La revue 100 Numero 24 - Page 3 - Revue N°24 du 15 février 2013. La revue 100% Auteurs est destinée à présenter au public des auteurs non ou peu connus. 3 Billet du mois : La fin du monde n'a pas eu lieu… …mais est-ce pour autant la fin d'un monde ? Celui des livres, pour l’avènement d'un monde dématérialisé avec la mort à plus ou moins long terme du papier, comme le craint notamment Frédéric Beigbeder ? Tout d'abord qu'est-ce qu'un livre ? Si l'on considère que c'est le texte qui prime, il n'y a aucune raison de s'inquiéter, les liseuses ou tablettes permettent même de sortir de l'oubli des ouvrages qui ne sont plus édités depuis des années ou des siècles et cela sans se déplacer dans des bibliothèques. Après tout on gravait bien sur la pierre au début de l'écriture et n'oublions pas que cette revue est virtuelle et ça n'enlève rien à la qualité des poèmes, textes... Néanmoins, si l'on considère effectivement que le livre ce n'est qu'un rectangle de papier plus ou moins gros, plus ou moins grand, on peut craindre légitimement sa disparition mais c'est oublier un peu trop facilement qu'un livre ce n'est pas un objet comme les autres. On prend souvent en exemple la musique et le cinéma pour nous montrer le monde post-apocalyptique de ce secteur avec la chute énorme des ventes de CD et de DVD ainsi que la mort des temples de la ''culture'' dont Virgin Mégastore est un exemple. Pourtant comparer le livre avec le CD et le DVD, c'est une grossière erreur. La musique, du moins la vente du support à grande échelle, ça date d'une centaine d'années et depuis l'invention d’Émile Berliner avec son gramophone, la musique n'a fait que changer de supports : cylindres, 78 tours, vinyles, CD, MP3. Ce qui par conséquence 4 lorsque je reçois en héritage des 78 tours de mes grands-parents, je suis incapable d'en écouter le contenu sans l'appareil adéquat, mais c'est encore faisable, il suffit d'une aiguille et d'une plaque tournante ; pour les cassettes audio sans walkman ou radiocassette c'est mission impossible d'écouter la bande même en étant bricoleur. Ces objets vieillissent et se meurent sans livrer leur secret. Il en est de même pour le cinéma, n'oublions pas que les magnétoscopes existent seulement depuis la fin des années 70, tout début années 80 et ça coûtait un bras à leur sortie avec deux supports différents les Betamax et VHS. Avant, stocker un film chez soi ça n'existait pas, on allait au cinéma ou l'on regardait la télévision et c'est tout. Désormais les magnétoscopes sont définitivement morts comme les minitels, les VHS se meurent également et les générations futures ne pourront jamais en profiter. Les DVD se remplacent petit à petit par les Blu-ray avant la prochaine innovation mais il faut toujours un appareil pour les lire, appareils qui dans 20 ans n'existeront plus. Y compris le streaming, le MP3... il faut des machines, si elles n'existent plus dans le futur, j'ai beau donner à mon petit-fils une clef USB contenant des mp3, il fera la tête. Par contre je peux lui donner le livre qui appartenait aux parents de mes arrière-grands-parents avec des belles gravures du XIXème et ceci sans machines, ainsi la lecture est presque instantanée, il suffit de tourner la couverture. Et lui-même par la suite le transmettra à ses enfants. Et ce n'est là qu'un aspect du livre, la musique vieillit très vite, elle suit une mode surtout à notre époque, Rihanna dans 50 ans elle sera dans les choux et ses disques finiront dans la poubelle ou à 10 centimes dans des vides greniers. Une musique ça s'écoute en boucle ce qui n'est pas le cas d'un livre, un livre généralement ça ne 5 se lit qu'une seule fois, parfois deux, mais quasiment jamais au delà. De même on est obligé de lire l'intégralité (ou du moins une grande partie si vraiment il nous est hermétique) d'un bouquin, tandis que pour un CD on écoute et on aime parfois seulement une ou deux chansons sur une vingtaine, ce qui pousse au téléchargement du morceau. De plus, un ouvrage n'est pas un objet comme les autres, si j'ai en ma possession des bouquins datant d'il y a 150 ans et appartenant à mes ancêtres, cela signifie qu'à aucun moment ils ont été jetés, car un livre ce n'est pas quelque chose de banal. Les sociologues ont démontré qu'une bibliothèque dans une maison ou appartement est le reflet conscient ou inconscient de notre personnalité, on montre aux visiteurs qui on est où ce que l'on veut être, une bibliothèque vide est donc inconcevable. Mais en delà de cela, il y a une part de mystique, d'affect dans cet objet, il a une odeur, il est sensuel au toucher et surtout l'histoire permet de s'évader, de se questionner, de réfléchir ainsi un bouquin devient une partie de nous-mêmes et nous rattache à une période de notre vie. C'est aussi un objet qui symbolise la personne qui l'a possédé avant nous ou qui nous l'a offert, parfois on a même une dédicace de l'auteur et jusqu'à nos jours, dédicacer un fichier numérique c'est impossible et sans intérêt. Certes Noël 2012 a été marqué par l'accroissement fulgurant des tablettes numériques, mais en très bonne position subsistent les livres papier car malgré tout, une fois une liseuse offerte, l'année prochaine on ne peut pas mettre un PDF sous le sapin. Ne cédons pas à la panique, le numérique ne remplacera jamais un livre pop-op, le craquant du papier, une belle couverture, des belles 6 gravures ou illustrations... Le PDF lui ne fera pas 100 ans et les tablettes non plus, avec les ouvrages l'obsolescence programmée n'existe pas. Papier ou numérique, n'oublions pas que c'est le texte le plus important et qui nous transporte, et comme pour les relations humaines, parfois on accorde de l'importance à l'apparence et on peut tomber amoureux d'une belle couverture, peut-être que le numérique favorise l'attachement au texte et rien qu'à lui-même ? Mais ce qui est certain, c'est que rien ne tuera cette belle invention de l'humanité et n'est aucunement comparable au monde de la musique avec des morceaux de plastoc sans âmes des CD. Plutôt que d'avoir peur de l'avenir du monde de l'édition, plutôt que de lancer une guerre puérile entre le numérique et le papier, rassemblons-nous dans cette même passion pour faire connaître a un maximum de personne des textes de qualité, cette revue est faite pour cela. Bonne lecture ! Grégoire Muller 7 Chronique Des nouvelles de ma sœur de Bernard PELCHAT Editions Mon petit éditeur, ISBN 9782748389081, 16€ « Quelque deux ans et demi après son entrée dans le monde, les médecins ont jugé que tout effort supplémentaire pour aider Sylvie était vain. Ils l’ont amenée à un certain stade de confort et ils ne pouvaient pas aller plus loin. Ayant reçu l’avis de sa libération, papa était parti la chercher avec ma tante Blandine pour la ramener au bercail. La « ramener » n’était pas le terme exact à utiliser ici puisqu’elle n’y avait passé à peine quelques heures depuis sa naissance. » Extrait du livre Sylvie… Le début de cet ouvrage nous raconte l'enfance insouciante au sein d'une famille à une époque révolue qui n'a plus aucune ressemblance avec la jeunesse d'aujourd'hui. A cet époque, début des années cinquante, les enfants n'avaient ni ordinateurs ni jeux vidéos et de ce fait la vie avait une toute autre saveur. Celle où l’on apprenait des « anciens » ce que la vie avait à apporter où offrir sans jamais trouver aucun moment pour s'ennuyer ou encore se plaindre : « Combien d'heures avons-nous passées en folles baignades où, profitant des conseils des plus grands, nous apprivoisions les 8 rudiments de la natation [...] Quelles parties de pêche nous avons faites avec des adultes expérimentés qui nous initiaient patiemment à la répulsive manipulation des vers [...] Que dire des multiples excursions dans la forêt où nous allions escalader une immense falaise... ». Tant d'activités de nos jours trop rares et que nous jeunes ne savent pas apprécier ni même imaginer, à part quelques exceptions, peutêtre. Notre narrateur a sept ans lorsque sa petit sœur Sylvie voit le jour avec de très grosses difficultés. Une naissance compliquée qui va perturber complètement cette famille aimante et unie. La rencontre avec Sylvie se fera plus de deux ans après sa naissance. Durant tous ces mois, elle aura subi opérations et soins médicaux divers en tout genre. Mais, elle ne pourra jamais marcher. Qui plus est, diagnostiquée Trisomie 21, elle demeurera toujours différente des autres enfants. Arrivée en famille… Sylvie a deux ans et demi lorsqu’elle intègre enfin sa famille. C’est une enfant différente sur qui la vie s’est acharnée sans rien lui épargner, mais sa force de vivre est plus forte et dépasse même l’entendement. Le narrateur, encore tout jeune à ce moment, n’a aucune idée de ce qui l’attend à l’orée de cette rencontre : « Nos cœurs d’enfants ont été lourdement heurtés ce jour-là », tout en essayant de se l’imaginer, car « tant qu’on ne voit pas, on s’imagine des choses plus ou moins graves selon qu’on prend la vie du bon ou du mauvais côté ». Toute cette famille s’unit pour apprendre à vivre ensemble autour de Sylvie, et du mieux qu’il soit possible face à cette tragédie. Cependant, Sylvie, si différente, doit être placée en institution. La 9 réalité de son état ne permettait aucune autre solution, aucun choix. C’est un déchirement pour tous, car bien que différente, les sentiments à son égard sont bien présents, réels et sincères : « Comment ne pas aimer un être à ce point sans défense que la nature a fait entrer dans nos vies et la bouleverser à jamais ». Sylvie passera quarante ans de son existence en institution sans (peut-être) aucune notion de la vie et/ou de sa condition. Elle vivra « en conservant son secret, en demeurant retranchée dans son monde infranchissable, complètement isolée. […] Seule avec ellemême toute sa vie, elle n’a jamais rien livré de son intimité ». L’amour sans limite… Une fois devenu adulte, le narrateur fera tout son possible pour cette petite sœur qu’il aime par-dessus tout par choix, par vœu, mais aussi pour tenter de soulager ses parents dans cette bataille de tous les instants qui les a tant blessés, cette injustice sans nom : « Ils ont vécu en essayant d’oublier sans jamais y parvenir. On ne peut pas mettre de côté si facilement son propre enfant. On ne peut pas faire comme s’il n’existait pas. Il est là. Il faut l’endosser ». Des parents qui porteront toute leur vie le poids de la culpabilité, bien qu’ils ne soient aucunement responsables de ce que la nature leur a imposé. Cette dernière fait que nous devons subir ses caprices sans aucune possibilité d’y échapper ou de l’éviter. Notre narrateur s’occupera de sa petite sœur, plus que tout autre, jusqu’à son dernier souffle à l’âge de cinquante ans, parce que le cœur a ses raisons et que la sienne c’est elle, Sylvie. Cette « enfant » qu’il accompagnera et verra partir, il l’aura aimé, jusqu’au bout. Et pour toujours, il l’aimera. Les souvenirs ancrés sont ce que notre mémoire nous accorde pour ne pas oublier les « évènements », même (et peut-être surtout) au travers des pires difficultés, comme des leçons qui resteront 10 inscrites : « Ton passage parmi nous aura été un incessant combat pour la vie ». Bernard PELCHAT nous offre un témoignage poignant et plein de courage où l’émotion intense est à chaque instant d’une présence incontestable. Sans connaître cette petite sœur, cette lecture fait naître une tendresse particulière que l’on aurait envie de lui témoigner. « Des nouvelles de ma sœur » est un témoignage à lire absolument ! Marie BARRILLON Titre : Des nouvelles de ma sœur Auteur : Bernard PELCHAT Editions : Editions Mon petit éditeur ISBN : 9782748389081 Prix : 16€ La phrase de la fin : « Toi seule assumais ces étincelles éphémères qui surgissaient à l'improviste du fond des ténèbres, parcelles d'infini, du fond de ton âme, intimes étoiles d'espoir qui ne soulevaient et ne soulèvent encore qu'une seule question : pourquoi ? » Présentation de l'éditeur Ce touchant récit de Bernard PELCHAT – écrit en s’inspirant de l’arrivée dans sa famille d’une petite sœur lourdement handicapée, tant physiquement qu’intellectuellement, au début des années cinquante, alors qu’il avait sept ans – est bâti à partir de souvenirs personnels abondamment revisités. « Des nouvelles de ma sœur » relate une existence marquée de nombreuses péripéties éprouvantes qui ont imposé à Sylvie un destin peu commun. Elle 11 n’aura laissé aucune trace apparente de son passage sur terre. Elle n’aura été qu’une minuscule goutte d’eau dans l’ensemble de l’univers. Elle ne sera cependant pas passée inaperçue pour ses proches qui l’ont suivie tout au long de ses cinquante années de vie. Une femme anonyme, sans histoire, mais qui en a quand même eu une. Biographie de l'auteur Bernard PELCHAT est l’un des cofondateurs du Festival d’été de Québec (1968). Diplômé du Conservatoire d’art dramatique de Québec, section scénographie, en 1970, il s’implique immédiatement dans la vie théâtrale québécoise comme directeur de production au Théâtre du Trident pour les deux premières saisons de la compagnie. Par la suite et jusqu’en 2001, il passe au service du Grand Théâtre de Québec. À divers titres au cours de ces années tant en production qu’en communication, il participe à la création et à la présentation d’une multitude de concerts et de spectacles de théâtre, d’opéra, de danse, de comédies musicales et de variétés. Il collabore ainsi avec presque toutes les entreprises culturelles de la région de Québec, un grand nombre du Canada et d’un peu partout dans le monde. 12 Entretien Entretien avec Bernard PELCHAT 100% Auteurs : Les lecteurs aiment découvrir leurs auteurs autrement qu’à travers leurs livres. D’où vous vient ce goût pour l’écriture ? Bernard PELCHAT : Déjà dans la jeune vingtaine, j'avais écrit deux courtes pièces de théâtre. J'ai toujours continué sporadiquement d'écrire en dilettante, mais aussi pour mon travail de promotion d'artistes dans le monde du spectacle. Depuis une dizaine d'années par contre, j'en ai fait une activité régulière qui me stimule énormément. Je me laisse aller plus librement dans la fiction où je peux exprimer mes perceptions, mes expériences, mes fantaisies, mes envies, mes élucubrations, mes émotions, mon approche de la vie en quelque sorte, dans des situations inventées vraisemblables, invraisemblables, folles, inattendues, convenues, etc. 100% Auteurs : Quelle part prend l’écriture dans votre quotidien ? Est-ce un passe-temps, telle une occupation de loisir, ou une réelle passion ? Bernard PELCHAT : Quand je travaille à un projet précis, normalement, j'écris chaque jour en tentant de conserver en moyenne une page par jour. En dehors de ça, je peux être des
La revue 100 Numero 24 - Page 3
La revue 100 Numero 24 - Page 4
viapresse