Premieres pages de EE 61 Nos revoltes entretien Hasti - Page 2 - Premières pages de l'entretien avec Hasti Entretien de Marie-Noël Arras avec Hasti, jeune femme iranienne. Lorsque mon neveu m’a annnoncé en décembre qu’il partait en vacances en Iran, tous les préjugés sur ce pays ont surgi dans ma tête. Mais lorsqu’il m’a dit que des amis, qui rentraient d’un séjour là-bas lui avaient conseillé de dormir chez l’habitant parce qu’ils n’avaient jamais rencontré un peuple plus hospitalier, j’ai de suite pensé à lui demander de poser quelques questions aux jeunes femmes qu’il pourrait rencontrer sur la condition féminine dans ce pays. Mathieu est revenu enchanté et m’a transmis les coordonnées d’une jeune femme dont il avait apprécié le côté rebelle ! Cet entretien s’étale sur deux mois. Mathieu qui dessine des carnets de voyage nous a offert le portrait de la jeune femme. étoiles d’encre 61-62 ©Hasti Javadi, Le Sud iranien, janvier 2015 61 Une Iranienne à Eoiles d'encre_Etoile d'encre gabarit 25/02/2015 00:52 Page 152 De Montpellier à Téhéran 1er décembre 2014/20 février 2015 Bonjour Hasti, je suis enchantée de pouvoir échanger avec vous pour notre revue Étoiles d’encre. Pouvez-vous nous parler tout d’abord de votre parcours personnel ? Je m’appelle Hasti (mon surnom) Javadi, et je suis née le 13 octobre 1982 à Mashhad (une ville au nord-est de l’Iran). J’ai grandi à Abu-Dhabi jusqu’au lycée. Je n’ai pas toujours habité dans la même ville. Je n’ai que des sœurs, j’en ai 3, pas de frère. Elles, aussi, ont fait des études supérieures. Vos parents ont-ils fait des études supérieures ? En Iran ou à l’étranger ? Ma mère et mon père ont fait des études de littérature d’anglais à l’université et ils étaient professeurs d’anglais avant de prendre leur retraite. Mon père parle plusieurs langues et traduit aussi. Qu’avez-vous fait, vous-même comme études et comment avez-vous appris le français ? J’ai fait une licence de Droit général en Iran et puis bac +6 de Droit pénal et criminologie. Mon mémoire portait sur les vides du système juridique et pénal iranien à propos des enfants. J’ai appris la langue française, d’abord en Iran pendant presque deux ans puis je suis partie en France pour continuer mes études. Là-bas, j’ai d’abord bien appris la langue française à l’université Stendhal de Grenoble. Après presque 2 ans je suis partie faire le droit comparé et politique internationale à Clermont-Ferrand, et j’ai été acceptée à l’université de Nice, j’y suis restée plusieurs mois et puis je suis rentrée en Iran, parce que ça me coûtait très cher (à cause de l’augmentation du taux de change). Je voulais faire ma thèse de doctorat sur : L’impact de la mondialisation du droit pénal international, sur le droit pénal iranien dans le domaine des crimes contre l’humanité comme la lapidation… nos révoltes 61 Une Iranienne à Eoiles d'encre_Etoile d'encre gabarit 25/02/2015 00:52 Page 153 Votre éducation a-t-elle été plutôt sévère ou plutôt « libérale » par rapport aux autres jeunes filles iraniennes ? Aujourd’hui quand je pense à mon passé, une douleur et en même temps une satisfaction viennent à mon esprit ! Parce que malgré les difficultés, la femme que je suis devenue maintenant, c’est aussi grâce à mon père ! Malgré sa sévérité pour nous éduquer, c’était un homme gentil et aimant ! C’est grâce à lui que nous avons eu accès au monde de la culture et des arts (la littérature, la peinture…). C’est aussi grâce à lui que nous avons acquis des valeurs morales telles que la générosité, la bonté, le respect… Il était très strict quant à la manière de nous éduquer car c’était important pour lui, même indispensable de nous inculquer ces valeurs. Toutefois, il utilisait parfois des violences mentales et psychologiques, des menaces… Son éducation était stricte mais il n’a jamais utilisé sa force physique. Mais, au fur et à mesure j’ai gagné la liberté. Est-ce le cas pour les autres jeunes filles que vous côtoyez ? Si je parle juste à propos des filles autour de moi, je devrais dire que oui, il y a beaucoup de filles qui ont la liberté de tout choisir (de la part de leur famille mais pas forcément de la part de la société). La liberté de choisir leurs études, leurs voyages, leur travail, leurs loisirs, la manière vestimentaire… mais vous savez, il ne faut pas me satisfaire en parlant juste de mes connaissances, il faudrait donner mon avis à l’échelle plus générale. Des filles qui se trouvent dans les petites villes, les villages, les banlieues ! Vos parents voient-ils favorablement votre liberté de correspondance, d’échange, d’amitiés en dehors de l’Iran ? Il faut savoir que malgré les apparences, l’Iran est un pays ouvert et les Iraniens friands de contacts avec les étrangers. Tous les jeunes iraniens qui ont accès à Internet ont accès aux réseaux sociaux tels Facebook, viber, whatsapp… et sont connectés avec le reste du monde. Nous ne sommes pas isolés du reste du monde, nous 154 une invitée iranienne étoiles d’encre 61-62 61 Une Iranienne à Eoiles d'encre_Etoile d'encre gabarit 25/02/2015 00:52 Page 154 regardons les mêmes séries, les mêmes films, les mêmes informations… Concernant mes parents, ils n’ont pas de problème avec mes contacts et amitiés en dehors d’Iran. Aucun problème avec d’autres nationalités, au contraire, ils s’y intéressent. Leurs inquiétudes portent plutôt sur les questions religieuses. E vous avez de nombreux amis ? Oui, j’ai de bons amis en Europe, aux États-Unis, ou bien dans d’autre pays étrangers. Nous nous entendons bien et nous nous aimons. Même en Iran, j’ai des amis étrangers. Je ne me sens pas appartenir juste, à un pays, à une région, ou bien à un endroit particulier ! Dans mon esprit je suis une femme sans frontière ! Et mon pays est là où je suis heureuse ! Mes amis sont ceux avec qui je me sens bien. Rien à voir avec leur lieu de vie ou leur nationalité. Depuis votre retour de France que faites-vous ? Actuellement, je suis professeur de français et aussi traductrice pour une maison d’édition. Et je fais des projets relatifs au droit dans un centre d’étude. Je suis aussi des cours professionnels de danse traditionnelle. Mes voyages en Iran, m’ont donné l’idée de suivre des cours de TOUR QUIDE après lesquels je pourrai obtenir la carte internationale et devenir une « Tour leader » pour bien présenter la beauté de l’Iran à tout le monde… Quand j’ai quitté la France j’étais étudiante, quitter mes études pour lesquelles je me suis passionnée était désespérant. Un événement affreux ! Pendant quelques mois je ne pensais qu’à revenir en France pour finir mes études et travailler dans les organisations sans frontière, des ONG dans les domaines de droit de l’homme. Mais, la réalité et la situation parfois changent nos rêves et petit à petit, on se console un peu ! Je désire toujours réaliser tout ce que je vous ai expliqué au début. Mais d’autres chemins et des rêves réalisables sont venus vers moi. hasti 155nos révoltes 61 Une Iranienne à Eoiles d'encre_Etoile d'encre gabarit 25/02/2015 00:52 Page 155
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