Premieres pages de Entiere MNA - Page 1 - Livre sur la réparation de l'excision ©Editions Chèvre-feuille étoilée, mars 2008 couverture : montage de Marie-Noël Arras ISBN : 978-2-914467-49-0 À Pierre Foldes et à toute son équipe, aux femmes à qui ce livre est plus particulièrement destiné, femmes mutilées aujourd’hui et je l’espère, de nouveau entières demain. “La réparation est finalement le seul fruit de l'écoute. Le reste revient à la parole des femmes, c'est à elles de dire ce qu'elles ont toujours tu, et à crier l'espoir de leur guérison. C'est le refus frontal de la mutilation qui a ouvert la voie.” Dr Pierre Foldes SOMMAIRE Ecouter et tendre la main : Docteur P. Foldes... 11 Les stigmates de la barbarie 19 Paroles recueillies : Mahoua Kone : Maintenant, je suis entière 31 DrM. Wilisch, anesthésiste : Ouvrir la voie aux mots 51 Cueilli sur un blog : Papillon 65 Dr F. Hédon, sexologue : Vers la connaissance de soi 69 “Ce docteur qui fait des miracles...” 77 En savoir plus : 79 Exciser : où ? pourquoi ? comment ? qui ? 81 Mutilées, blessées, marquées... 87 Réparées ! 91 Protégées ? 99 Ce que disent les lois 99 Ce que font des femmes et des hommes 105 Tolérance zéro ? 111 Loundja, nouvelle 117 Quelques livres, quelques adresses utiles 128 11 Préface : Docteur Pierre Foldes ...Écouter et tendre la main. Il était une fois une petite planète appelée terre. Une phase de son évolution, le paléolithique supérieur, vit se développer les premières civilisations humaines. À peu près neuf mille ans avant Jésus Christ, l’homo dit sapiens prend possession de la plus grande partie du monde et apparaissent au travers des vestiges des premières organisations humaines, les premières manifestations de l’art. 12 Les cultures initiales séparèrent l’espace des hommes de celui des femmes ainsi que leurs tâches respectives, sans pour autant les opposer. La distinction entre la chasse et la cueillette va surtout différencier l’intelligence spécifique des femmes et des hommes. Il semble qu’il y ait eu alors deux types principaux de pouvoir, partagé par chacun des sous groupes. L’un fondé sur la force de l’homme, qui apportait sa protection à la femme et à son clan, l’autre fondé sur le pouvoir d’enfanter de la femme, qui portait la puissance créatrice de la nature. Pendant toute cette période, le culte de la fécondité, qui aboutira aux déesses mères du Néolithique, est complémentaire du culte masculin. 13 Dans cette phase de séparation des pouvoirs, comme le dit Élisabeth Badinter « s’institue une sorte d’équilibre entre les sexes, l’un vaut l’autre. » (L’Un est l’Autre, Ed. Odile Jacob) C’est à partir du second millénaire que l’équilibre se rompt. L’apparition du soc et des labours permet à l’homme de s’approprier un rôle actif dans la procréation comme dans la production. La femme, assimilée à la terre, comme la vulvesillon, s’oppose à l’homme porteur de la graine de la vie. C’est l’expression d’un pouvoir masculin naissant. Puis vient l’ère des guerriers, des invasions successives et des conquêtes, activité presque exclusivement masculine. C’est au cours de cette période, bien antérieure aux religions du Livre, que le statut social de la 14 femme se dégrade et évolue progressivement vers une soumission imposée par l’homme à la femme. L’absence de contrôle du mâle sur la transmission de la vie finit par poser problème à celui qui s’est arrogé le contrôle exclusif de la cité. Et dans cet asservissement, le contrôle de la sexualité finit par apparaître. La plaisir féminin est apparu très tôt comme pouvant poser un problème au mâle, à l’orgasme univoque, automatique et lié à la fonction procréatrice. Cette capacité orgasmique féminine, multiforme, indépendante et complexe a été très vite connue dès l’antiquité et a perturbé le schéma simple du mâle dominant. Dès lors, le Clitoris s’est retrouvé en victime expiatoire logique de ce nouvel espace de contrôle. 15 Et depuis vingt-sept siècles, les sexes féminins sont mutilés, fermés, blessés, amputés… en quelque sorte marqués par le sceau du contrôle masculin. Le pouvoir du mâle a de plus asservi une caste de femmes, les exciseuses, à la transmission de la tradition. L’excision et les mutilations sexuelles féminines perdurent depuis dans des niches ethniques et rejoignent les crimes non dénoncés, comme le viol ou l’esclavage. Depuis quelques décennies, des prises de parole courageuses et des initiatives citoyennes ont commencé à faire émerger un mouvement de refus des femmes victimes de la tradition. Plus récemment, un évènement singulier est survenu en Afrique sub-saharienne. Pour la première fois, lors d’une rencontre avec un médecin, des femmes excisées ont désigné leur sexe mutilé et exprimé leur souffrance. 16 Cette première prise de parole, permise par le dialogue singulier, a fait éclater la bulle du non-dit et révélé l’évidence : - la mutilation sexuelle féminine atteint l’intégrité féminine et touche tous les aspects de la vie des femmes, - elle aggrave considérablement (surtout dans le contexte africain) le pronostic obstétrical, - elle affecte leur vie sexuelle et le fonctionnement du couple - elle modifie l’image corporelle, ainsi que l’intégrité physique et morale. Ces assertions ne sont pas le fait du médecin ou du militant, mais l’expression directe enfin libérée de ces centaines de femmes qui trouvent pour la première fois, dans le secret d’une consultation médicale, un espace de parole à la mesure de leurs frustrations.
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