étoiles d encre 51 52 Algerie 50 ans wobook - Page 2 - revue étoiles d'encre 51 52 Algérie 50 ans étoilesd’encre 51-52 Algérie-50ans RevuedefemmesenMéditerranée étoiles d’encre Algérie - 50 ans R e v u e d e f e m m e s e n M é d i t e r r a n é e Éditions chèvre-feuilleétoiléeAlgérie-50ansétoilesd’encre ISSN : 1620-5022 ISBN : 978-2-914467-85-8 15 € ww.chevre-feuille.fr Diffusion France : Albouraq/La Soddil Diffusion Canada : L’Arche du livre Lepassén’estpasmortetenterré.Enfait iln’estmêmepaspassé.EcrivaitWilliam Faulkner.Cettephraseparaîtprophétique pourl’Histoirerécentedel’Algérie. Cinquanteansdepuis1962sontpassés, oui.Maisl’histoiredeshommesetdes femmesquiontvécucettepériodedefolle allégressepuisdesigrandesdéceptions puisdenouveaud’espoir,n’estpaspassée. Dansunjournaltenuàsonadolescence etquioccupelaplacedelacarteblanche, AnitaFernandez,enracinesontextedans cequefutlaguerred’Algérievueparune jeunefrançaisedel’époque. ChristinePeyret,enfaisantunincroyabletravaildetissageàpartirdephotosde personnesoud’évènementsdecetempsde laguerre,révèlelestracesqu’imprimece paysdansl’imaginairedesgens. C’est une mémoire en crue, débordant de ses souvenirs, hachés, discontinus, douloureux, heureux, personnels, intimes, publics, historiques et, toujours… pleins. Pleins d’expériences multiples, de regards multiples, de vies multiples, indistinctement, comme si, ensemble, les auteures poursuivaient une conversation, qui a lieu non dans le livre, mais dans celle qu’il suggère, qu’il provoque. Ainsi s’y rencontrent des figures tragiques comme celle de Mouloud Ferraoun qu’évoque Marie Malaspina ou celles de ces femmes rebelles qui, envers et contre tout, s’ancrent dans la lutte pour la liberté et que nous rappelle Christiane Achour. Rachida Azdaou témoigne par ses peintures et montages de photos d’une société déchirée, ambiguë où religion, langue, attitudes sont devenues ces codes sociaux qui la divisent. 51-52 51-52 9 782914 467858 couv5152ecritblanchecorr2_OK.inddAllPages couv5152ecritblanchecorr2_OK.inddAllPages31.08.1207:21 31.08.1207:21 étoiles d’encre Revue trimestrielle de Femmes en Méditerranée 51-52 - septembre 2012 Algérie - 50 ans publiée avec le soutien de : La Région Languedoc Roussillon Le Centre National du Livre France : Editions Chèvre-feuille étoilée ISSN : 1620-5022 Algérie : Paroles et Ecritures ISSN : 1112-3311 http://www.chevre-feuille.fr/ Le clos de la Fontaine Bat B 65, cour Libéral Bruant rue Jacques Lemercier 3 4 0 8 0 M o n t p e l l i e r Tél/fax : 04 67 73 75 45 contact@chevre-feuille.fr 10, impasse Poincaré 22000 Sidi-Bel-Abbès Tél/fax : 48 54 65 11 parole_ecriture@yahoo.fr étoiles d’encre Comité de rédaction Behja Traversac, Maïssa Bey, Marie-Noël Arras Marraines Collaboratrices Chèvre-feuille étoilée Directrice éditoriale : Behja Traversac Directrice de la publication : Marie-Noël Arras Direction de la communication : Edith Hadri Abonnement en France : 52€+8€ de frais de port pour 4 numéros ISBN : 978-2-914467-85-8 AVERTISSEMENT Les manuscrits reçus ne seront pas rendus. Les textes et illustrations sont la propriété entière des auteures. Le comité de rédaction se réserve le droit de changer les titres. Les opinions émises dans les textes n’engagent que leurs auteurs. Les courriers envoyés à la revue peuvent être publiés sans demande préalable. Le contenu de chaque numéro sera numérisé en wobook. Pour continuer de paraître, Etoiles d'encre a besoin de votre soutien. En l'achetant et en la faisant acheter vous nous aider à la faire vivre. Alice Cherki, Arlette Welty-Domon, Cécile Oumhani, Claude Ber, Christiane Chaulet Achour, Esther Fouchier, Fanny Colonna, Ghania Hammadou, Hélène Cixous, Jocelyne Carmichael, Karima Berger, Laurence Farès, Leïla Sebbar, Malika Mokeddem, Marie-Françoise Chitour, Sophie Bessis, Wassyla Tamzali, Zineb Labidi. Catherine Rossi, Danielle Mafray, Dominique Godfard, Geneviève Roch, Isabelle Marsala, Marie-Lydie Joffre, Michèle Blésès, Michèle Juan i Cortada, Michèle Wilisch, Nic Sirkis, Ourida NekkacheNemmiche, Peggy Inès Sultan, Rosa Cortes, Rose-Marie Naime, Samira Negrouche, Sigrid L. Crohem, Valérie Meynadier. Edito Algérie, 50 ans Il y a un demi-siècle l’Algérie entrait dans l’Histoire par la grande porte. Un demi-siècle d’une histoire mouvementée, sulfureuse. Pourtant, cinquante ans c’est si peu pour tant d’évènements. Magnifiques ou tragiques ils ont fait résonance au–delà des frontières de ce territoire. L’Algérie capitale de toutes les luttes dans les années soixante, l’Algérie construisant son industrie et une certaine forme de socialisme dans les années soixante dix, l’Algérie couvant ses drames dans les années quatre vingt et les vivant dans la douleur des années quatre vingt dix et enfin ces années deux mille pleines de la vitalité d’un peuple qui se cherche, se trouve, se perd, survit, se retrouve… s’insurge encore, dans un combat incessant contre lui-même. Il y a quelques années nous disions déjà que c’était la Terre de tous les contrastes. Cela le reste plus que jamais. Qu’Etoiles d’Encre consacre un de ces numéros à l’anniversaire de l’indépendance algérienne est dans l’ordre naturel de la vie de cette revue. Cela est en accord avec son projet fondateur : refléter les deux rives de la Méditerranée et particulièrement les rives française et algérienne qui ont si longtemps, et encore pour longtemps et malgré toutes les vicissitudes, associé leurs destins singuliers. ÉTOILES D’ENCRE 51-52 ALGÉRIE - 50 ANS Ce numéro réoccupe le passé, les faits réels, le regard sur l’Histoire et, dans toutes leurs subjectivités, les histoires vraies des gens qui ont habité ou aimé cette Terre. Le travail de broderie réalisé par Christine Peyret – à partir de photos prises pendant et après la guerre et qui co–illustre avec Rachida Azdaou ce numéro – symbolise cette vérité des êtres et des évènements que la photographie a capturé dans leur nudité et leur innocence tendues au–dessus de l’écume de l’Histoire. Des fictions aussi, bien sûr, comme cette fresque sociale qu’ébauche Maïssa Bey mettant en regard les portes ouvertes en ce jour bruissant d’une joie et d’un espoir immenses de 1962 et la triste réalité d’aujourd’hui : Elle dépose son panier dans la cuisine. Elle en fait l’inventaire. Deux kilos de pomme de terre, un kilo d’oignons. Deux kilos de carottes. De quoi faire un bon ragoût parfumé à la coriandre et agrémenté d’un bouillon-cube de bœuf… Mais tout le monde ne loge pas à la même enseigne : Que des enfants de « la haute » ! Des enfants qui viennent tous les jours à l’école accompagnés par un chauffeur et qui ne parlent que français entre eux ! … Tout de subtile précision, ce texte de Maïssa est une conscience forte du réel de la société contrastée de l’Algérie contemporaine. Et lire le texte superbe et bouleversant de Samira Negrouche qui, dans une composition littéraire très poétique, nous fait revivre le rêve inoubliable des héroïnes de l’indépendance qui ont imprimé leur marque sur les filles d’aujourd’hui : Hassiba c’est ici qu’elle se moque de la gitane, qu’elle se moque bien de mourir. Elle est libre Hassiba, elle fait ce qu’elle veut et surtout, surtout, Samira nous rappelle le souffle vif d’un poète, Djamal Amrani, son ami au–delà de la mort, qu’elle ramène sur les rivages de la vie : On danse Djamal, on danse, ce sont les tortionnaires qui ont peur et les fous de Dieu, tu EDITO ne vas pas finir dans un lit, on danse… Djamal dont la maladie rend La signature méconnaissable. Mais finalement une majorité d’auteures n’ont pas choisi – au contraire de Maïssa, de Valéry, de Wassyla, de Marie ou de Samira – d’évoquer les temps de l’indépendance. Le temps de la guerre est dominant. Est-ce les lourds silences qui l’ont entourée, est-ce de n’avoir pas été nommée si longtemps, qui explique ce plein de souvenirs encore vifs, brûlants, sonores enfin ? Tant pour les Algériens que pour les Pieds-Noirs – et pendant des décennies – on eût dit impossible de raconter le réel de cette période. Comme ailleurs, comme partout, il y eut dans la guerre ce qui se dérobe de toute mémoire et peut-être à jamais. Comme si, ceux qui portaient les stigmates des violences, glissaient dans une sphère hors de portée, hors de souvenir. Seul ce semblant d’oubli permettant une sorte de rédemption qui se fracasserait à la moindre évocation. Alors on laisse à la génération suivante le soin de découvrir – ou d’ignorer – l’indicible. Legs caché, honteux ? Douloureux certainement. Ainsi le suggèrent les textes de Rachida Azdaou : Ceux–là ont dû creuser les croûtes de leurs blessures pour trouver une issue, une raison plus forte que l’oubli, nous peut-être, moi, une suite pas muette ; de Françoise Martin-Marie : à chacun de nos coups portés sur le silence creusez creusez les enfants d’après à forces de fissures les murs s’écroulent et alors et alors ... tout est imaginable ; ou de Leïla Sebbar : L’Algérie, c’est mon père. Je suis le scribe de mon père. Oui, je lui dresse un mausolée. Quoi qu’il en soit, les plaies restent ouvertes et en témoigne les textes de Karima Berger et de Christine Ray qui ne sont pas la guerre mais leurs blessures d’enfants en cette époque où, le plus souvent, la séparation entre ce que l’on appelait les communautés était évidente. ÉTOILES D’ENCRE 51-52 ALGÉRIE - 50 ANS Pourtant, pourtant, affleurent, s’invitent, s’imposent dans tant de textes les souvenirs d’amitié, de joies partagées, de gestes accordés. Derrière le monde cruel de l’injustice, vivaient, à l’abri des haines, des complicités, des tendresses. Et s’ouvre, vaste et minuscule, multiple et unique, rare – et tout compte fait plus fréquent qu’on ne le croit – un monde où les couleurs crues, les odeurs fortes, les bruits assourdissants, cèdent le pas pour laisser entendre l’écho ténu, musical, logé au fond des cœurs et des mémoires, la fragrance forcément partagée des bougainvillées et des jasmins, la trace indélébile des regards croisés, des mains serrées, du rire commun, de l’estime même, entre frères dits ennemis. Et c’est l’admirable texte de Marie Malaspina qu’elle a intitulé La honte et les ortolans qui nous le dit le plus magistralement. L’Algérie, 50 ans, aujourd’hui, c’est aussi l’effervescence dans le milieu culturel : écrivains, poètes, peintres, journalistes, chercheurs s’expriment, publient, exposent… Et comme le dit Zahia Rahmani dans un texte que nous avons publié dans « Histoires minuscules des révolutions arabes » : Dans ce pays il s’exerce une communauté artistique consciente de sa qualité. Elle est jeune, solidaire et vive. C’est elle qui porte haut une exigence politique. Cette liberté critique, elle tente non sans difficulté de l’instruire dans chacune des œuvres qu’elle nous propose. Behja Traversac Anita Fernandez Mémoires d’une jeune fille engagée Aix-Paris 1960/1962 2 ee51 journal_6 les points sur les I.qxd 14/12/2012 21:56 Page 3 AIX-PARIS, 1960/1962 4 Aix-en-Provence, 1960 Aix, retranchée derrière la chaîne de l’Etoile qui la sauvegarde du tumulte marseillais, Aix qui guette le sommet de sa fameuse Sainte-Victoire pour surprendre le petit nuage prometteur de pluie. Aix, la pierre blonde des hôtels particuliers du quartier Mazarin, Aix, ses rues commerçantes, ses places, ses ruelles étroites à l’abri du soleil, ses fontaines… Mon petit frère chantonne : « Aix un aveugle croit qu’il pleut, s’il pouvait voir sans sa canne, il verrait cent fontaines bleues chanter les louanges de Cézanne ». - Arrête ta comptine ! - Ce n’est pas une comptine, c’est du Cocteau. Aix-en-Provence. La Provence, ses villages, ses fermes dispersées, ses villas entourées de vignes où des écriteaux préviennent que les raisins sont sulfatés pour décourager les grappilleurs. En été, des petits escargots blancs figent les tiges des herbes sèches, nous les ramassons pour agrémenter la nourriture des poules. Nous habitons à Entremont, un mas entre deux collines, à trois kilomètres d’Aix. Trois kilomètres que nous parcourons, à pied, à vélo (la côte est dure à remonter), ou dans la 2 CV familiale. Il n’y a pas d’autres moyens de transport entre Aix et Puyricard, le village le plus proche du Mas. Nous allons à Puyricard pour remplir nos jerricans d’eau potable à sa fontaine, pour la fête des vachettes en juillet et aussi les jours d’élections. MÉMOIRES D’UNE JEUNE FILLE ENGAGÉE ANITA FERNANDEZ 5 Ces jours-là j’y accompagne mes parents. Moi, à 20 ans, je n’ai pas encore le droit de vote. J’ai 20 ans. Je suis étudiante en propédeutique à la faculté de lettre d’Aix. Aix a construit des nouvelles facultés, loin de la ville, aux Fenouillères. Mais les cours de propédeutique sont encore donnés Hôtel-Maynier d’Oppède, face à la cathédrale SaintSauveur. Etudiants et enseignants occupent la ville pendant toute l’année scolaire. Au mois de juillet, ils sont remplacés par « Les Parisiens » (même s’ils viennent de toute l’Europe), qui investissent la ville pour le festival, le festival Mozart, qui doit sa renommée à son « Don Giovanni ». Lettre de ma mère Adèle à sa cousine Eliane : Aix, le 20 décembre 1959 Ma belle Eliane Je suis désolée de ne pouvoir te loger, le mas n’est pas confortable, surtout en cette saison. Si pendant les travaux de Celony tu as quand même envie de venir à Aix, je ne veux pas te décourager, mais tu cherches un peu l’impossible : deux pièces bien exposées et bien chauffées avec possibilité de cuisine, c’est un peu comme si on demandait la lune ici. J’ai couru tout Aix (agences comprises) pour les trouver et on me riait au nez. Comme tu sais, Aix est passée de 40.000 à 70.000 âmes depuis la guerre. Les étudiants sont à l’affût de la moindre chambre libre et déjà en cette saison on loue pour le festival ces mêmes chambres dès que les étudiants seront en vacances… Si tu as envie de venir quand même, le mieux je te l’assure c’est la pension de famille. L’hôtel Sévigné fait ça pour les curistes et en s’y prenant à l’avance on peut avoir une chambre dans les 1000 francs. Malgré toute l’envie que j’ai de te voir il me semble plus raisonnable de remettre ton voyage quand ta maison sera en état de te recevoir. Dis-moi ce que tu en penses. Annie et Pierre bûchent, je ne les vois pas souvent. Je t’embrasse bien fort, Dèd.
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