premières pages de Alger de Catherine Rossi - Page 2 - premières pages de Alger ou l'impossibel portrait de Catherine Rossi Collection D’un espace, l'autre dirigée par Behja Traversac Ma mère : Collectif dirigé par Leïla Sebbar, 2008 Quoi qu’on en dise, le Petit-Bard... Montpellier 1962-2008 : Le Ciepac, textes de Marie D’hombres, photos de Gabriele Lupu, 2008 Entière ou La réparation de l’excision : Marie-Noël Arras, 2008 Le voile est-il islamique ? Abdelaziz Kacem, 2003, 2004, 2008 Mon père : Collectif dirigé par Leïla Sebbar, 2007 Aurélie Picard, princesse des sables : José Lenzini, 2006 Edward Said, variations sur un poème : Amina Bekkat, 2006 Jamal Eddine Bencheikh, une parole vive : ChristianeChauletAchour,2006 Amours Rebelles : Behja Traversac, 2005 Frantz Fanon, l’importun : Christiane Chaulet Achour, 2004 À fleur de mots ou la passion de l’écriture : Cécile Oumhani, 2004 L’ombre d’un homme qui marche au soleil : Maïssa Bey, 2004-2006 Libres paroles : Claude Ber, 2003 Le corps met les voiles : Collectif dirigé par Behja Traversac, 2003 © Maquette de couverture et intérieur Marie-Noël Arras portrait d'alger sba 2 coul_Mise en page 1 30/05/2012 01:46 Page 2 ALGER OU L’IMPOSSIBLE PORTRAIT portrait d'alger sba 2 coul_Mise en page 1 30/05/2012 01:46 Page 3 DU MÊME AUTEUR Carnet d’aquarelles du Maroc, Rabat, Nouiga Images, Rabat 2002. Jardins arabo-andalous, Porte-folio et livre, Nouiga, Rabat 2003 Les lettres de Tamanrasset, Co-éd. Chèvre-feuille étoilée, Montpellier/Dalimen, Alger 2004 Carnets d’Alger, Dalimen, Alger 2005 Double regard sur la Casbah, co-auteur, Karim Takeznount, Dalimen, Alger 2006 IZRI Images de Kabylie, co-auteur, Karim Takeznount, Dalimen, Alger 2006 Par delà le miroir…, roman Dalimen, Alger 2007 Les Carnets d’Alger 2, Dalimen, Alger 2008 Le Jasmin, les roses et le néant, biographie romancée d’El-Hachemi Guerouabi, co-auteur Chahira Guerouabi Casbah, Alger 2009 Ouvrage collectif : Sortilèges sahariens, Chèvre-feuille étoilée, Montpellier 2008 Articles avec illustrations dans : Qantara, Carnet de route, n°s 39, 48 et 54. Etoiles d’encre, nombreux numéros. www.artmajeur.com/catherinerossi/ © Éditions Chèvre-Feuille étoilée Montpellier www.chevre-feuille.fr mars 2009 ISBN : 978-2-914467-56-8 portrait d'alger sba 2 coul_Mise en page 1 30/05/2012 01:46 Page 4 CATHERINE ROSSI Alger ou L’impossible portrait portrait d'alger sba 2 coul_Mise en page 1 30/05/2012 01:46 Page 5 À mes filles portrait d'alger sba 2 coul_Mise en page 1 30/05/2012 01:46 Page 6 « Et comment accoster une ville, si ce n’est à partir d’une si pleine mer ou d’un ciel si vide, à partir d’un cœur prêt à aimer ou à mourir – sans partage » Pierre Sansot, Poétique de la ville. « Au surplus, je ne prétends en rien faire le portrait véridique d’une ville qui, au travers de son prisme, n’a jamais laissé la lumière pour moi filtrer intacte. Je ne fais état que de sa présence en moi : la seule de toutes les villes que j’ai connues, qui ne relève à aucun titre de la vérification. » Julien Gracq, la forme de la ville. portrait d'alger sba 2 coul_Mise en page 1 30/05/2012 01:46 Page 7 portrait d'alger sba 2 coul_Mise en page 1 30/05/2012 01:46 Page 8 La ville dévale vers la mer Des vagues de blancheur, tachées d’une écume trouble de vapeurs dorées et lourdes. Elle descend, remonte vers le ciel dans un mouvement indistinct. La baie est si large que l’eau semble calme. Pourtant, des mèches blanches apparaissent, puis s’effacent. La ville paraît blanche et sans trouble, mais tremble de confusion, de l’agitation des quartiers enchevêtrés, des circulations impossibles, des encombrements insolubles. De loin, rien ne transparaît. L’image est tranquille presque figée. Celle d’une ville alanguie au bord de la Méditerranée, lovée dans sa propre stupeur. De loin, elle n’est qu’un triangle blanc, éblouissant, couronné de sombre, vert des frondaisons, franges ocres de quelques murailles, traits orangés des toitures, taches incandescentes des verrières et des rectangles d’aluminium, surchauffés, en fusion. À peine un reflet dans les eaux du port. La ville est trop vaste pour s’y mirer. Trop vaste pour s’y noyer. La mer a renoncé à lui rendre son image. portrait d'alger sba 2 coul_Mise en page 1 30/05/2012 01:46 Page 9 10 Acculée aux monts, la cité s’agrippe, sans espoir d’autres conquêtes que par delà l’horizon. Le nouvel Alger ne se voit pas. Il est trop loin, dans les franges de brume qui s’écharpent au pied des sommets kabyles, au loin encore vers l’extrême pointe de la baie, émoussée par les distances, au loin toujours derrière les monts qui bordent la mer à l’Ouest. Alger n’a d’autre secret que celui-ci. Une impression. Une blancheur irréelle. Tout comme les sentiments qui s’y attachent. Rien n’y est vrai. Le blanc n’existe pas. Rien n’y est simple. La ville est complexe. Rien n’y est salutaire. La ville meurtrit. Alors pourquoi cet envoutement ? Pourquoi cette fascination sauvage et irraisonnée ? Pourquoi s’évertuer à y vivre alors que rien n’a d’importance ? Que la vie chaque jour est un défit pesant, souffrance méritée, volonté inscrite et sans rémission d’une maladie mortelle. Alger résume la plus parfaite des illusions. De celles qui doivent être sinon rien n’existe. Il faut y croire ou partir, périr. La ville survit dans un passé intemporel, dédaigné, piétiné, d’autant plus précieux qu’il a disparu. Alger ne sait pas exister autrement. Construite sur ses propres cendres, ravivée de ses décombres, enfantée dans son propre chaos. Ses envahisseurs portrait d'alger sba 2 coul_Mise en page 1 30/05/2012 01:46 Page 10 s’engluent, s’empoissent d’un miel empoisonné, restent, renient leur passé, font leur celui de la ville qui sans eux n’existe pas. Eternel retour sur soi, nostalgie frénétique d’un autre qui, étranger, ne l’est plus. Ville de transfuges. Celui venu d’ailleurs a compris ; envouté, il est resté, dévoré à son tour par la blancheur et l’illusion. Sans elle, que serait-il ? Un intrus, un mercenaire sans foi, un étranger… Sans lui, que serait-elle ? Alger ne connaît pas l’étranger parce qu’elle le dévore. Ouverte, avenante et dévorante. Avide de l’autre, prête à toutes les séductions pour le faire succomber, elle réussit. Parler multiple, langues mélangées, sans idiomes, sans scrupules, Alger comprend, répète, multiplie, transforme et traduit l’incompris. Elle transmet un accent, une musique des mots, une mélodie que le nouvel arrivé fait déjà sien. Et dès lors, il lui appartient. Mais lui appartient-elle ? Il en a l’impression parce qu’Alger ne laisse jamais indifférent. « Quand il arrive dans une nouvelle ville, le voyageur retrouve une part de son passé dont il ne savait plus qu’il la possédait. L’étrangeté de ce que tu n’es plus ou ne possèdes plus t’attend au passage dans les lieux étrangers et jamais possédés. » 1 11 1. Italo Calvino – Les villes invisibles portrait d'alger sba 2 coul_Mise en page 1 30/05/2012 01:46 Page 11
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