PARIS MATCH n°3973 - Page 1 - 3973 Créditsphoto:P.4:J.Lienard.P.6àP.9:F.deGouville,L.Vu/SIPA,DR.P.11:DR,F.Mantovani/ Gallimard.P.12:DR,H.Pambrun,J.Faure.P.14àP.16:J.Lienard,DR.P.18et P.19:J.Faure,DR. 6 11 12 14 18 20 21 22 30 L’ENTRETIEN Marine Permis de rêver CULTURE La critique de Marie-Laure Delorme Livres. Victor del Arbol Un monde sans pitié Théâtre. Mohamed El Khatib Tout sur sa mère Cinéma. Roschdy Zem Un héros de notre temps PERSONNALITÉS ROYAL POUVOIRS DESSIN Joann Sfar ARTISTEPOLYMORPHE MohamedElKhatibinvestitleGrandPalais etfaitmontredesestalentsdedramaturge, deperformeur,deplasticien…Lorsque lethéâtredevientexposition.(Pages14à16) 4 LASEMAINEDE PARIS MATCH DU 26 JUIN AU 2 JUILLET 2025 L’ENTRETIEN PROFIL 2000 Naissance le 29 mars à Arras. 2015 Se fait recaler lors des auditions à l’aveugle de «The Voice Kids». 2022 Publie «Ma faute», sa première chanson, sur les plateformes. 2024 Entre à la «Star Academy». 2025 Remporte la finale le 25 janvier face à Ebony. [SUITEPAGE8] 7 DU 26 JUIN AU 2 JUILLET 2025 PARIS MATCH MARINE PERMISDERÊVER Inconnueilyasixmois,lagagnante 2024dela« StarAcademy »sortcettesemaine sonpremieralbum.L’occasiond’aller àlarencontred’unejeunefemmefranche,nature etencoreémerveilléeparcequiluiarrive. InterviewBenjaminLocoge/PhotosFannydeGouville Elle arrive à la cool. Même si elle chante à l’Accor Arena de Paris ce soir-là, Marine n’est pas du genre à refuser de donner des interviews les jours de concert. Et, à deux semaines de la sortie de son premier album, la gagnante de l’édition 2024 de la «Star Academy» a plus que jamais envie de défendre ses propres chansons. Dans le très pop et très réussi «Cœur maladroit», Marine chante sa vie bousculée par cette victoire, son mal-être face à ce saut dans l’inconnu, elle qui terminait il y a tout juste un an ses études de chirurgie dentaire. Point de plan de bataille pour devenir une vedette de la chanson chez les Delplace, Marine vient d’une famille modeste du Pas-de-Calais, et son père, chauffeur de poids lourd, fut le premier à l’aider à enregistrer ses propres chansons. La jeune femme de 25 ans a encore cette spontanéité rare, elle répond à toutes les questions avec une sincérité confondante et s’interroge, au bout d’une heure d’entretien: «Est-ce que j’ai trop parlé?» La réponse est à découvrir dans les lignes qui suivent… ParisMatch.Vousouvrezvotrepremieralbumsur“Filleordinaire”, un portrait de vous par Eddy de Pretto… Il a trouvé les mots justes pour vous raconter? Marine. Dans ma famille c’est un artiste qu’on adore, on a tous ses disques à la maison. Je l’ai rencontré au Dîner de la mode, et je l’ai attrapé avec une petite blague: “Monsieur de Pretto, un featuring sur mon premier album?” Il a rigolé: “On verra, on verra”. Mais la semaine d’après il m’envoyait un message sur Insta pour me proposer de bosser ensemble. Six jours plus tard, on est en studio pour des séances, il m’explique qu’il n’a pas regardé la “Star Ac”, mais qu’il a déjà un bout de texte qui commence par “je suis une fille ordinaire”. C’est fou parce que j’avais ouvert la “Star Ac” en interprétant “Ordinaire” de Robert Charlebois. C’est bien d’être ordinaire aujourd’hui? Je me vois comme quelqu’un d’assez classique, je n’ai rien fait d’extraordinaire dans ma vie. Je ne sais pas si c’est Lors de la finale de la «Star Academy», le 25 janvier. 8 LASEMAINEDE PARIS MATCH DU 26 JUIN AU 2 JUILLET 2025 péjoratif ou mélioratif… Ça a fait polémique quand j’ai dit que je ne voulais pas être une star et que je ne me considérais pas comme telle. J’ai bien conscience que je suis une célébrité aujourd’hui et un exemple pour certains. Mais ce n’est pas à moi de dire si je suis une star. Ce statut, ce sont les gens qui vous le confèrent. Moi, tout ce qui m’intéresse pour l’instant, c’est de faire de la musique et de la partager avec le public. Dans “Reste d’averses”, toujours sous la plumedeDePretto,vousconfiezvosdoutes et vos larmes de solitude. Je rigole beaucoup, j’aime bien être de bonne humeur et je tourne tout sur le ton de l’humour. Mais il y a un certain contraste entre l’effervescence que l’on connaît dans un Zénith rempli de milliers de personnes et la chambre d’hôtel où l’on se retrouve après, loin de ses proches et de sa famille. J’adore ce qui se passe, mais c’est vrai que, parfois, je me sens un peu perdue avec ces questions et ces doutes. Et ce que j’ai pu lire sur les réseaux a parfois été dur à encaisser. Vous voyez les réseaux sociaux comme un ennemi? Non, il y a de bons côtés, pour un artiste, c’est un merveilleux outil de communication. J’adore rester en contact avec mon public dans mon canal Insta, on m’envoie beaucoup d’amour sur TikTok ou Facebook. Mais X ne m’a pas épargnée, j’ai même pris très cher. Ebony, elle, a subi beaucoup de racisme. On a toutes eu notre dose de harcèlement; j’ai lu que j’étais vicieuse, manipulatrice… Alors oui, parfois il y a peut-être eu des maladresses de ma part, mais je n’ai jamais rien calculé. Tout ce que j’ai pu faire ou dire a été déformé, sorti de son contexte. Ça vous a blessée? Oui, parce que les gens qui pensent savoir des choses de moi se trompent. Les premiers jours après la “Star Ac”, en récupérant mon portable après quatre mois sans, c’était dur. J’étais en pleurs. Heureusement, en sortant dans la rue, je me suis rendu compte que les gens n’étaient pas comme ceux de X. Ça fait partie du jeu d’être exposée, on ne peut pas plaire à tout le monde, je l’accepte. Mais j’aurais préféré que les gens ne m’aiment pas pour ce que je suis vraiment. On a fait une étude sur les commentaires que j’ai reçus: 95% de positif et 5% de négatif; mais je n’ai forcément retenu que ces 5%. La chanson “D’accord” c’est votre réponse à tout ça? Oui. La problématique du harcèlement est importante pour moi. Je l’ai vécu plus jeune, j’en ai été témoin également, notamment via un ami qui se faisait harceler au collège et qui a mis fin à ses jours. Je me suis demandé si, moi aussi, je n’avais pas pu prendre part à ça, parce qu’on est tous un peu débiles à cet âge-là. Donc je voulais en parler en chanson et dire que la différence, c’est important de la comprendre, de l’accepter. Vousdédiezaussiuntitreàvotrerégionenironisantsurlaconsanguinité et les Kevin… Les gens du Nord ont été un vrai soutien, donc ça me semblait bien de leur faire un clin d’œil et même de mettre un peu d’humour. Mais, oui, moi j’ai grandi avec la 206 et les pneus qui crissent sur le parking, on habitait en HLM. Mes parents n’étaient pas du tout aisés et se sont sacrifiés pour mon frère et moi, afin qu’on puisse vivre dans une petite maison. Est-ce culpabilisant aujourd’hui de vivre de votre passion? Non. C’est au contraire une fierté parce que je sais que mes parents ont beaucoup travaillé pour qu’on soit bien, qu’on ne manque de rien. Nous, comme les footballeurs, on fait des métiers où on gagne peut-être un peu trop d’argent, on n’est pas essentiels à la vie des gens comme le sont les médecins, les infirmières, les éboueurs, les caissières. Même si, au fond, je suis convaincue que la musique est essentielle. Certains textes évoquent votre manque de confiance en vous. Qui est toujours là. C’est peut-être héréditaire, car ma mère, elle aussi, manque de confiance en elle. Ça a commencé à la danse, puis au piano. À l’école j’ai été diagnostiquée précoce et HPI. En conséquence j’ai sauté le CP. J’étais donc en décalage d’âge avec les autres élèves de CE1, ça se ressentait probablement dans ma maturité, en plus j’étais petite, j’avais les dents en avant, on me surnommait la naine, ou la Schtroumpf… Et je vis encore avec ça, à 25 ans, j’aime les choses de l’enfance, je suis fan de Disney, je suis toujours un peu gamine dans mes réactions. [Elle rit.] Ça se passait comment avec les garçons? Ça ne se passait pas trop, j’étais la bonne pote, la fille drôle. Quand je suis arrivée en sixième, j’étais même physiquement moins développée que certaines filles. Donc, je n’étais pas celle à qui on s’intéressait pour son physique. Ça a changé au lycée… Dans mon comportement, ma façon de parler, je n’ai jamais été très réservée. J’ai toujours été très frontale, très directe, très sociable. «J’aitoujoursététrèsfrontale. Ilyadesgensqueçapeutbrusquer, maispourmoic’est unmoyendebriserlaglace» «Mêmesijesuistrèsbienentourée, personnenepeutréellementcomprendre latornadequejetraverse» Il y a des gens que ça peut brusquer, mais, pour moi, être spontanée a toujours été un moyen de briser la glace. J’ai toujours l’impression que tout le monde peut être mon ami. Alors que non… C’est aussi ce qui a fait qu’aujourd’hui le public vous aime. Oui, mais je n’ai pas envie de passer non plus pour quelqu’un d’irrespectueux, d’être la grande gueule qui parle n’importe comment à n’importe qui. C’est juste qu’en fait j’aime bien mettre à l’aise les gens. Mais avec le temps j’apprends à me canaliser. [Elle rit.] Vous chantez aussi votre rapport compliqué au corps. Pourquoi? Côté poids, j’ai beaucoup fait le yoyo. Jusqu’à mes 18 ans, ça allait. Mais après… Le truc c’est que j’ai toujours adoré manger et que je n’aimepasbeaucouplesport.Donc,auboutd’unmoment,ilfautfaire un choix. J’étais à fond dans un truc extrême, je courais 10 kilomètres tous les deux jours et je suis tombée à 45 kilos, pour 1,53 mètre… Là je suis à 55 ça va, mais c’est dur d’être bien dans son corps. Un diktat de la féminité? Mouais… Moi, ce qui me préoccupe, c’est mon image dans le miroir. Je vois du gras par-ci, du gras par-là. Mais ce n’est pas grave! J’ai envie de me sentir bien dans ma peau. Quand je vois des vidéos de moi sur scène dans ma robe moulante je me dis: “Ouah, c’est chaud!”, ce n’est pas une image que j’aime forcément. Et les réseaux sociaux, on y revient, n’aident pas. “Elle est enceinte”, “faut qu’elle arrête de manger”. Donc c’est un peu compliqué tout ça pour moi en ce moment… Ce disque vous permet de vous affirmer telle que vous êtes, pourtant… Oui, c’est vrai, et ça fait du bien de parler de tous ces sujets, je sais que je ne suis pas la seule à les affronter. Et, bizarrement, quand je suis sur scène, toutes ces questions s’envolent. Je suis un peu gênée parce qu’il y a beaucoup de gens qui me regardent et qu’il faut se livrer, mais je me sens plus forte, plus à l’aise. C’est fou. C’est ça la vie d’artiste, donc? Si ce n’était que ça, ce serait merveilleux. Parce qu’en ce moment j’ai de plus en plus l’impression d’être seule, même si je suis très bien entourée et que plein de gens prennent soin de moi. Mais personne ne peut réellement comprendre la tornade que je traverse. J’aimerais bien avoir un chez-moi, rentrer à la maison, me poser, avoir un foyer, une famille… Vouscraignezquevotrecarrièrevousfassepasseràcôtédetoutça? Un peu, oui. J’aimerais bien retourner chez mes parents, voir mon frère, mon chien, mon chat, avoir un copain. Et, en même temps, tout ce qui m’arrive, je n’ai aucune envie que ça s’arrête. InterviewBenjaminLocoge DU 26 JUIN AU 2 JUILLET 2025 PARIS MATCH 9 « Cœurmaladroit »(Columbia/SonyMusic). Entournéeàpartirdu30novembre. LA CRITI UE « Suiteinoubliable »,d’AkiraMizubayashi, éd.Folio,272pages,9euros. DeMarie-LaureDelorme Comment rester humain lorsque toute humanité a disparu ? Le subtil écrivain Akira Mizubayashi, auteur d’expression japonaise et française, compose des romans spirituels aux sens ouverts. Dans une écriture musicale, faite de variations et de reprises, il s’intéresse aux ombres, aux fantômes, aux âmes. « Suite inoubliable » (2023) retrouve, après «Âme brisée» (2019) et «Reine de cœur» (2022), les thèmes de l’amour et de la guerre. Au centre de l’histoire: les «Suites pour violoncelle seul» de Jean-Sébastien Bach; une phrase latine gravée sur un banc isolé, traduisant un désir de paix; des vies broyées par quinze ans de guerre (19311945) impliquant le Japon. Akira Mizubayashi cite JeanJacques Rousseau: «Ce sont le fer et le blé qui ont civilisé les hommes et perdu le genre humain.» Tout est contenu dans une image: un jeune homme part au combat en 1945, sûr d’y trouver la mort, après avoir joué du Bach avec un violoncelle. Différentes histoires et époques. La luthière française Hortense Schmidt s’est réfugiée dans le hameau de Shinano-Oïwake, afin de s’éloigner des bombardements de la capitale nippone. De son côté, le violoncelliste japonais Ken Mizutani est rentré de France, après des années au Conservatoire de Paris. Il lui apporte son instrument de musique, à chaque inquiétude. Un jour, en 1945, le musicien de 25 ans lui annonce qu’il est enrôlé dans l’armée. Ils font l’amour. Une dernière nuit de passion et de quiétude. Avant de partir pour la guerre au petit matin, le 3 avril, Ken Mizutani joue du Bach. Dans un ultime geste, il remet à la femme aimée de 36 ans son Matteo Goffriller. Le violoncelle de 1712 lui a été prêté, pour une période de sept ans, par la fondation Lorenzetti, à la suite de sa victoire au Concours international de Lausanne, en 1939. L’œuvre d’art, aux teintes de cerise sombre, va passer de main en main. Plus de soixante-dix ans s’écoulent. La petite-fille d’Hortense Schmidt est luthière. Dans son atelier parisien, Pamina Schmidt se voit confier un Goffriller par le violoncelliste Guillaume Walter. L’instrument a «une fracture d’âme», produite au cours du concerto d’Elgar. La jeune femme de 30 ans découvre, en démeublant le chef-d’œuvre du luthier vénitien pour le réparer, une lettre testamentaire dissimulée dans un tasseau. La missive est datée du 2 avril 1945. Le fil rouge de «Suite inoubliable» est le violoncelle. Ils seront trois instruments à jeter des ponts entre les générations. Le romancier Akira Mizubayashi croit aux retrouvailles. Elles sont un des cadeaux du temps et prennent diverses formes. Son œuvre échappe à la tristesse et à la mélancolie. Un vieux luthier le confie: «La vie n’est pas une revie.» L’histoire se déroule entre Paris et Shinano-Oïwake, entre 1934 et 2020. La célèbre expression traduite du latin, «paix sur terre aux hommes de bonne volonté», donne son sens à «Suite inoubliable». La maxime a été inscrite sur un banc par un médecin de campagne, durant la Seconde Guerre mondiale, comme un acte de résistance silencieux. Elle casse en miettes le sentiment de solitude. Comment vivre dans un monde de folie meurtrière, de fanatisme, de liberté d’expression bafouée? L’amour de la culture relie entre eux les hommes de bonne volonté. Le violoncelliste Ken Mizutani trouve refuge dans le français et la musique, deux langues étrangères, face à la dictature de son pays d’origine. Ils sont sa citadelle imprenable. «Suite inoubliable» est un hommage à l’humanisme des Lumières. La passion de l’art construit une forteresse intérieure. Elle reste invisible aux yeux des barbares. LASEMAINEDE AKIRA MIZUBAYASHI FRACTURES D’ÂME L’écrivain japonais, d’expression française, raconte la musique, l’amour et la guerre dans un roman réédité en poche. ParFrançoisLestavel Brillant policier, Julian a enfreint toutes les lois en laissant pour mort un chef d’entreprise respectable après l’avoir torturé. Coup de folie? Dans l’attente de son jugement, l’inspecteur, dont les jours sont comptés depuis qu’il se sait atteint d’un cancer incurable, revient dans son petit village de Galice. Les lieux d’un autre crime: son père y avait été abattu devant lui alors qu’il n’était qu’un gamin. Mais son retour au bercail, trente ans plus tard, suscite immédiatement l’hostilité des habitants, qui détestent qu’on remue le passé. Pire, depuis son arrivée, la bourgade est le théâtre d’une série de meurtres… Toujours aussi passionnant, l’Espagnol Victor del Arbol nous plonge dans un roman qui porte le polar à de fascinantes hauteurs métaphysiques. La vengeance, la corruption et la violence qui gangrènent la société surgissent à chaque page et dressent le tableau d’une humanité rongée par le vice, sans possibilité de rédemption, surtout lorsqu’elle dévore odieusement ses propres enfants. Des liens se forgent peu à peu entre un mystérieux assassin mexicain, qui effectue sa besogne sans haine, et le héros désabusé par la possibilité même d’une justice terrestre. Mais le plus machiavélique personnage de ce livre est ce représentant de l’État qui, dans l’ombre, tire les ficelles d’un sinistre théâtre de marionnettes. Il ose revendiquer sans vergogne sa liberté de faire le mal où il veut et quand il veut. Juste pour le plaisir d’éprouver sa toute-puissance. Une figure terrifiante de cynisme, digne du «Grand inquisiteur» de Dostoïevski! ParAurélieChaigneau Rémy Guilloton est un daron. Celui de deux merveilleuses filles de 13 et 9 ans. Pour lui, la paternité a été une révélation. Et, même s’il est très occupé par son métier de chauffeur de salle et aujourd’hui de podcasteur, il est un père impliqué. Activités extrascolaires – cheval, conservatoire, danse…–, jeux, discussions profondes, sorties familiales, méthodes d’éducation, écoute, repas, rigolades… Il s’exprime sur ses interrogations, ses manquements et tout ce qu’il s’était créé comme idées de la paternité et qui sont souvent sacrément remises en question CULTURE LIVRES « Nouveauxdarons. Bienvenueauclub », deRémyGuilloton, éd.Solar, 18,90euros. RÉMYGUILLOTON FIBREPATERNELLE Commentêtreunpapamoderne ? Réponsedansceguideoùchacunpourra sereconnaître. VICTORDELARBOL UNMONDESANSPITIÉ L’écrivainexplorelemal soustoutessescoutures.Diabolique ! « Personnesurcetteterre », deVictordelArbol,éd.ActesSud, 352pages,23,50euros. depuis que ses filles sont là. Forcément, il y a la théorie, le parent qu’on s’imaginait être avant. Et la réalité. Rémy raconte sa vie de papa à travers son compte Instagram (43000 followers) et via son podcast «darons.tv», dans lequel il interviewe des pères célèbres ou non, ceux qui croisent son chemin, le touchent et qui posent des mots sur leur paternité. Avec douceur, humour mais souvent sans s’épargner non plus. Des papas d’aujourd’hui, sans filtre, qui essayent de trouver l’équilibre entre leur vie professionnelle et leur(s) histoire(s) d’amour. Il vient donc d’en faire un livre, un guide pratique du daron. Il vit sa vie de parents avec Lisa, sa femme, reine des daronnes, aussi investie que lui. D’ailleurs, il a créé « darons » au pluriel pour leur parler à elles aussi, les mamans. Au passage, on attrape quelques réponses à nos questions, quelques idées de sorties. Et même, parfois, à travers cette parole libre et franche, on comprend mieux nos amoureux, les pères de nos enfants. Peut-être un peu les nôtres aussi. Ceux d’une autre génération. PARIS MATCH DU 00 MOIS 2022 12 PARIS MATCH DU 26 JUIN AU 2 JUILLET 2025 LASEMAINEDE MOHAMEDELKHATIB TOUTSURSAMÈRE Pour en finir avec le théâtre, le metteur en scène présente une rétrospective de son œuvre au Grand Palais et prépare une ultime création à Avignon. Pour mieux se réinventer. Par Benjamin Locoge / Photos Julien Lienard Certes, il s’était déjà intéressé à la forme théâtrale. Mais quand sa mère meurt, en février 2012, Mohamed El Khatib fait son deuil en écrivant un seul en scène, «Finir en beauté», afin de faire entendre une dernière fois la voix de la défunte et aussi de mettre les mots qu’il faut sur le cancer qui l’a touchée. «J’avais consigné dans un carnet tous les moments à l’hôpital, raconte le metteur en scène de 45 ans. Et jamais personne n’a prononcé le mot “cancer”, comme si personne n’arrivait à mettre des mots sur la fin de vie. Il fallait réparer ça. J’ai fait cette pièce pour dire: “Attention, ça peut s’arrêter à un moment donné, si quelqu’un vous dit qu’il va mourir, il faut l’écouter.”» De spectacle en spectacle, ROSCHDY ZEM LYNA KHOUDRI DIMITRI RASSAM ET JÉRÔME SEYDOUX PRÉSENTENT UN FILM DE MARTIN BOURBOULON SCÉNARIO ALEXANDRE SMIA ADAPTATION ET DIALOGUES ALEXANDRE SMIAET MARTIN BOURBOULON D’APRÈS LE RÉCIT DU COMMANDANT MOHAMED BIDA13 JOURS, 13 NUITS DANS L’ENFER DE KABOUL © EDITIONS DENOËL, 2022 ©2025CHAPTER2PATHÉFILMSM6FILMS ROSCHDY ZEM EST MAGISTRAL KONBINI “ ” AU CINÉMA VENDREDI 27 JUIN El Khatib ne s’est jamais trop éloigné de sa génitrice, se voyant même parfois reprocher de «ne pas avoir coupé le cordon». Mais s’il est devenu un dramaturge majeur de notre époque, c’est avant tout par son souhait de mettre sur un plateau les gens qui n’y sont quasiment jamais représentés. De «Stadium», où il fait jouer les supporteurs du RC Lens, à «La vie secrète des vieux», où il a demandé à des résidents d’Ehpad de raconter leur rapport à la sexualité, El Khatib fait un théâtre – qualifié facilement de «documentaire» – qui secoue. «Ce qui compte pour moi, c’est d’amener un public nouveau dans les salles. J’ai fait un spectacle avec une femme de ménage, on a fait le tour du monde avec. Et je n’ai jamais vu autant de femmes de ménage qu’à ce moment-là. Pourquoi est-ce qu’en Angleterre il y a beaucoup plus de personnes racisées dans les théâtres? Parce qu’il y a des acteurs et des actrices noirs sur scène. Donc on ne se pose même plus la question. En France, quand il y a un acteur noir, c’est un événement.» Si El Khatib a voulu mettre les minorités sur scène, il pense avoir fait le tour de la question théâtrale. «Quand le Grand Palais vous propose une rétrospective à 45 ans, c’est un peu une messe d’enterrement. Je me suis rendu compte que j’avais envie d’arrêter de faire des spectacles. Parce qu’il faut sortir des salles! En août dernier, j’ai dirigé la cérémonie des 80 ans de la « Legrandpalais demamère »,jusqu’au 29juinàParis, « IsraeletMohamed », du10juilletau 23juillet,aufestival d’Avignon. [SUITEPAGE16] LASEMAINEDE EXPO ROSCHDY ZEM LYNA KHOUDRI DIMITRI RASSAM ET JÉRÔME SEYDOUX PRÉSENTENT UN FILM DE MARTIN BOURBOULON SCÉNARIO ALEXANDRE SMIA ADAPTATION ET DIALOGUES ALEXANDRE SMIAET MARTIN BOURBOULON D’APRÈS LE RÉCIT DU COMMANDANT MOHAMED BIDA13 JOURS, 13 NUITS DANS L’ENFER DE KABOUL © EDITIONS DENOËL, 2022 ©2025CHAPTER2PATHÉFILMSM6FILMS AU CINÉMA VENDREDI 27 JUIN UN RÉCIT BOULEVERSANT PREMIERE “ ” PARIS MATCH DU 26 JUIN AU 2 JUILLET 2025 16 LASEMAINEDE Entre la mémoire familiale et les œuvres théâtrales, l’univers de Mohamed El Khatib sous la nef du Grand Palais. Libération de Paris. Je me suis retrouvé avec 4000 personnes sur le parvis de l’Hôtel de Ville à présenter un travail théâtral, musical et cinématographique. Là, j’ai eu le sentiment de faire quelque chose d’utile et de politique.» Que pense-t-il de la campagne de Rachida Dati en faveur de la culture dans les campings cet été? «J’ai joué “Finir en beauté” plus de 50 fois dans les campings, avec le comité d’entreprise EDF. Et j’ai vu venir des gens qui n’avaient jamais mis les pieds dans un théâtre. Le problème avec la proposition de Rachida Dati, c’est qu’elle arrive à contretemps et que c’est avant tout de la communication. Car pendant que vous proposez d’aller dans les campings, vous massacrez le cœur de la création, en diminuant les crédits de l’action culturelle qui permettent à des jeunes lycéens d’avoir une pratique artistique. » El Khatib loue en revanche le rééquilibrage territorial souhaité par la ministre de la Culture. «Il faut aller en milieu rural mais il faut aussi qu’il y ait des moyens partout sur le territoire. Je ne veux pas être celui qui alimente un discours méprisant envers l’initiative.» Mohamed a grandi dans le Loiret. Et c’est par l’école qu’il a découvert le théâtre. «Pour mes parents, il fallait que je sois médecin ou avocat. Quand je leur ai annoncé que j’allais faire du théâtre, ça a été un choc pour eux. Il y avait un rejet de la pratique artistique, une espèce de méfiance, en disant que ce n’était pas sérieux, que ce n’était pas un métier simple.» Trente ans plus tard, son père n’est jamais venu voir un seul de ses spectacles. «Parce que le théâtre fait peur, parce que ça ne l’intéresse pas. Quand on lui a dit qu’on parlait de moi dans la presse, il a répondu à ma sœur: «Ah bon? Qu’est-ce qu’il a fait?” » Alors pour conjurer le sort et en finir avec l’art dramatique, Mohamed va créer à Avignon un ultime spectacle avec le danseur Israel Galvan. «On parle de nos pères, qui ont choisi de nous appeler Mohamed et Israel, ce n’est pas rien en matière d’héritage.» Au Grand Palais, El Khatib, en plus de ses anciens spectacles, présente les accessoires qui ont servi à ses décors, éléments d’une mémoire familiale jamais montrée dans les musées, comme la Renault 12 ou la Peugeot 504 de son enfance. «Les musées ne s’intéressent pas aux classes populaires et ne s’adressent pas à elles. C’est pour cela que je me suis intéressé à l’histoire du retour au bled, qui fait partie de l’histoire de France, qui est liée aussi au patrimoine industriel, à l’essor des véhicules, à la démocratisation, à la possibilité pour les gens de retourner chez eux. Mon travail consiste à réhabiliter ces histoires. Et à en faire des fêtes populaires, à inventer de nouveaux formats. C’est ce qui m’attend désormais pour ces prochaines années.» Dont acte. BenjaminLocoge «Lesmusées nes’intéressentpas auxclassespopulaires etnes’adressentpas àelles»
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