lobbies et des pressions politiques. Vous pouvez contribuer en adhérant auprès de nos associations locales, en vous abonnant à nos médias ou en faisant un don sur Consolidons.org pour soutenir nos actions d’intérêt général. Union fédérale des consommateurs-Que Choisir 233, bd Voltaire, 75011 Paris – Tél.: 0143485548 – Fax: 0143484435 Présidente-Directricedespublications:Marie-Amandine Stévenin Directeurgénéraldélégué: Jérôme Franck Rédactriceenchef: PascaleBarletAssistantedelarédaction:FadilaBenni-NawjeekRelationspresse:AnneVesque(responsable)Secrétairegénéral delarédaction: Laurent Suchowiecki Secrétairesderédaction:Valérie Barrès-Jacobs, Marie Bourdellès, Gaëlle Desportes-Maillet Directionartistique: Ludovic Wyart (conception graphique) Rédactrices-graphistes:SandrineBarbier,ClotildeGadesaude,CapucineRagotIconographie:CyrilleDerouineau,CatherineMétayerIllustrateurs:Clod,AdriàFruitos,NiniLaCaille,MikaelMoune Ontcollaboréàcenuméro:AnneDavid,AurélieFardeau,PaulineGabinari,GaëlleLebourg,IvanLogvenoff,OlivierLondeix,AlexandreLoukil,RosineMaiolo,MariePellefigue,RoselynePoznanski Web–Infographie/maquette/Secrétariatderédaction: David Barreto, Carla Félix-Dejeufosse, Laurent Lammens, Leslie Schmitt Documentation: Frédérique Vidal (responsable) Audrey Berbach, Véronique Le Verge, Stéphanie Renaudin Observatoiredelaconsommation: Grégory Caret (directeur), Noé Bauduin, Isabelle Bourcier, Ingrid Stiemer, Juliette Vacant Juridique: Magali Buttard (responsable), Brune Blanc-Durand, Gwenaëlle Le Jeune, Véronique Louis-Arcène, Candice Meric, Mélanie Saldanha Diffusion/marketing: Laurence Rossilhol (directrice), Delphine Blanc-Rouchosse, Justine Boduch, Jean-Louis Bourghol, Marie-Noëlle Decaulne, Jean-Philippe Machanovitch, Francine Manguelle, Steven Phommarinh, Ibrahim Sissoko Serviceabonnements: 0155567109 Tarifsd’abonnement: 1 an, soit 11 Que Choisir (mensuel): 49 €; 1 an + 4 horsséries Budgets: 67 €; 1 an + 4 hors-séries Budgets + 4 numéros Pratique: 94 € Créditsdecouv.: AlexSecret/Istock; Richard Damoret/REA Impression: Roto France, 25, rue de la Maison-Rouge 77185 Lognes. Distribué par les MLP, dépôt légal n° 144, commission paritaire n° 0727G 82318 ISSN 12672033 Inspectiondesventesetréassortsdiffuseurs: MP Conseil. Tous droits de reproduction et d’adaptation réservés. Ce numéro comporte un encart abonnement de quatre pages, sur une partie du tirage, entre les p. 34 et 35. Imprimé sur papier Holmen XLNT (Norrköping, Suède) avec des encres blanches. Taux de fibres recyclées: 0%. Certification FSC PEFC. Eutrophisation: 1580 kg/CO2 /t de papier. POUR VOS DÉPENSES, MISEZ SUR L’INDÉPENDANCE JOEF/ADOBE STCK ; GETTY IMAGES ; A. BRUSINI/HEMIS ; NINI LA CAILLE SOMMAIRE ÉDITO 3 QUE CHOISIR BUDGET(S) 179 JUILLET 2025 24 Logement Comment aider vos enfants 30 Zoom sur une arnaque La fraude au carré 32 Assurance habitation Ne payez pas trop cher! 37 Voyager durable Plus long, plus économique? 43 CAHIERARGENT 44 Contrat obsèques Déjouer les pièges des assureurs 50 6 questions sur Le compte joint 52 Placements innovants Faut-il se laisser séduire? 8 DOSSIER Acheter enjardinerie, unbonplan? D ans les années 1950, avec son livre Mythologies, le critique littéraire et sémiologue Roland Barthes portait un regard acéré sur la société française, évoquant, entre autres, ces monuments de la vie quotidienne qu’étaient alors le steak-frites, la dernière Citroën ou encore le plastique. En 2025, c’est le directeur du département Opinion de l’Ifop qui se prête au jeu dans Conversation avec Jérôme Fourquet, son dernier ouvrage. En observant nos achats du quotidien, le politologue montre l’évolution de nos représentations collectives: le kébab et le taco ont remplacé le steak-frites, les immenses entrepôts de livraison se sont substitués aux usines de production industrielle, et c’est l’animateur télé et agent immobilier Stéphane Plaza qui a longtemps incarné nos rêves de propriété – rappelons que seuls 57,2% des Français possèdent leur résidence principale. «La maison avec jardin, écran plat et double canapé, ou la civilisation du cocon», commente Jérôme Fourquet. Ainsi, le bonheur privé s’opposerait aux «malheurs publics». L’analyste place dans cette catégorie le manque de reconnaissance au travail, l’inflation, le sentiment d’insécurité ou encore le réchauffement climatique. Comme le faisait Raymond Depardon avec ses photos, il évoque ces foyers modestes pour qui l’accès à la propriété s’avère impossible, et pour lesquels demeurer locataire est associé à un signe de fragilité sociale, voire de déclassement. Pourtant, ces citoyens se sentant bloqués dans l’ascenseur social sont plus cultivés et diplômés que leurs parents – ils suivent davantage de cursus longs, mais ont moins d’emplois sur mesure. Français, dis-moi où tu vis et comment tu consommes, je te dirai qui tu es… PASCALEBARLET Nosachats,une photodelaFrance IMMOBILIERLégèrereprise dansleneufetl’ancien FUITEDEDONNÉES L’UFC-QueChoisir saisitlaCnil T riste record. La France est la championne d’Europe en matière de fuites de données personnelles (et 4e au niveau mondial, derrière les États-Unis, la Russie et la Chine). Les signalements auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) ont bondi de 20% en 2024. Nombre de professionnels sont affectés: opérateurs, distributeurs, mutuelles, etc. Compte tenu des risques pour les victimes (prélèvements frauduleux, phishing, usurpation d’identité…), l’UFC-Que Choisir se bat pour que la protectiondesinformationspersonnelles soit garantie. Récemment, elle a saisi la Cnil au sujet de la cyberattaque intervenue à l’automne 2024 chez Free Mobile. Les données de 19 millions d’abonnés ont été compromises – avec, pour 5 millions d’entre eux, le vol de leurs références bancaires (Iban). Selon la présidente de l’institution, 80% des grandes fuites auraient pu être évitées si des outils avaient été mis en place (doublecontrôle,formation,surveillance). L’opérateur ayant déjà été sanctionné, en 2022, pour des failles dans son système de sécurité, l’UFC-Que Choisir entend que le régulateur tire toutes les conséquences si une quelconque faute, négligence ou défaillance était avérée dans cette nouvelle affaire. TIMON/ADOBE STOCK; BRASIL2/ISTOCK; FOTOWORLD/ADOBE STOCK; MATES/ADOBE STOCK; PAVLOFOX/ ADOBE STOCK D’ après le dernier baromètre LPI-iad (mai 2025), la hausse des prix dans l’immobilier ancien se généralise depuis la fin du printemps 2024. On enregistre ainsi +2 % sur un an pour les appartements et +0,6 % pour les maisons. En province, les tarifs des premiers ont augmenté de 6,2% en moyennedans66%desvilles,etceux des secondes, de 5,8% en moyenne dans 56% des villes. Notons que cette remontée du coût du mètre carré demeuresansincidencesurlesachats de logements anciens, lesquels ont progressé de 8 % en un an. Néanmoins, les ventes restent inférieures de 26,3% à celles de 2019… Lesrevendeurssontderetour L’évolution des prix se poursuit à un rythme en nette accélération depuis janvier: la hausse est maintenant de 1,2% sur un an pour l’ensemble du marché (l’année dernière à la même époque, on était en recul de 4,7% en glissement annuel). Cette situation s’expliqueparleretourdesrevendeurs candidats à un rachat. En 2020, ces ménages–généralementmieuxlogés que la moyenne et possédant des produits de qualité supérieure – avaient eu tendance à se retirer d’un marché en récession, car ils ne pouvaient pas réaliser leur vente dans de bonnes conditions financières. Le fait qu’ils reviennent alimente le rebond. Du côté du neuf, la demande se redresse depuis le début de l’année, portée par le renouvellement des offres des constructeurs, mais aussi par la possibilité d’avoir des conditions bancaires plus favorables depuisleprintemps2024,notamment en ce qui concerne les maisons individuelles. Au cours des trois derniers mois, les prix de celles-ci ont augmenté de 2,6% et, sur un an en glissement annuel, ils sont maintenant pratiquementstabilisés.Enrevanche, ceuxdesappartementsneufsreculent toujours, à -1,5% sur un an en glissement annuel (-2,1% en avril 2024). Lesévolutionsrécentesnepermettent pas encore d’entrevoir l’inversion de cette courbe des prix. Rapido Les prix dans l’ancien repartent à la hausse. 4 JUILLET 2025 179 QUE CHOISIR BUDGET(S) 30% C’est la part de la récolte mondiale de noisettes engloutie chaque année par Ferrero pour la fabrication de sa pâte à tartiner et de ses rochers. La production de ce fruit à coque, réalisée aux deux tiers en Turquie, avoisine un million de tonnes par an. La France, qui fait figure de petit poucet avec moins de 20000 tonnes, doit recourir à l’importation pour couvrir 90% de ses besoins, notamment ceux des usines Ferrero de Normandie… d’où sort un quart des pots de Nutella du monde. COMMERCELescaissesautomatiques facilitentlesvols S i le libre-service contribue à réduire les coûts et à augmenter les gains, il conduit également à la haussedesvols…Eneffet,avecles caisses automatiques, les enseignes constatentunessorsignificatifdeslarcinsenmagasin,lesquelsreprésentent à présent 2% de leur chiffre d’affaires, en moyenne, selon la Fédération du commerce coopératif et associé (FCCA). Qui milite par conséquent pour un assouplissement légal et réglementairedelavidéosurveillance. Descaméras«augmentées»parl’intelligence artificielle pouvant permettre de lutter contre ce fléau, la Cnil, le gendarme de l’informatique, a rendu un avis favorable à la généralisation du recours à ce type de technologie. Àcondition,biensûr,derestervigilant quant au respect des principes durèglementgénéralsurlaprotection des données (RGPD). Rapido SUCCESSIONLetravail,çaeutpayé… 5 QUE CHOISIR BUDGET(S) 179 JUILLET 2025 L’HUMEUR MIKAEL MOUNE Habiter en ville modifie le rapport à l’eau potable. Au cours du XXe siècle, sa consommation croissante va poser la question des limites. offre en eau courante incarne l’ambition universelle de la consommation en réseau: le passage d’une eau fournie à la fontaine ou au puits à une disponibilité continue et immédiate au robinet transforme les habitudes, les attentes et les appareillages domestiques. Londres introduit l’approvisionnement constant dès les années 1880. Les urbains développent alors leur soif moderne en eau potable: en 1900, un Parisien consomme 250 litres par jour, contre 13 vers 1800. Les philanthropes comme les milieux d’affaires exhortent les gens à en utiliser davantage. Les hygiénistes soutiennent que se laver est essentiel pour la santé publique. Après que le choléra a été identifié comme une maladie d’origine hydrique, les médecins insistent sur le fait que personne n’est en sécurité, sauf si tout le monde est propre. Traité comme un luxe exceptionnel autrefois, et facturé en tant que tel à un tarif spécial, le bain est redéfini comme un «besoin». Unéquipementlent etinégalensanitaires Bénéficier de l’eau courante en continu est une chose, posséder une salle de bains et des toilettes en est une autre. En 1900, seule une infime minorité de citoyens dispose d’une salle de bains, quand la majorité fait ses ablutions dans un cabinet ou se contente d’un meuble de toilette placé dans la chambre. Berlin compte une baignoire pour 79 personnes. Introduits à partir des années 1860 au Royaume-Uni, les water-closets sont devenus la norme en 1913 à Londres autant qu’à Leipzig ou à Lille. Pour la plupart des gens, ce ne sont pourtant pas des espaces totalement privés. Dans de très nombreux immeubles parisiens, les habitants partagent les WC sur le palier ou dans la cour. À Barcelone, au sein de la classe ouvrière, les toilettes sont souvent installées en pleine cuisine dans les années 1930. Tout au long du XXe siècle, la gestion de l’eau suit globalement deux logiques distinctes. Unprixnégligeable pourunbienabondant? De 1900 à la fin des années 1970, la plupart des consommateurs du monde développé payent un prix négligeable pour l’eau, et reçoivent un approvisionnement régulier via de grands projets d’ingénierie publique. Peu d’efforts sont consacrés aux économies durant cette ère de droit illimité. Toutefois, l’arrosage des pelouses et le remplissage des piscines deviennent le point central des débats concernant une utilisation de plus en plus souvent jugée excessive, particulièrement lors des crises hydriques. À partir du milieu des années 1970, l’eau cesse d’être considérée comme un bien bon marché et abondant. Les infrastructures de retraitement sont de plus en plus coûteuses et les externalités environnementales font l’objet d’une plus grande attention. L’approvisionnement en eau courante PAROLIVIERLONDEIX,AGRÉGÉ ET DOCTEUR EN HISTOIRE, IDHES PARIS-NANTERRE L N’avoir qu’à ouvrir un robinet pour accéder à l’eau ne nous a pas habitués à l’économiser. TETRA IMAGES/ANDIA Une utilisation jugée excessive dès les années 1970 6 JUILLET 2025 179 QUE CHOISIR BUDGET(S) Dans le rétro CAISSEDESDÉPÔTSDesproduits d’épargneopaquesetpollués L a Caisse des dépôts et consignations (CDC) joue un rôle central dans la gestion de l’épargne des Français. Elle administre, via son fonds d’épargne, 60% des dépôts effectués sur le Livret A, le Livret de développement durable et solidaire (LDDS) et le Livret d’épargne populaire (LEP). Officiellement, elle est tenue de sécuriser l’argent versé tout en finançant des projets d’intérêt général. Cependant,laréalitéestbien moins rassurante. L’EMBARRASTRANSPARAÎT Entantqu’institutiond’État, la CDC a un devoir d’exemplarité et de transparence. Pourtant, elle refuse de publier la liste des sociétés dans lesquelleselleinvestit,ainsiquesesvotes lors des assemblées générales des entreprises dont elle est actionnaire. On ne sait donc pas si elle approuve les stratégies des multinationales – y compris, potentiellement, celles qui licencient massivement malgré des profits records, tel ArcelorMittal, ou qui poursuivent l’expansion fossile,àl’instardeShelletdeTotalEnergies. Cette opacité a même été critiquée par la Cour des comptes, dans un rapport publié en 2023. Et ce que l’onsaitestdéjàinquiétant:laCDCest engagéesurprèsde9 milliardsd’euros dansdesgroupesdusecteurdesénergies fossiles. Difficile, dès lors, de la croire lorsqu’elle se présente comme un investisseur «responsable» et impliqué dans la «transformation écologique». L’ONG Reclaim Finance a dénoncé ces contradictions. En réponse, la Caisse des dépôtsaréagiavecvirulence, sans dissiper les doutes. Ses arguments, bien que nombreux,peinentàmasquerson embarras.Carsurcesujet,unprincipe reste inattaquable: il ne peut y avoir de responsabilité sans redevabilité. Rendrepublicssesinvestissementset sesvotesenassembléegénéraleserait unminimumindispensablepourregagnerlaconfiancedescitoyensettendre vers une gestion responsable de l’épargne des Français. LaCDC,institution financière, est basée à Paris. CLIMAT Réchauffé parlesplusriches D’ après une étude inédite parue dans la revue scientifique Nature Climate Change, le 7 mai dernier, 10% des personnes considérées comme riches sont responsables des deux tiers du réchauffement climatique. Menée par des chercheurs européens, elle révèle que les modes de vie, notamment la consommation et les investissements financiers, ont des impacts catastrophiques sur le climat. En effet, Sarah Schöngart, analyste en modélisation climatique à l’École polytechnique de Zurich et responsable des travaux, rapporte: «Nous pouvons les corréler à des choix de style de vie et d’investissements, eux-mêmes liés à la richesse.» Grâce à un couplage entre données économiques et modèles climatiques, les scientifiques ont imaginé un monde débarrassé des émissions de gaz à effet de serre des 10%, 1% puis 0,1% des habitants les plus aisés sur Terre. Résultat, sans eux, la hausse de la température mondiale aurait été bien moindre et se serait élevée à 0,01 °C depuis 1990 si la population mondiale avait consommé autant que les 50% les plus pauvres. Mais elle s’établit à +0,61 °C. Selon les auteurs, les 10% des individus les plus fortunés sont responsables de 65% de cette augmentation, et les seuls 0,1% les plus riches, de 8%. PAR LUCIEPINSON RECLAIM FINANCE COJOT-GOLDBERG ; P. BERTAUD/REA ; TRAVENIAN/ISTOCK 7 QUE CHOISIR BUDGET(S) 179 JUILLET 2025 Le mode de vie des plus aisés pollue davantage. -22% C’EST LA CHUTE ENREGISTRÉE SUR L’ACHAT DE VÉGÉTAUX D’EXTÉRIEUR(1) ENTRE 2022 ET 2023 (1) Hors ceux pour cimetières et obsèques. +54,1% C’EST L’AUGMENTATION DU PRIX MOYEN DES VÉGÉTAUX D’EXTÉRIEUR ENTRE 2019 ET 2023 Source:«Lesachatsd’arbres, plantesetfleursdesFrançais en2023»(étudeKantar,mai2024). 8 JUILLET 2025 179 QUE CHOISIR BUDGET(S) JOEF/ADOBE STCK M arseille.Employédepuis10anschez Truffaut, Maxime Mollari se souvient de l’après-covid: les allées bondées,lesclientsrepartantavec plantes,potsetterreauet,surtout, ungrandsoleild’avril–uneépoque oùlamétéoétaitclémenteauprintemps.Or,depuis,lasituationabien changé. «Les deux dernières années ont vraiment été mauvaises. La jardinerie n’est plus une priorité pour le consommateur», déplore-t-il.Sonregretsetraduitenchiffres.Selon uneétuderéaliséeparl’institutKantar,laquantité moyenne par foyer client est tombée à 23 plantes achetées en 2023, contre 32 en 2021. Une chute libre qui s’est poursuivie l’an dernier. D’après la FédérationdesjardineriesetanimaleriesdeFrance, lesecteurauraitvusesventesbaisserde4%en2024. Résultat,pourcompenser,leprixmoyenparvégétalestpasséde4,10à5,17 €entre 2021et 2023.Soit une augmentation de plus de 20%… Il aurait d’ailleurs quasiment doublé depuis 2019. Face aux enjeux – inflation, baisse de la fréquentation –, et surtout pour justifier les hausses de prix, les grandes enseignes du secteur adoptent Confinements et télétravail ont donné aux Français l’envie de réinvestir leur jardin ou leur balcon. Les jardineries en ont profité, mais avec le retour à la normale et l’inflation, leurs ventes reculent. Pour compenser, elles augmentent leurs prix. Elles font aussi évoluer leurs stratégies, afin d’élargir leur cible et l'inciter à dépenser. Reste qu’il n'est pas nécessaire de se ruiner pour profiter d’un joli coin de verdure… ACHETERENJARDINERIE Unbonplan? PAR PAULINE GABINARI, GAËLLELEBOURG, IVANLOGVENOFF une autre stratégie. Entre montée en gamme, diversificationaccrueetprésencesurlesréseaux sociaux,leurdiscoursévoluepourtenterd’attirer d’autrespublicsetleurdonnerenviededépenser davantage pour cette source de bien-être qu’est leurcoindeverdure.Pourtant,commecedossier vouslemontrera,onpeutcultiversonjardinsans y consacrer des sommes folles. Notamment en ayant une autre approche, plus écologique, plus en phase avec la nature et l’évolution du climat. LETICKETDECAISSEFLAMBE Ceprintemps,Charlesestexcité.C’estlapremière fois qu’il investit pour son balcon, un appendice de pierre orienté plein ouest qui prolonge son studio parisien de quelques mètres carrés. Après une bonne heure à tourner dans les rayons du magasin spécialisé, il a fait son choix: deux jolis potsenterrecuite,unejardinière«effetciment», des soucoupes, des graines d’olivier et de tournesol, un sac de billes d’argile, un autre de terreau et,enfin,unplantdekiwietunpetitbougainvillier. Cependant, au passage en caisse, c’est la douche froide: la note s’élève à 184,70 €. Et, de retour sur son balcon, le résultat lui semble insuffisant. DOSSIER 9 QUE CHOISIR BUDGET(S) 179 JUILLET 2025 Cette situation est représentative de l’évolution du marché. Si, entre 2019 et 2023, le volume de plantes achetées en jardinerie a baissé de 38%, la dépense moyenne par foyer a, elle, augmenté de5%.Enrésumé,onsortdumagasinavecmoins de choses qu’avant et pour plus cher. Pourquoi? Parce que le secteur a entamé une lente transformation depuis quelques années. Adieu bulbes et chaises en plastique blanc, bonjour plants et salonsdejardinauxcoussinsmoelleuxetétanches. La tendance est au chic et au local, on pourrait presque dire à l’instagramable. Pourcomprendre,petitflash-back.En2021,confinementrimeavectélétravail,et80%desFrançais déclarent, dans un sondage Harris Interactive, «avoir le sentiment de passer plus de temps chez eux qu’avantlacrisesanitaire».Parmilesactivitésremises augoûtdujour,lejardinagecartonne.Pourétirer lesmursdeslogements,lesextérieurssontconsidéréscommedevéritablespiècesàvivre,qu’ilfaut aménager… En grandes surfaces spécialisées, lahaussedefréquentationengendredebeauxbénéfices: le budget moyen par client grimpe de plus de15%,etlaquantitémoyennedeplantesacquises, de quasiment 7%. Mais l’inflation commence à sévir et, en 2022, le chiffre d’affaires du secteur redescend. Face aux courses du quotidien qui flambent, les consommateurs font des arbitrages: le jardin n’est plus leur priorité. S’ajoute à cela une météo peu propice –undébutd’annéesecavecdesespaces verts souffrant du manque d’eau dès lemoisdejuin,puis,àl’inverse,desprintemps pluvieux qui ne donnent pas envie d’investir en 2023 et 2024. Les professionnels ne s’avouent pas vaincus. On ne tourne pas le dos à un aussi vaste marché! «Le végétal correspond à 13 millions de parcs et jardins et à 7 millions de balcons et terrasses, pour 1,2 million d’hectares.C’estàpeuprèslasurfacedel’Île-de-France,soit2% duterritoirefrançais»,rappelle Nicolas Imberti, responsable marché et stratégie univers jardin chez Botanic. La récession impose cependant au secteurdedonneruncoupdecollierpouractersatransformation. «Ce qui est sûr, c’est que la jardinerie traditionnelle va mourir dans les années à venir. Celle de demainseraàconcept,quecesoitludique,bien-être,expert oumêmeRSE[responsabilitésociétaledesentreprises]», lance Vincent Grégoire, le directeur prospective et tendance du bureau de style NellyRodi. VENDREDURÊVEMAISCHER Revenons à Charles, ou plutôt à ce qu’il y a dans son chariot. En matière de contenants, il n’a pas pris du basique, il s’est tourné vers une gamme quel’onpourraitqualifierde«premium».Ilaainsi choisi la jardinière Martin en fibre d’argile gris ciment«sublimatricedeplantes»à20,99 €,annoncéecommeplusrésistantequesajumelleenplastique (à 7,99 €). Idem pour les deux pots en terre cuite. Aux premiers prix, il a préféré les produits de la marque Goicoechea, mise en avant par Truffaut, soit 46,98 € les deux articles (contre 12,78 € en version économique). Defaçongénérale,lapropositiond’achat auseindesmagasinsseprésentedorénavant comme plus luxueuse et plus technique, avec le fameux parasol déporté, le barbecue connecté ou encore la montée en puissance des marquesdédiéesaumobilierextérieur, telle la française Fermob. L’impact est certain:entre 2019et 2022,lesventesde meubles de jardin ont progressé de 26%, selon l’Institut de prospective et d’études de l’ameublement(Ipea).«La politique des prix barrés, ça ne marche plus. Aujourd’hui, les clients veulent unpetitboutdeluxe.Pourfairesortirleconsommateur de chez lui, l’enseigne doit redonner de la valeur à ce qu’elle propose. Mais vendre du rêve, ça se répercute forcément sur les prix», analyse Vincent Grégoire. Même chanson du côté des plantes: le contenu des paniers a évolué. «Avant, on vendait beaucoup à la frange périurbaine, pour les potagers et les jardins d’ouvriers.Maislesecteurachangé.Lerayondesbulbes et des graines s’est réduit, laissant place aux plantes en godets. Les clients visent désormais le temps court, Unpotagerpourfaire deséconomies Selon une étude menée il y a quelques années par Anoucha Jaubert, d’AgroParisTech, pour la Société nationale d’horticulture de France (SNHF), un potager à soi permettrait d’économiser 1500 € par an en moyenne, soit l’équivalent d’un 13e mois. L’intérêt économique varie selon les espèces cultivées; il s’avère particulièrement élevé pour les plantes aromatiques (persil, ciboulette, basilic…) et les petits fruits rouges (fraise, framboise, groseille, etc.). La culture de fruits et de légumes peut également s’avérer très rentable chez les jardiniers confirmés. De quoi donner envie de se lancer… sans oublier que l’étude ne prend pas en compte le temps passé! 37% dessommes dépenséespar lesconsommateurs l’étaientpourdes végétauxd’extérieur, contre35%pourles végétauxd’intérieur 72% desvégétaux achetésen2023 étaientd’extérieur Source:étudeKantar, mai2024. 10 JUILLET 2025 179 QUE CHOISIR BUDGET(S) MINICEL73/ADOBE STOCK ; ENCIERRO/ADOBE STOCK l’immédiateté », indique Dominique Laureau, vice-président de Valhor, l’interprofession de l’horticulture, de la fleuristerie et du paysage, et dirigeant des Fermes de Gally. Sur l’étiquette, ce changement de paradigme fait toute la différence: comptez, par exemple, une cinquantaine d’euros pour une pivoine en pot, contre cinq fois moinspouruneenbulbe.L’homme,danslesecteur depuis plus de 40 ans, l’assure: «Nous assistons à une bascule de génération. Aujourd’hui, les consommateurs ont envie d’être pris par la main, que la jardinerie leur donne des idées.» L’EFFETIKEA Ce spécialiste ne s’y trompe pas. À l’occasion des 30 ans de Botanic, Nicolas Imberti faisait part d’un des grands axes de transformation de l’entreprise: «Ce que nous souhaitons, c’est être beaucoup plus “inspirationnels”, en nous rapprochant des pratiques de certains détaillants comme Ikea, qui mettent enplacedessaynètes.L’objectifestdedonnerdesenvies, puis de se servir de ces idées-là pour faire de la vente conseil», détaille-t-il. Dès ce printemps, l’exercice commenceradansdeuxmagasinspilotes:leBotanic de Clapiers, à côté de Montpellier (34), et celui d’Albertville(73).«Chaquemiseenscèneauraunthème –l’eau,lesol,labiodiversité…–etassocieradesplantes et d’autres éléments tels que des pots, des fontaines, des bouddhas.Pourrésumer,nousvoulonsraconterunehistoire avec le végétal comme clé d’entrée», explique Nicolas Imberti. De quoi décider une clientèle moinsexperteetendiguerlafuitedu«petitacheteur» (de moins de 10 plantes par an)? Un profil dontlafréquentationaparticulièrementdiminué depuis 2019, selon Kantar. Derrière cette évolution, la volonté est aussi de transformer le parcours de vente en expérience – à l’image de ce que fait le géant Ikea qui, selon la légende, serait le plus important vendeur de plantes en France. Dans une interview accordée ausiteZepros,enavril2023,SébastienAttina,lePDG de Truffaut, décrivait ainsi son idée du magasin: «Dansdenombreusessituationsduretail[lecommerce dedétail],lesclientsviennentavecunecontrainte:“J’ai monrobinetcassé”,etc.Cheznous,quasimentunclient surcinqvientparplaisir.Ilyal’impactcérébralduvégétal!ÀParis,encemoment,entrelesgrèves,lesbouchons etlespoubelles,c’estcompliqué.Alors,quandvousarrivez devant le magasin, vous avez une petite pépinière extérieure de 200 m², c’est une bulle verte, un endroit de plaisir, de songe, où l’on vient faire des achats qui ne sontpastoujoursessentiels,maisquipeuventledevenir, ne serait-ce que pour nos équilibres et notre bien-être. Et ça, c’est un atout incroyable.» ÉLARGIRL’OFFREAUXSERVICES Au Truffaut de Marseille (13), Maxime Mollari abonde: «Ici, ce n’est pas comme à E.Leclerc ou Leroy Merlin.Ledimanche,jevoisdesfamillesquiviennentjuste pour se promener.» Mais à qui s’adresse cette jardinerienouvelleformule?Seloncetemployé,l’évolution tend clairement vers un profil plus citadin 51% Coûtsde production(1) 26% Coûtsde commercialisation(2) 13% Marge bénéficiaire 10% TVA (1)Donttempsdetravail19%. (2) Donttempsdetravail17%. Source:étudeJardin'enVie,https://bit.ly/prixplant. DOSSIER ACHETER EN JARDINERIE DOSSIER 11 QUE CHOISIR BUDGET(S) 179 JUILLET 2025 A ucune des grandes jardineries ne souhaite communiquer sur ses marges… Avec un modèle économique bien différent, Jardin’enVie, ferme productrice de plants, de légumes et de semences paysannes, a rendu publics ses coûts de production et de commercialisation, en prenant l’exemple d’un plant de tomate repiqué à la main et vendu àlaferme. Les premiers représentent plus de la moitié (51 %) du prix hors taxe du végétal et incluent le temps de travail (19%), tandis que les seconds constituent un quart du prix, temps de travail compris (17%). L’entreprise paie tous ses employésauSmic(lesgérantsaussi), et la marge bénéficiaire (ce qui reste une fois tout payé) visée est de 13%. PLANTDETOMATEISSUDESEMENCESPAYSANNES Qui gagne quoi
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