MAD MOVIES n°390 - Page 1 - 390 Rédaction, Administration 51, avenue de Paris 94300 Vincennes Tél.: 01 44 635 635 Directeur de la publication Gérard Cohen g.cohen@custom-publishing.com Directeur de la rédaction et rédacteur en chef Fausto Fasulo fausto@mad-movies.com Secrétaires de rédaction Sacha Rosset, Marianne Ravel Rédacteurs pour ce numéro François Angelier, Sixtine Audebert, François Cau, Erwan Chaffiot, Cédric Delelée, Gilles Esposito, Fausto Fasulo, Pascal Françaix, Jean-Baptiste Herment, Alexandre Poncet, Bruno Provezza, Sacha Rosset, Maybelline Skvortzoff, San Helving, Bernard le Fourmilier. Rédactrice graphique Carla Ferreira/Pondichery Rédacteur iconographe Mathieu Roux Distribution presse MLP Impression Léonce Deprez Allée de Belgique 62128 Wancourt Remerciements Maya Borreil, Alexis DelageToriel, Charly Destombes, Aude Dobuzinskis, Jonathan Fischer, Vanessa Fröchen, Paulina GautierMons, Yael Golan, Laurence Granec, Matilde Incerti, Séverine Lajarrige, Lucky McKee, Lucie Mottier, Eli Roth, Nino Vella. Commission paritaire N°0727 K 81858 ISSN N° 0338-6791 Dépôt légal à parution Editeur délégué Custom Publishing France SAS au capital de 44 000 € RCS Paris 394 412 928 Principal actionnaire G. Cohen Custom Publishing France et MadMovies sont des marques déposées. La publication comporte une édition limitée avec le pack DVD Terrifier 3 au prix de 14,99 €. Le DVD ne peut être vendu séparément. Les articles ne peuvent être reproduits sans l’accord écrit de l’éditeur. ©2024 Custom Publishing France. Imprimé en France/ Printed in France Publicité MINT (Media Image Nouvelle Tendance) 51 Avenue de Paris 94300 Vincennes www.mint-regie.com Fabrice Régy. fabrice@mint-regie.com Tél.: 01 43 65 19 56 LE DVD MAD Carton surprise de l’automne dernier, Terrifier 3 revient régalerles goreux à l’occasion de sa sortie vidéo. Et comme nous sommes fidèles en amour, c’est en bundle exclusif que nous vous le proposons ce mois-ci. SERVICEABONNEMENTSmadmovies@abomarque.fr -Tél.:+33(0)534563560. MadMovies/Abonn’escient – Opper : 53, route de Lavaur31240 L’Union Abonnementsenligneetvented’anciensnumérossurwww.mad-movies.com - AbonnementàMadMoviespour1an97,90 € avant réduction surla France métropolitaine. SERVICEDESVENTESRÉSERVÉAUXPROFESSIONNELSOpperDiffusion kiosque. Sarah Mordjane. Tél.:0140942221. smordjane@opper.io LOCATAIRE PERMANENT C’est un sujet qui vire souvent à la boutade dans nos bureaux : quel pauvre hère aura droit à sa nécro dans le prochain numéro ? Gardons-nous d’évoquer les paris lancés par quelques collaborateurs à l’humour extra-noir sur les futurs lauréats funéraires et recentrons un peu le débat : jamais nous ne pensions un jour parler de David Lynch au passé. Jamais. Sa présence, comme évidente dans notre paysage culturel, touchait une forme d’éternité magique qu’on pensait impossible à contrarier. OK, on pourrait dire ça de bon nombre de personnalités dont on a pleuré la disparition ces derniers mois (William Friedkin et Roger Corman, pour ne pas les citer). Mais allez savoir, avec Lynch, il y a… il y a… un sentiment de proximité très particulier, probablement dû à cette « connexion psychique » que lui seul avait su créer avec le public. Cinéaste de la pénétration mentale, Lynch ne nous a jamais vraiment ouvert les portes de son univers : c’est bien nous qui lui avons ouvert les nôtres afin qu’il s’y installe… pour toujours. I Fausto Fasulo Site Internet & Madshop www.mad-movies.com X @Mad_Movies TikTok@madmovies_magazine Instagram @madmovies_officiel FacebookMadMovies YouTube Mad Movies Magazine imprimé sur du papier issu de forêt à renouvellement durable. Ville d’origine de fabrication du papier : Hagen (Allemagne) Taux de fibres recyclés : 0% Taux d’eutrophisation : 0,020 Kg/tonne Certification : PEFC Aveclesoutiendu Ciné+ Frisson propose en février, et comme à son habitude, une programmation de grande qualité dans laquelle nous avons pioché trois propositions hautement Mad : Vincent doit mourir (le 17/02 à 22 h 24), A History of Violence (le 19/02 à 20 h 50) et Acide (le 24/02 à 22 h 18). édito Et aussi… 6VODBORDELLO 14POURQUOIILFAUT(RE)VOIR… 16AVISCHIFFRÉS 18CINÉPHAGES 85MADGAZINE 88MADINFRANCE 90MESSALAUDS! 92ONESHOT! 95LABÉDÉDUMOIS 96ZONETRÈSLIBRE 98LECHOIXDUDRANGELIER Sommaire EN COUVERTURE DAVIDLYNCH(1946-2025) Existe-t-il un mot pourdécrire de manière fidèle la tristesse qui a frappé la rédac ce jour terrible du 16 janvier 2025 ? Bien sûrque non. David Lynch n’est plus, et c’est comme si le cinéma perdait un organe. Plutôt que de se morfondre dans le désespoir, replongeonsnous avec entrain dans ses créations, aux côtés de ses gars sûrs Kyle MacLachlan, PeterDeming, Eli Roth, et bien d’autres. 42 36 62 70 76 HOMMAGE JEANNOTSZWARC(1939-2025) Décidément, ce n’est pas ce qu’on appelle un bon début d’année. L’un des réalisateurs français les plus ricains a rendu son derniersouffle le même jour que Lynch. On lui devait de nombreuses curiosités telles que LesInsectesdefeu, LesDentsdelamer, 2e partie ou encore Quelquepartdansletemps. RENCONTRE DAVIDKOEPP De cette actualité funèbre surgit un fantôme : celui au cœurde Presence de Steven Soderbergh. Ce film malin nous a grandement motivés à donnerla parole à son scénariste David Koepp, virtuose du script qui a signé entre autres ceux de JurassicPark, L’Impasse etPanicRoom. RENCONTRE MARISHIRATO La découverte lors du NIFFF 2024 de l’inédit LaVengeancedelasirène, réalisé parToshiharu Ikeda en 1984, nous avait poussés à rencontrerson actrice principale, la grande Mari Shirato. Voici enfin notre entretien, alors que sort cette perle noire en salles et en Blu-ray ce mois-ci grâce à Carlotta. RENCONTRE JEAN-BAPTISTETHORET L’auteuret documentariste Jean-Baptiste Thoret plonge avec nous dans les profondeurs du cinéma de Carpenter, à l’occasion de la sortie de son nouvel essai Backto the Bone, dans lequel il s’échine à dénicherles secrets les mieux gardés des films de Big John. Vous croyiez tout savoir ? Détrompez-vous ! ODDITY : © 2023 SHUDDER / KEEPER PICTURES LIMITED / NOWHERE CONTENT INC. ALL RIGHTS RESERVED IN A VIOLENT NATURE : © 2023 ZYGOTE PICTURES INC. ALL RIGHTS RESERVED PROCHAINEMENT SUR PARTENAIRE OFFICIEL DE GÉRARDMER 6 Le Jardinier À la mi-janvier, alors qu’il ne se passait absolument rien d’autre dans le monde, d’anciens employés de Jean-Claude Van Damme ont piraté son compte pour poster en son nom des messages et vidéos le ridiculisant. Cette pantalonnade un peu glauque n’est même pas le pire affront fait aux Muscles de Bruxelles en cette jeune année 2025. Dans Le Jardinier, sorti avec tambour percé et trompette trouée par Prime comme si vraiment, mais alors vraiment plus rien n’avait d’importance, Jean-Claude affronte en binôme avec Michaël Youn une équipe de mercenaires formée de Ragnar le Breton, Jérôme Le Banner et Kaaris, dans un produit jetable, à peine écrit, tout juste filmé parDavid Charhon, l’hommedontlaficheIMDbtientducasier judiciaire. Face à ce casting concocté par un enfant de 3 ans qui viendrait de découvrir Instagram, Jean-Claude s’emmerde comme rarement, peine à leverla jambe, ses éventuelles prouesses physiques noyées dans un surdécoupage inepte. Ô rage, ô désespoir. N’a-t-il donc tant vécu que pour l’infamie de tourner des « comédies » « d’action » torchées sans tendresse parle réalisateurde Cyprien ? Back in Action Les représentants de Netflix le jurent : ils avaient des super projets avec David Lynch, interrompus à cause de la faute à pas de chance. Vraiment, c’est trop bête, et c’est d’ailleurs la mort dans l’âme qu’ils ont jeté des liasses, des mallettes, des palettes de billets verts à Back in Action de Seth Gordon, sur la foi de sa relecture consternante et consternée de la figure du couple d’espions rempilant avec gourmandise. Cameron Diaz et Jamie Foxx ont suffisamment de métier et de bagout pour faire croire à leur semblant d’alchimie, hélas pas assez pour faire tenir un scénario sans queue ni tête ni cœur ni pouls, adapté aux nouveaux impératifs de production pour plate-forme : il faut que les dialogues paraphrasent sans cesse l’action pour que le public puisse à peu près suivre sans regarder. C’est sans doute pratique ; ça donne surtout l’impression qu’une pub pour laxatifs vous parle avec condescendance. À l’aube de l’Amérique Le premier épisode de la minisérie À l’aube de l’Amérique, exhibée dans le quartier rouge de la VOD connu sous le nom de Netflix, entretient savamment l’illusion d’une alternative barbare solide auHorizondeKevinCostner.Sadescription d’un Ouest sauvage sans foi ni loi culmine dans ce fameux plan-séquence d’attaque de convoi dont certaines bouches humides se sont fait les gorges chaudes. Si la réalisation de Peter Berg ne gagne pas en finesse, très loin de là, elle se prête néanmoins à merveille à la tentative de réinvention du western proposéeparlesscriptsdeMarkL.Smith, nimbéedetoucheshorrifiquesetdecette belle ambiance de fin du monde capable de tenir éveillé le temps d’un autre épisode, allez, le dernier. Drapé dans sa solide assise historique comme dans un peignoir en soie inexplicablement vert fluo, le binôme créatif s’autorise régulièrement des hoquets narratifs et facilités diverses, mais le charme putride tient à peu près. Jusqu’au dernier épisode, où leursdémonsmélodramatiquespompiers finissent par tout foutre en l’air, même ce penchant insistant et du coup assez marrantàvouloirportraitiserlesmormons commed’irrémédiablesenfantsdeSatan. VODBORDELLO GUIDE DE SURVIE DANS LA JUNGLE DU STREAMING, PAR SAN HELVING Backin Action. À l’aube de l’Amérique. 8 VOD BORDELLO compositeur en passant par le moindre figurant, tous les postes ont l’air d’avoir été assurés en gueule de bois d’un alcool de prune médiocre. Le mouvement final procure le vague sentiment de satisfaction d’arriverquelque part, et donne enfin carte blanche à sa grande antagoniste laissée jusque-là dans l’ombre (Sophie Rois, oviparo-sérendipitaire). C’est peu, mais c’est déjà ça que les frères Scott de Jordan n’ont jamais eu. Breathing In Remarqué par titange PTT Laurent Duroche avec l’éco-anxieux Gaia en 2021, le réalisateur sud-africain Jaco Bouwer s’en revient par la fenêtre sur Shadowz avec Breathing In, huis clos claustro sis pendant la seconde guerre anglo-boer. Un général blessé trouve refuge dans une sombre masure où une mère et sa fille post-adolescente vivent des bûches à l’arrière de la cabane d’un bûcheron vasectomisé parun gouvernement de gauche ; le casting crie et agite les bras pourfaire oublierque l’argument scénaristique devrait normalement être plié en une demi-heure grand max. Berlin Nobody Nepo-babysme toujours avec Berlin Nobody de Jordan Scott (sur Canal+), transposition en Allemagne du roman Tokyo de Nicholas Hogg, avec sir Ridley à la production. Un psychologue enquêtant sur le milieu des sectes (Eric Bana, liminal) s’avère infoutu de percuter que safille(SadieSink,viticole)estjustement alpaguée par l’un de ses sujets d’étude. À sa décharge, il faut une bonne heure pour que l’intrigue démarre réellement et se décide à avancerdes pions repérés à 15 kilomètres. De la monteuse au Humane Caitlin Cronenberg a eu l’excellente idée, pour son premier long-métrage, de ne pas braconnersurles terres de son David de père à l’instarde son Brandon de frère. Pour autant, Humane (appréhendable parles forces de l’ordre surParamount+) hume moins l’originalité que l’odeur suspecte d’un canapé en cuirabritant en son sein une multitude d’insectes morts. Dans un futur en crise où les citoyens sont encouragés à se porter volontaires pour une bonne vieille euthanasie, une famille se voit contrainte de choisirun de ses membres pour atteindre son quota. Formellement atone, le film rejoint la cohorte grandissante des drames d’anticipation bourgeois, où l’apocalypse s’observe en microcosme coupé du monde. Les commentaires sociopolitiques acerbes s’empilent comme Berlin Nobody. Humane. recluses ; il s’aperçoit bien évidemment trop tard que quelque chose ne tourne pas très rond. Ce pourrait être le départ d’un porno tourné par Fausto Fasulo sur son temps libre dans l’annexe de son penthouse tokyoïte ; c’est malheureusement l’adaptation d’une pièce de la dramaturge Reza de Wet, passionnante sur le papier, ingrate à rendre vivante à l’écran. Entre deux rares fulgurances visuelles et tonales, Jaco rame de toutes ses forces pour concilier lieu unique, tunnels de dialogues et comédiens en inexorable dérive. Il se rattrape aux branches in extremis dans un dernier acte beaucoup mieux tenu, trop tard hélas pour empêcher l’accession d’Elon Musk à la gouvernance mondiale. The Calendar Killer C’est marrant, enfin pas de quoi souiller ses sous-vêtements non plus, disons que ça fait sourire, enfin plutôt que ça peut provoquerune petite interjection de type « oh ! », « hé ! », voire un « tiens ! ». En tout cas, le thriller The Calendar Killer d’Adolfo J. Kolmerer (sur Prime) filme la capitale allemande à peu près comme Jordan Scott dans Berlin Nobody, en se concentrant sur le centre urbain un peu triste alors que cette ville peut vous chavirer le cœur comme peu d’autres, bordel. Mais non, tout ne doit être que grisaille et nuits tristes, avec option interlope pour les flashbacks. Klara appelle une hotline pour femmes en détresse, et balance à son interlocuteur qu’elle est la proie du « Calendar Killer ». Son passif d’épouse abusée par son mari politicien BDSM se révèle maladroitement en parallèle ; la sinistrose s’impose et trottine vers une résolution dont le potentiel de satisfaction oscille entre 12 et 23 %. Les grands perdants dans cette sombre histoire sont, dans l’ordre : Berlin, la cause féministe, le cinémadegenreallemand,puisleBDSM. Elevation La présence de la divine Morena Baccarin et d’Anthony Mackie – un putain d’Avengers, quand même –, présume a minima d’une série B à même d’érotiser les papilles. Mais comme plus rien n’a de sens, Elevation de George Nolfi (sur Prime) n’est qu’un nouveau succédané de Sans un bruit, avec cette fois-ci des créatures qui ne peuvent pas grimper au-dessus d’une certaine hauteur (pour la suite éventuelle, je pensais à des bestioles qui réagissent à l’odeur de lessive et qu’il faut tuer d’une flèche dans l’urètre). Faute d’argent et d’intérêt à quelque niveau de la production, le temps s’étire indéfiniment dans des scènes déjà mille fois vues, des dialogues déjà mille fois écrits, joués, chiés pardes générations d’interprètes sentant leur carrière s’échapper devant leurs yeux paniqués. The CalendarKiller. Elevation. 10 VOD BORDELLO T.I.M. Le britannique T.I.M. de SpencerBrown, vu en train de dégrader des vitrines sur Paramount+, nous ressert une énième histoire d’intelligence artificielle ayant atteint la fameuse singularité pourfaire le mal. En l’occurrence le robot humanoïde éponyme, obsédé par sa maîtresse et prêt à tout pourl’avoirà lui et rien qu’à lui. Dans ce rôle d’I.A. transformée en stalker incel aux opinions plutôt affûtées sur le cinéma en noir et blanc, Eamon Farren fait de son mieux pour ne pas sombrer dans le ridicule le plus achevé, et trouve un compagnon comique involontaire de choix en Mark Rowley et son accent écossais à couper à la tronçonneuse qu’Éric Ciotti a reçue pourNoël. La drôlerie de leur face-à-face mou sauve tout justecettecentainedeminutesdel’ennui. Perpetrator Knives and Skin (2019) avait placé JenniferReedersurla liste des cinéastes à suivre, Night’s End (2022) l’avait fait chuteren bas de cette liste, Perpetrator (chu surUniversCiné) la fait remonterde deux, trois places. Une adolescente en pleine mutation surnaturelle arrive dans une école où des élèves disparaissent mystérieusement. Une narration déliée, de timides embardées formelles, le doute surl’intérêt de ce thrillerhorrifique un peu trop content de lui taraude dru. Le rythme languide interroge, la bonne tenue visuelle rassure d’une tape surl’épaule, la fin arrive et impossible de savoir quoi en penser. Le quatrième semi-film d’horreur semi-atmosphérique d’affilée sera celui de trop, Jennifer. Hérésie Quand tout espoir semble englouti dans des abysses même pas lovecraftiennes, un sursaut qualitatif jaillit des Pays-Bas avec Hérésie, passé par le PIFFF et visible sur Shadowz. Devant cette partition classic rock jouant avec une aisance magnifique sur les grandes figures classiques de la folkhorror, l’envie vient de prendre tous les réalisateurs et réalisatrices de long-métrage de cette fournée, de les attacher à des chaises inconfortables, de leur projeter les cinq films de la saga Tuche puis celui-ci, et de recommencer autant de fois que nécessaire. Une durée dépassant l’heure d’une splendide et unique minute, une photographie somptueuse, une actrice principale (l’incroyable Anneke Sluiters, que personne n’avait vraiment remarquée dans Tulipani: Love, Honour and a Bicycle ou Ons aller onkruid) d’une intensité à se damner, des idées graphiques exécutées avec une grâce monstrueuse, des élans gorasses à écarquiller les yeux et à laisser sa mâchoire béante : voilà ce que demande le peuple, Monsieur Pujadas. Ad Vitam Dans la farandole louche des Netflix Originals francaoui, Ad Vitam se positionne en haut d’un panier garni de produits à la fraîcheurdiscutable. Dans la filmographie de son réalisateurRodolphe Lauga, c’est un sommet inespéré, une putain d’extraction à mains nues des neuf cercles de l’enfer après l’inexcusable Je te veux moi non plus avec (trigger warning) Inès Reg. Quant à savoir si ça en fait un bon film pour autant, c’est une autre paire de manches de la veste de Marty McFly. Indice chez vous, passés quinze jours après le visionnage, il faut revoir la bande-annonce pour essayer de réveiller les maigres souvenirs de son intrigue usée jusqu’à l’os à moelle. De mémoire, (triggerwarning) Guillaume Canet fait à peu près le job, Stéphane Caillard aussi, le génial Johan Heldenbergh vole chacune de ses scènes sans jamais se forcer et Nassim Lyes ne fait que passer. Démerdez-vous avec ça. Perpetrator. 12 VOD BORDELLO Severance Apple n’a mis à disposition de la presse que six des dix épisodes de la deuxième saison tant et tant et tant attendue de Severance, et franchement c’est bien, ça donne suffisamment d’avance aux journalistes spécialisés pourleurdonner ce petit shoot de supériorité sur la plèbe pendant quelques semaines. Puis viennent le manque, le doute, l’envie de courir nu sur le périph pour se joindre à l’enthousiasme collectif de la découverte hebdomadaire du monde créé par Dan Erickson, sous la tutelle visuellement implacable de Ben Stiller, fabuleuse allégorie sur l’aliénation salariale. Des personnalités créées ex nihilo pour accomplir des tâches absconses à la solde d’un mystérieux consortium finissaient parse rebellercontre leurcréateur après avoir déambulé dans des décors cliniques interchangeables. Trois ans après un cliffhanger de bâtard sensible, ces six épisodes se bingent d’affilée, sans pause ni même sexto borderline à Gilles Esposito sous le coup de l’excitation. Cette grosse moitié de saison prend un virage voisin de ceux prisés par Damon Lindelof sur les plus grands chambardements scénaristiques de Lost ou The Leftovers. Severance élargit son univers aux moments les plus saugrenus, retourne la perspective et le point de vue avec un mélange consommé de douceur et de brutalité, tout en calculant une infinité d’angles morts pour ne pas éventer tous ses mystères – les fétichistes des jeux de piste et indices cachés ont trouvé là un Kamasutra de choix pour la saloperie de décennie en cours. Un épisode amène méthodiquement à une redistribution totale des cartes, le suivant n’a pas le temps de prendre ses marques qu’un autre postulat imprévu surgit. Ce qui pourrait se limiterà un simple exercice de style et de précision dans le désordre se laisse déborderparcette pointe d’humanité précieuse, à même d’entretenir une forme d’optimisme discrètement euphorique, une porte ouverte vers la possibilité si ce n’est d’une résistance, du moins d’un doigt d’honneur, d’un grain de sable capable de grippersuffisamment le rouage pour faire chier les cons – quitte à disparaître dans les limbes ce faisant. Les quatre derniers épisodes vont peutêtre se teinter du goût acide et cuivré de la déception, mais le jeu en vaut pour l’instant la chandelle. Squid Game Previously on Squid Game, une série coréenne de Netflix emporte le monde parl’incongruité de son concept de Battle Royale pour désargentés, s’affrontant dans des jeux d’enfants transformés en défis meurtriers. Le phénomène fait bien évidemment peu de cas du savoir-faire à l’œuvre, du charisme de ses interprètes ou de sa transposition de la lutte des classes en arène obscène ; ne reste que le potentiel fendard du postulat de base. Pour la 666e fois, le système avale sa propre critique et la régurgite en produit d’appel, en sponso lucratives, en partenariats récréatifs de ses grands morts. Hwang Dong-hyuk, le créateur du show pas du tout, mais alors du tout rémunéré à la hauteur du succès, renégocie son contrat pour une saison 2, sort essoré et dépité de l’expérience. Le pire, c’est qu’il n’a même pas livré du travail de sagouin. La première moitié de saison tombée fin décembre réussit l’exploit de renouveler la trame et les enjeux, dans un faux remake des épisodes inauguraux de cette franchise en devenir. Le combat perdu d’avance des immenses Lee Jungjae et Lee Byung-hun se fait le miroirdes affres du showrunner, l’électron récalcitrant nourrissant l’espoir de pouvoir renverser la table, voire plus, avant le retour à la réalité dans ta bonne grosse gueule. Jeu mobile, happening sur les Champs-Élysées avec des influenceurs, avalanche de publicités sur tous les canaux… Votre appel à la révolution, vous le prendrez avec ou sans frites ? Severance. Squid Game. L’histoire pourrait se passerà Marseille, mais non : elle se passe en Normandie, là où il fait un temps pourri et où on voit moins de donzelles faire du naturisme mais où on ne risque pas de se prendre une balle en allant faire ses courses. Un bateau de pêche ayant mystérieusement disparu dans la baie de Fécamp après avoir lancé un S.O.S., la gendarmerie locale fait appel à une océanographe pour les aider dans leur enquête, Abigail. Celle-ci connaît bien la ville pour y avoir longtemps vécu avant d’y abandonner sa famille après que son fils Enzo (sans doute un clin d’œil au Grand Bleu) a échappé à sa surveillance et s’est noyé. Évidemment, son ex tire la tronche en la voyant débarquer, d’autant qu’elle se laisse draguer par le gendarme avec qui elle fait équipe. Elle apprend pardes témoins qu’une étrange lueur a été aperçue sous l’eau lors de la disparition du chalutier. Perspicace, elle en déduit rapidement qu’une étrange lueura été aperçue sous l’eau. Elle s’efforce alors de convaincre la communauté qu’il y a là quelque chose de bizarre et qu’il vaudrait mieux ne pas aller se baigner ou pêcher, mais personne ne l’écoute. Sauf son gendarme, un sauveteur barbu joué par Jean-Marc Barr (sans doute un clin d’œil au Grand Bleu) et sa belle-sœur, une terroriste écolo qui n’aime pas les éoliennes. Mais ses alliés se retrouvent pris dans une explosion sous-marine qui envoie le premier au cimetière et la deuxième dans le coma. Abigail se retrouve donc seule contre tous, d’autant que l’armée ne tarde pas à débouler en force (ils sont quatre), avec à sa tête une gradée qui se prend pourMichael Biehn sans la moustache. On apprend alors, au bout de quatre épisodes sursix passés à nous expliquer qu’une étrange lueur a été aperçue sous l’eau, que la Manche abrite en réalité une créature venue des abysses que les militaires tiennent absolument à capturer. Abyss, Le Gendarme et les Extra-Terrestres, Aliens, le retour, Un poisson nommé Wanda, Les Dents de la mer (surtout le 4)… Tant de références donnent le tournis. Mais l’affaire se corse lorsque les pêcheurs partent chasser le monstre à bord d’une barque à l’aide d’un harpon, alors qu’il fait la taille de Godzilla (mais ressemble à Barbapapa croisé avec Totoro). Ajoutez à tout ça un gamin sourd-muet télépathe et vous obtenez une mini-série qui aurait poussé James Cameron à arrêter le cinéma pour restaurer ses vieux films en 4K tout lisse. I Lui-même descendant d’une race de dauphins et grand fan du commandant Cousteau, dont il porte parfois le bonnet, Bernard le Fourmilier ne pouvait pas rater la nouvelle série de SF aquatique de France 2. Rivages THE BARBABYSS. 2025. France/Belgique/Normandie. Réalisation Luc Cameron. Interprétation Des gendarmes, des pêcheurs, un nain, Jacques Mayol et Barbatruc. Disponible en replay surFrance TV. BERNARD LE FOURMILIER LE COUP DE CŒUR DE
MAD MOVIES n°390 - Page 1
MAD MOVIES n°390 - Page 2
viapresse
Fnac.com