premières pages de la frileuse de Nicole Buresi - Page 1 - premières pages de la frileuse de Nicole Buresi D’un noir, l’autre Collection dirigée par Janine Teisson Le Douzième Corps, Janine Teisson, 2017 Recheche cadavre exquis, Marina Wurtz, 2016 Double je, Anita Fernandez, 2015 La Métamorphose du rossignol, Janine Teisson, 2015 Les Doutes du divisionnaireVallandra, Victoria Thérame, 2015 Sur le fil de la nuit, Suzel Grondin Pilou, 2014 Thalasso-crime, Janine Teisson, 2014 © Éditions Chèvre-feuille étoilée Montpellier contact@chevre-feuille.fr http://www.chevre-feuille.fr/ novembre 2017 isbn : 978-2-36795-126-3 LA FRILEUSE De la même auteure Recueil de nouvelles Esquisses de femmes, éd. Langlois Cécile, à paraître octobre 2017 Recueil de poèmes Vivante, illustré par Anne Lantheaume, ed. Chèvrefeuille étoilée, 2013 Théâtre Le Pari, ed. Les Cygnes, 2017 À l’aube, j’ai rencontré mon voisin Oreste, Les Cygnes, 2014 Trois femmes dans l’escalier, ed. Les Cygnes, 2011 Roman collectif Bassoles s’en va-t-en guerre (N. Buresi, É. Dersoir, N. Hamon, R. Marteau, A. Raimbaut, S. Tanguy), ed. Chèvre-feuille étoilée, 2015 Nicole Buresi La frileuse Saint-Pierre en Languedoc n’existe pas, les personnages sont tous fictifs. Toute ressemblance avec des personnes, des noms ou des faits réels serait pure coïncidence. 9 1 La mort d’Hubert Dimanche 13 décembre, 20 heures — Monsieur l’inspecteur, je vous assure, tout était tranquille ici jusqu’à jeudi soir. C’est là que tout a basculé : mon patron meurt brutalement. Quand il s’est écroulé, sa femme Clarisse était en ville et Madame de Vérangis dans ses appartements. Moi, je n’étais pas loin. Je regardais tranquillement la boxe dans ma chambre et, comme c’était l’heure de mon service, je m’apprêtais à éteindre la télé. Mollement : j’étais si bien là ! C’est l’ancien bureau de Monsieur de Vérangis, aménagé pour moi depuis qu’il l’a déserté pour un immeuble en ville. Une grande pièce claire avec des rayonnages tout autour, une belle table empire, en acajou et cuir rouge, un lit empire aussi, dans l’angle et une salle de bains attenante en marbre vert. Faut voir ça ! Je dispose d’un ordinateur, d’une imprimante-photocopieuse-scanner, 10 et d’une télé à écran géant où je peux suivre mes matches de boxe quand je suis libre. Donc jeudi soir, bien calé dans mon fauteuil, je diffère minute après minute l’appui du pouce sur la zappette : on retransmet le fameux match de l’an dernier entre le Philippin Manny Pacquaio et l’Américain Chris Algieri dont l’enjeu est la ceinture wbo des super-légers à Macao. Manny a déjà fait chuter six fois son adversaire au tapis, sans réussir à le mettre ko, et les juges vont quand même lui accorder la victoire. Ce qui se joue là, c’est le futur combat entre Manny et le fameux Floyd Mayweather en mai prochain. J’ai furieusement envie de voir la fin du match. Je suis en transe. Je dois l’interrompre quand même. À dix-huit heures, c’est l’heure du sacro-saint whisky et j’ai déjà pris quelques minutes de retard, ce qui ne m’arrive jamais. Depuis, je me repasse le film en boucle. Le plateau m’attend sur la table basse, de l’autre côté du couloir. Il est prêt depuis un quart d’heure et je suis sur le point d’aller servir mon patron. Il me semble entendre un bruit de chute. Je baisse le son. La maison est silencieuse. Je regarde encore un peu les images du match, deux ou trois minutes, pas plus, puis j’éteins le poste et je m’arrache pour rejoindre le petit salon. 11 Et là, quel tableau ! Monsieur de Vérangis est étendu par terre, la tête sur le parquet, la tempe gauche en sang, la moitié du corps sur le tapis, inerte et recroquevillé comme si un spasme l’avait brutalement plié en deux. Mort. Dans sa chute, la tête a dû heurter d’abord l’angle métallique de la petite table basse et la renverser. Ses doigts frôlent un verre vide. Des fragments de cristal parsèment le sol : le flacon, en mille morceaux. Du sang partout. Devant cette horreur, je crie à l’aide et fais tout de suite appeler le docteur Gilbert, un vieil ami de la famille. Il arrive très vite. Son cabinet est proche de la villa. En l’attendant, je m’active tant que je peux, mais malgré mes efforts pour le ranimer, massages cardiaques et tout, il ne reprend pas connaissance. Le médecin n’a eu qu’à constater le décès. Il a noté : arrêt cardiaque. Est-ce qu’on ne meurt pas toujours d’un arrêt cardiaque, Monsieur l’inspecteur ? Puis il s’est occupé lui-même des formalités pour nous soulager et fait emporter le corps au funérarium. Il y a ensuite emmené Clarisse et Louise de Vérangis, l’épouse et la mère d’Hubert qui souhaitaient le veiller seules, la première nuit. Il n’était pas vingt heures quand ils sont partis. 12 Elles ne sont rentrées qu’au petit matin, et se sont retirées dans leur chambre, épuisées sans doute. Voilà. Dès jeudi soir, votre équipe et vous-même avez été là pour nous interroger, faire des photos, prendre des empreintes… On n’avait touché à rien. On vous a raconté comment tout s’était passé et finalement hier soir vous nous avez autorisés à ranger la pièce. Que voulez-vous savoir d’autre ? Voilà en gros ce que je lui ai encore répété tout à l’heure, à l’inspecteur Revel. Trois jours qu’il était là. Il finissait de prendre des notes. Il n’a rien répondu. Juste que jeudi prochain, le commissaire Letonner assisterait aux obsèques. Il faudra donc attendre jusqu’au 17 pour enterrer mon patron, à cause du week-end. Une semaine… Ce délai me semble long, mais il est peut-être normal. Si je me fais des idées, je ne suis pas le seul, à cause des flics qui traînent autour de la maison. Des rumeurs d’autopsie commencent à circuler. Cette mort fait le buzz dans notre petite ville. Si jeune ! C’est bizarre ! Etc. Les ragots prennent vite et mon patron était une personnalité connue, un chef d’entreprise apprécié. Un homme charmant… Ce sont les meilleurs qui… J’aimerais bien savoir… Pour une fois que…
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