2 YANGJIA T2 - Page 1 - Description de la longue forme du Yangjia michuan et textes divers relatifs à la culture chinoise SOMMAIRE PRÉSENTATION - INTRODUCTION...................................................................... 9 - LE MOUVEMENT C’EST LA VIE........................................... 11 - UN MAITRE... QUEL MAITRE?.............................................. 17 - ÉQUILIBRE-DÉSÉQUILIBRE ................................................. 24 - PARLONS CHINOIS ................................................................. 31 PREMIÈRE PARTIE - REPRESENTATION DU TAIJI ................................................. 41 - PROPOS SUR L’ENSEIGNEMENT DU TAIJIQUAN............. 59 . Évaluation et enseignement du Taiji quan.......................... 59 . Approche pédagogique du Taiji quan à partir du Taiji Tu et du Diagramme de Mengzi.............................. 64 DEUXIÈME PARTIE - ZHANG SANFENG................................................................... 71 . Quelques sources ............................................................... 71 . La vie de Zhang Sanfeng ................................................... 72 . Un homme de légende ....................................................... 73 . Bodhidharma...................................................................... 73 . Zhang Sanfeng................................................................... 74 TROISIÈME PARTIE - WU XING: LES CINQ MOUVEMENTS.................................. 79 . Expression dans le temps................................................... 80 . Expression dans l’espace ................................................... 81 . Les emblèmes .................................................................... 81 . La dynamique des Cinq Mouvements ............................... 84 . Cycle Sheng....................................................................... 86 . Cycle Ke ............................................................................ 87 . Cycle Hai ........................................................................... 89 QUATRIÈME PARTIE - ORGANIGRAMME DU TAIJI QUAN PAR MAÎTRE WANG YEN-NIEN .............................................. 95 - ZISHI-ZONG.............................................................................. 96 CINQUIÈME PARTIE - EXERCICES DE BASE ............................................................. 107 . LES EXERCICES DE BASE............................................ 109 . IVXIANG QIAN ZUO YOU WAN YAO (exercice n° II) : Flexion du corps en avant, à gauche, à droite................... 115 . Approche biomécanique de la région lombo-pelvienne dans l’exercice « Xiang qian zuo you wan yao »........................ 120 - SHI SAN SHI.............................................................................. 123 . BA MEN : les huit portes................................................... 125 - CAI : cueillir-trancher.............................................. 127 - LIE : tordre............................................................... 139 - ZHOU : coup de coude ............................................ 159 - KAO : épaulée.......................................................... 169 . 3e SÉQUENCE DU SHI SAN SHI.................................... 181 . SHI SAN SHI À DEUX PARTENAIRES......................... 201 - 1er Duan.................................................................... 206 - 2e Duan..................................................................... 214 - 3e Duan..................................................................... 226 - TUISHOU................................................................................... 234 - XIANG HOU WAN YAO Plier la taille en s’incliant vers l’arrière............................... 234 - XIANG QIAN WAN YAO Plier la taille en s’incliant vers l’avant................................. 236 - UTILISATION DES EXERCICES DE BASE 3 ET 4 DU TUISHOU EN EXERCICES PRÉLIMINAIRES À UNE SÉANCE DE TAIJI QUAN................................................. 238 INDEX DES TERMES CHINOIS................................................................ 242 DIAGRAMME DU TAIJI ET TAIJI QUAN 1. Fundamentals of Tai Chi Chuan, Wen Shan Huang, South Sky Book Co., Hong Kong, 1982, p. 68. PREMIÈRE PARTIE Diagramme du Taiji – 41 Wen-shan Huang, dans Fundamentals of Tai Chi Chuan1 , indique une autre version proposée par Chen Xing 陳 興, un théoricien contemporain du style Chen, auteur du Traité illustré de Taiji quan. Notons que l’histoire rapportée remonte également à l’époque de la dynastie Ming. Selon Chen Xing, le nom de « taiji quan » est le fait de son ancêtre Chen Po 陳 朴qui, durant ses loisirs, enseignait à ses enfants une technique pour favoriser la digestion. Comme les principes de celle-ci reposaient sur le Yin et le Yang, c’està-dire ceux du Taiji, il eut l’idée de nommer ces exercices taiji quan. Que les descendants de la famille Chen fassent remonter à leur ancêtre l’origine du nom taiji quan est une légitimité admissible, sauf pour l’historien soucieux de vérité. D’autres font remonter à Zhang Sanfeng 張 三 丰 la dénomination de notre discipline, tout comme il lui est attribuée la création de la technique elle-même. Ici, nous ne nous étendrons pas sur l’histoire de Zhang Sanfeng puisque ce sera fait dans la deuxième partie de ce tome. Que l’attribution du nom Taiji quan à un auteur précis soit difficile à établir d’un point de vue historique ne nous empêche pas de penser que notre discipline ait été fortement influencée par le Yijing. C’est bien ainsi que Wen-Shan Huang conclut : « Bien que l’historicité du nom Taiji quan ne puisse être établie avec certitude, les principes de base de cette technique sont, sans aucun doute, dérivés du Yijing. » Il est également dit que c’est Zhang Sanfeng qui le premier aurait théorisé le taijiquan à partir du Yijing en différenciant le Neijia 內 家 (École ésotérique ou interne) du Waijia 外 家 (École exotérique ou externe). Dans le Tome 1, nous avons indiqué la représentation classique du taiji, symbole du Dao, qui figure deux gouttes d’eau entrelacées. Les autres représentations sont nombreuses mais il y en a une qui nous intéresse tout particulièrement, c’est le Taiji tu 太極 圖, attribué à Zhou Dunyi 周 敦 頤 (1017-1073) qui vécut sous les Song 宋 (9601279), parce qu’elle associe la théorie du Yin/Yang à celle des Cinq Éléments. Souvenons-nous que c’est dans le Yijing, le Livre des Transformations ou encore Livre des Mutations, que le terme Taiji apparaît pour la première fois. En effet, dans le Da zhuan 大 傳 , l’une des « Dix ailes » du Yijing, que l’on attribue à Kongzi 孔子 (Confucius, 551-479 avant J.-C.), nous lisons : « Dans le Yijing, il y a le Taiji. Le Taiji engendre Liang yi (les deux puissances fondamentales). Liang yi engendre les Si xiang (les quatre images). Les Si xiang engendrent les Ba gua (les huit trigrammes). » Nous pouvons dire que l’influence du Yijing sur le Taiji quan s’est faite relativement tard, du moins dans son expression théorique, puisque notre discipline portait le nom de Chang quan 長 拳 (la longue boxe) avant de prendre, selon Maître Wang Yen-nien, celui de Taiji quan avec Wang Zongyue 王 宗 岳 sous la dynastie des Ming 明 (1368-1644), soit pratiquement deux millénaires après que fut mentionné le terme « taiji » dans le Yijing. En quelle circonstance et pourquoi notre discipline a fini par prendre le nom de Taiji quan, ou, en d’autres termes, qui a collé le terme « taiji » à celui de « quan » et pourquoi ? Telles sont les questions que les historiens du Taiji quan se posent. Bien des versions existent mais notre intention n’est pas d’en faire l’exégèse. Plus simplement, nous en indiquerons quelques-unes pour montrer que l’histoire de notre discipline n’est plus très simple quand on remonte loin dans le temps. 2. Jean-Marc Eyssalet, Les cinq chemins du clair et de l’obscur, Guy Trédantel, Paris, 1988, p. 140. YANGJIA MICHUAN TAIJI QUAN – Tome 242 – TAIJI TU SHUO 1 Le Taiji est absolu ; c’est la réalité de l’univers ou son premier principe. Il est universel, omniprésent et ne peut être désigné comme une chose ou un évènement. Aussi est-il nommé le Non-Faîte (Wu ji 無 極) par les néoconfucianistes. 2. Le Taiji produit les deux forces, mouvement et immobilité, qui produisent le Yin et le Yang. Ces deux formes sont les deux attributs du Taiji, tandis que mouvement et immobilité représentent les forces opposées de ces deux attributs. 3. L’interaction du Yin et du Yang produit les Cinq Mouvements : Métal, Eau, Bois, Feu et Terre. C’est avec eux que le Ciel et la Terre se sont organisés. Naturellement chacun des Mouvements a sa propre nature. 4. Par le jeu des deux énergies (Qi) Yin et Yang, et des Cinq Mouvements, une myriade de phénomènes se produit parmi lesquels sont inclus les êtres humains. 5. Les êtres humains sont les plus intelligents de tous les êtres car ils sont la cristallisation de la forme et de l’esprit, du corps et de la pensée. 6. Le sage a définitivement établi la sincérité, la droiture et la correction à leur plus haut niveau de moralité. Ceci est la finalité de l’homme, mais la quiétude est essentielle pour que cette finalité soit atteinte. Dans la profonde réalisation du Dao 道 , la structure et la fonction du sage sont identiques à celles du Ciel et de la Terre, du Soleil et de la Lune, des quatre saisons et des esprits. Ainsi le De 德, la moralité du sage, est identique à celle de l’univers. 7 Le symbole du Ciel est Yin et Yang. La nature de la Terre est souplesse Aujourd’hui, nous avons la certitude que le Taiji et, par voie de conséquence, le Taiji quan, ne peuvent pas être séparés du Yijing et de la théorie chinoise des transformations : le Taiji quan est bien lié d’abord aux trigrammes (au Yin et au Yang) avant de l’être à la théorie des Cinq Mouvements (communément appelée théorie des Cinq Éléments). Les Cinq Mouvements (Wu Xing 五 行 ) apparaissent, semble-t-il, pour la première fois dans le diagramme du Taiji de Zhou Dunyi, un néo-confucianiste dont le Taiji Tushuo 太 極 圖 說 (Explications du diagramme du Taiji) est l’un de ses principaux écrits. D’après Jean-Marc Eyssalet, la première formulation complète connue de la théorie des Wu xing aurait été transmise par Zou Yan 騶 衍 (350 avant J.-C.) 2 . Nous constatons encore une fois que c’est assez tard que les théoriciens du Taiji quan ont eu l’idée d’introduire les Cinq Éléments dans notre discipline. Zhou Dunyi élabore dans son diagramme une synthèse des différents courants de pensée de l’époque dont le Yin et le Yang (à partir du Yijing) et la théorie des Cinq Éléments. Voici en résumé le contenu théorique du Taiji Tushuo qui est le commentaire de ce diagramme que nous présentons plus loin. 3. Fundamentals of Tai Chi Chuan, op. cit., pp. 84-85. 4. Encyclopédie philosophique universelle, Les Notions, tome 2, p. 2995, PUF, 1990 PREMIÈRE PARTIE Diagramme du Taiji – 43 Le troisième chapitre introduit les Cinq Mouvements, un système quinaire sur lequel repose toute l’organisation de la vie sur terre. Ciel et Terre se sont organisés sur la base de ce système pour que la vie sur Terre soit possible, ce que précise le chapitre 4. Nous avons là le prélude de la trilogie unitaire contenue dans le chapitre 7. Terre, Homme et Ciel vivent dans une interdépendance : l’un ne peut exister sans l’autre ; ils s’influencent entre eux, le « comportement » ou « l’état » de l’un affecte les deux autres qui, à leur tour, se retournent contre le premier. C’est une écologie de l’univers. Les chapitres 6 et 7 posent les règles des « valeurs morales » et de l’homme idéal, théories chères aux taoïstes et aux confucianistes. La fusion de l’être dans l’univers passe par la vertu sous toutes ses formes (De 德 : la vertu des taoïstes ; Ren 仁 : la vertu d’humanité et Yi 義 : la droiture des confucianistes). Enfin le chapitre 5 nous rappelle le dualisme cartésien entre corps et esprit. En effet, il y a distinction entre la forme (Xing 形) et l’esprit (Shen 神) d’un côté, et de l’autre entre le corps (Shen 身) et la pensée (Xin 心’). Cette distinction n’est pas une dichotomie, au contraire, puisqu’il y a cristallisation, voire une double fusion : corps et pensée d’une part, eux-mêmes confondus dans une plus vaste fusion de la forme et de l’esprit. Les quatre termes Xing, Shen-esprit, Shencorps et Xin méritent quelques commentaires car nous serons amenés à les rencontrer fréquemment. XING 形 (La Forme) Le Xing est la forme, la configuration, l’aspect, l’apparence sensible, la matérialité, c’est aussi la forme corporelle. Xing désigne toute manifestation sensible visible qui est le prolongement d’une réalité cachée : « Les formes visibles sont les traces d’une réalité cachée mais immanente qui constitue la véritable forme des êtres et des choses4 . » (Rou 柔 ) et dureté (Gang 剛 ). La moralité de l’Homme est amour (Ren 仁) et droiture (Yi 義). Par la compréhension du commencement et de la fin, le sage connaît les fondements de la naissance et de la mort. L’instauration du concept des Trois Facteurs cosmiques (San Cai 三 才 : le Dao du Ciel, de la Terre et de l’Homme) a permis la réalisation de la philosophie de l’unité du Ciel et de l’Homme 3 . Le traité de Zhou Dunyi commence par la phrase suivante : « Wuji er Taiji » (無 極 而 太 極). Reprise dans le diagramme, elle fut l’objet de controverses. En effet, le terme « er » peut aussi bien indiquer la similitude que l’opposition. Le chapitre I du résumé du Taiji Tu shuo a choisi la similitude : Wuji (« l’illimité », « l’infini »), le « Sans-Faîte » des bouddhistes, est en fait le Taiji, le « Faîte suprême » des confucianistes. En une seule et unique phrase, le précurseur du néoconfucianisme (ou du néo-bouddhisme si l’on préfère puisque c’est à cette époque, en 845, que fut proscrit le bouddhisme en Chine), réunit les deux absolus, confucéen et bouddhiste. Cette formule lapidaire est peut-être une façon d’annoncer un nouveau mouvement philosophique sans s’attirer les foudres du pouvoir en place, profondément confucianiste, mais sous une forme orthodoxe. Libre à chacun de penser que le Wuji est ou n’est pas semblable au Taiji... Dans le deuxième chapitre du résumé, il est question du Taiji et de ses deux attributs, le Yin et le Yang. Le Wuji serait-il donc remisé une fois pour toutes ? Ce qui voudrait dire alors que Wuji et Taiji sont mis en opposition dans la première phrase du Taiji Tushuo ? Était-il nécessaire d’insister sur l’absolu bouddhiste à un moment où toutes les formes de pensée autres que confucianistes étaient bannies ? Tout inspiré du Yi jing, ce chapitre demeure tout à fait confucianiste. Notons que Yin et Yang sont présentés comme deux attributs, voire deux formes nées de forces contraires, le mouvement et l’immobilité : ce sont les attributs du Taiji. 5. Ibid. p. 2996 6. Ibid. Réédition août 1983, Taïwan 7. Soulié de Morant, L’Acupuncture chinoise, Librairie Maloine, Paris, 1972, p.125 YANGJIA MICHUAN TAIJI QUAN – Tome 244 – du jing de polarité Yin des géniteurs. Ce trésor se rend dans le cœur. D’autre part, le Shen est aussi en provenance du jing qi de la nourriture. Non seulement il vient du jing inné mais également du jing acquis par la nourriture : ainsi se forme le Shen. Mais à la naissance du Shen les deux jing sont imbriqués. » II y a deux Jing 精 ou énergie essentielle : l’une, dite innée ou du Ciel antérieur (Xian tian 先 天) est héritée des parents et transmise lors de la conception ; l’autre, dite acquise ou du Ciel postérieur (Hou tian 後 天), est issue de la digestion et de l’assimilation des aliments et des boissons. Ce qui appartient au Ciel antérieur vient du Ciel tout court, quant aux aliments, ils ne peuvent être que purement terrestres. Nous retrouvons là la trilogie du San Cai 三 才 : l’homme résulte de l’interaction Ciel/Terre. Ce qui signifie aussi que Shen appartient à la fois au monde terrestre et au monde céleste. Soulié de Morant 7 rapporte que le caractère « Shen » est formé des éléments : « Ce qui tombe du Ciel, et traverse le corps », et il ajoute que, d’après les gloses, c’est « l’élément immatériel de l’énergie astrale ; la force cosmique, les ondes animant la forme et lui donnant la Raison ». Nous verrons qu’il vaut mieux attribuer la « Raison » au Xin 心 , mais sans Shen, il ne peut y avoir de Xin, puisqu’il représente une « supraconscience » qui chapeaute l’ensemble des Cinq Trésors. Le Shen semble être le « pont » qui mène à la spiritualité : « Fondement du Ciel et de la Terre, Shen est au commencement de toutes choses. En Plus important pour nous est la forme par excellence qu’est le corps humain. En physiologie (énergétique), on retrouve les mêmes rapports entre forme-matière (xing), esprit (shen) et essence (jing 精) que sur le plan cosmologique. « Le souffle primordial est la racine (Ben 本) dont se compose l’organisme. Celui-ci se mue en humeurs qui se transforment en corps. Le corps matériel est le produit d’une condensation des souffles. Entre esprit et corps, corps et essence n’existent que des nuances : un affinement plus ou moins poussé 5 . » L’enchaînement du Taiji quan prend le nom de forme. Cette forme est potentiellement présente, mais elle ne se réalisera qu’avec le mouvement, celui-ci ayant un support matériel qu’est la forme corporelle. Dans ce cas c’est le mouvement qui nourrit la forme. Est-ce dire que la forme cesse avec le mouvement ? Non, elle retrouve sa potentialité porteuse de messages qui naviguent dans l’espace. En quelque sorte elle redevient le Wuxing 無 形, le non-forme ou le sans-forme, principe indéterminé dont toutes les formes et leurs qualifications sont issues. Shen 神 (l’esprit) Le concept Shen est difficile à saisir car il diffère selon les époques, les croyances et les écoles philosophiques. Pour éviter de semer le trouble dans les... esprits, nous développerons la notion de Shen à partir de la médecine chinoise. Nous nous étendrons davantage sur ces notions dans un prochain fascicule. Notre référence est un extrait du chapitre 23 du livre VII du Huang di Nei jing Su wen 黃帝 內 經 素 問 annoté par Zhang Yian 張 隱 菴 sous la dynastie des Qing 清 (1644-1911). Cet extrait traite des Cinq Trésors (Wu Cang 五 藏) 6 . « LE CŒUR ABRITE LE SHEN D’une part, le Shen résulte de l’imbrication des deux jing ; plus particulièrement 8. Encyclopédie philosophique universelle. Op. cit., p 2976. PREMIÈRE PARTIE Diagramme du Taiji – 45 l’organe cœur et à l’accès à de nouveaux états de conscience qui caractérisent la spiritualité. Faire taire son mental et contrôler ses émotions sont les premiers pas à franchir pour accéder à de nouveaux plans de conscience. Ceci montre bien que les passions ne sont que des attitudes mentales qui traduisent bien souvent une crise d’ego. Pratiquer le « Vide Parfait » pour laisser place à la « Vacuité », telle est bien la recherche sur la voie spirituelle. SHEN 身 (le corps) Ce caractère désigne tout simplement le corps dans sa forme, sa structure et ses différentes fonctions. Revenons au chapitre 5 du résumé du Taiji Tushuo de Zhou Dunyi, et retrouvons les deux couples : Forme-Esprit et Corps-Pensée. Insistons bien sur le fait qu’il n’y a aucune dichotomie entre ces couples et entre les éléments des couples. La Forme se nourrit de l’Esprit comme la Pensée a pour réceptacle le Corps. Le Corps est une Forme condensée et la Pensée est une émanation d’un tout qu’est l’Esprit, un grain de sable du désert, une goutte d’eau de l’océan. Le Taiji quan peut devenir l’incorporation d’une Forme dans laquelle, ou à partir de laquelle, il pourra évoluer dans des espaces non réduits à l’espace gestuel. Si dans le même temps la pratique conduit à la vacuité, au silence mental, l’accès à de nouveaux états de conscience, qui appartiennent au Shen, sera alors possible, et la voie sera « ouverte ». L’ensemble de ces notions va nous permettre d’aborder le Taiji tu 太 極 圖, le Diagramme du Taiji. l’homme il est essence subtile et merveilleuse, il est l’esprit qui, échappant au corps dans le rêve ou l’extase, s’envole hors du temps et de l’espace 8 » Nous pouvons parler du Shen comme d’une énergie cosmique qui anime un esprit collectif en et hors l’être humain. Serait-ce la « conscience collective » de Jung ? Le Shen n’est pas le monde des esprits, ces entités d’âmes défuntes qui hantent le genre humain sur terre. Ce n’est pas ce monde des revenants. Shen a une dominante spirituelle au sens divin du terme. Nous pouvons dire que le Shen est l’émanation psychique du Taiji. XIN 心 (La pensée) Il y a souvent confusion entre Xin et Shen. Cela vient du fait que Shen et Xin sont sous le même emblème FEU en médecine chinoise. Xin regroupe l’activité intellectuelle (l’intelligence appartient à Xin) et l’ensemble des émotions regroupées sous l’emblème FEU et plus particulièrement les passions. Le caractère Xin désigne également le cœur, siège des tourments émotionnels. C’est par le Xin que les passions peuvent être contrôlées, celles-ci devenant nuisibles au cœur si elles se déchaînent. Il n’y a pas opposition entre Shen et Xin : le second se noie dans l’océan du premier. Xin est le moyen de pénétrer le Shen. Nous avons dit que la Raison appartenait davantage à Xin qu’au Shen en ce sens que l’intellect, appartenant à Xin, permet d’appréhender le monde sous forme de concepts. Xin est lié à la connaissance. Du fait que l’activité mentale appartienne au Xin, et que Xin soit le siège des passions, il peut devenir, tout en étant la porte, un frein à l’accès à la spiritualité que gouverne le Shen. Une activité mentale trop intense, tout comme un excès de passions, est une nuisance à la fois à 9. Yi King, Le Livre des Transformations, Richard Wilhelm, Etienne Perrot, Librairie de Médicis, p. 304. YANGJIA MICHUAN TAIJI QUAN – Tome 246 – CINQUIÈME ÉTAGE C’est un cercle qui symbolise le Non-Faîte : Wuji 無 極. Wuji se traduit aussi par : « SansFaîte », « Vide Suprême ». Le cercle blanc qui le représente indique la voie de la négation bouddhique dont le taoïsme a hérité. Wuji est un absolu métaphysique qui précède le Taiji, c’est pourquoi il est placé au-dessus de lui. Le Non-Ji n’est pas la négation du Taiji, il le contient potentiellement. Pendant la pratique du Taiji quan, la pensée est dans un état de tranquillité qui embrasse l’Unité dans la vacuité, c’est ce que l’on nomme Wuji. Tous les mouvements naissent de lui, il est la mère des myriades... C’est aussi le Taiji. Notez qu’au-dessus de ce cercle, figure la phrase célèbre de Zhou Dunyi : « Wuji er Taiji » 無 極 而 太 極. QUATRIÈME ÉTAGE Les cercles concentriques sont divisés en deux moitiés qui font apparaître la complémentarité du Yin et du Yang. La moitié droite. Yin comprend deux anneaux noirs séparés par un blanc: la moitié gauche, Yang, est formée de deux anneaux blancs séparés par un noir. Du noir dans le Yang et du blanc dans le Yin, ceci montre que Yin et Yang ne peuvent être l’un sans l’autre et qu’ils se contiennent mutuellement. De chaque côté du cercle figurent des caractères : - à gauche, Yin jing 陰 靜 (jing : repos, immobilité ; paix, tranquillité) - à droite, Yang dong 陽 動 (dong : mouvement). Le Yang c’est le mouvement alors que le Yin c’est l’immobilité. Mais Yin c’est aussi le calme, la tranquillité, ce que semble bien vouloir indiquer le terme « jing » dans ce contexte. Dans la pratique du Taiji quan le mouvement doit s’accomplir dans la quiétude, la paix, la tranquillité. Nous avons aussi la représentation de l’alternance Yin/Yang dans l’exécution des gestes du LE TAIJI TU de ZHOU DUNYI 周 敦 頤 Le schéma d’ensemble présente cinq étages que nous allons commenter en partant du cinquième, c’est-à-dire du haut. Le troisième étage, qui se rapporte aux Cinq Mouvements, comporte lui-même trois étages : un cercle haut, un cercle bas et les cinq cercles des cinq mouvements au centre. Il est une représentation du San Cai. Si nous associons les deux premiers étages au cercle du bas du troisième étage, et les deux derniers étages au cercle du haut du troisième étage, nous retrouvons encore une fois la représentation du San Cai. SAN CAI 三 才 Les San Cai, ou les Trois Entités agissantes de l’univers sont le CIEL, la TERRE et l’HOMME. Nous retrouvons cette trilogie dans le Yijing avec les trigrammes : le trait du haut correspond au CIEL, celui du bas à la TERRE, celui du milieu à l’HOMME, et avec les hexagrammes : les traits 5 et 6 du haut appartiennent au CIEL, les traits 1 et 2 du bas à la TERRE et les traits 3 et 4 à l’HOMME. « Les saints sages d’autrefois ont fait le Livre des Transformations de la manière suivante : ils ont voulu suivre l’ordre de la loi intérieure et de la destinée. C’est pourquoi ils ont déterminé la VOIE du ciel et l’ont appelée : l’obscur et le lumineux. Ils ont déterminé la VOIE de la terre et l’ont appelée : le malléable et le ferme. Ils ont déterminé la VOIE de l’homme et l’ont appelé : l’amour et la justice. Ils ont combiné ces trois puissances fondamentales et les ont redoublées. C’est pourquoi, dans le Livre des Transformations, il y a toujours six traits pour donner un signe. » Shuo gua, chapitre ll9 TAIJI TU 太 極 圖 無 極 而 太 極 陰 靜 陽 動 萬 物 化 生 坤 道 成 女 乾 道 成 男 PREMIÈRE PARTIE Diagramme du Taiji – 47 三 才 SAN CAI CIEL HOMME TERRE Cinquième Étage Quatrième étage Troisième étage Deuxième étage Premier étage 10. Jean Chevalier,Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Robert Laffont, Paris, p. 889 11. Ibid. p. 861 YANGJIA MICHUAN TAIJI QUAN – Tome 248 – l’exécution d’une forme procède à un vaste « mouvement » qui dépasse une simple mobilisation gestuelle. Aux cinq cercles de Wu Xing sont associés deux autres cercles qui se situent à la jonction des étages supérieur et inférieur. Dans les documents que nous possédons, aucune information ne vient nous éclairer sur ces deux cercles. Ce que nous en dirons ne relève que de nos propres spéculations. Le cercle du haut est recouvert par le cercle qui symbolise le Taiji. Nous pouvons attribuer le chiffre 3 à ce cercle, le 1 étant Wuji, le 2 étant Taiji, le trois indique une naissance, celle de la Terre qui porte alors le chiffre 4 (les Chinois représentent la Terre par un carré). À partir de ce 4 découle le 5 des Cinq Mouvements. La Terre précède les Cinq Mouvements puisque ceux-ci se rapportent à la vie terrestre. Tout naturellement le chiffre 6 est attribué au cercle du bas du troisième étage. Sa position spatiale dans le diagramme en tant que chiffre 6 est intéressante. Si le chiffre 6 exprime la création (le monde fut créé en 6 jours) à partir de la dynamique des Cinq Mouvements, « le nombre six s’exprime par l’hexagone, ou mieux par l’hexagone étoilé qui est la conjonction de deux triangles inversés. En langage hindou, c’est la pénétration de la yoni par le linga, l’équilibre de l’eau et du feu, symbole de la tendance expansive qui est celle de la manifestation10 ». Or, en observant le troisième étage, nous constatons que ce cercle est en relation avec les mouvements FEU (Huo 火) et EAU (Shui 水). Si nous prenons le troisième étage dans sa globalité nous pouvons lui attribuer le chiffre 7, non seulement parce qu’il y a sept cercles, mais aussi parce que « le nombre sept est bien universellement le symbole d’une totalité, mais d’une totalité en mouvement ou d’un dynamisme total 11 ». Wu Taiji quan : quand un bras se lève, l’autre descend ; quand l’un est actif, l’autre est passif ; quand une main est en rotation interne, l’autre est en rotation externe. TROISIÈME ÉTAGE Ce niveau représente Wu Xing, les Cinq Mouvements (ou les Cinq Éléments, ou les Cinq Modalités) qui sont en relation avec les cinq déplacements de base du Shi San Shi, les Treize Gestes (ou postures). Chaque chose est produite de la Terre (Tu 土) ou du Centre (Zhong 中 ), c’est-à-dire que tout déplacement a une origine, le centre, et une fin, ce même centre qui est le « Retour à l’origine ». L’idée directrice est la notion de conscience par rapport à un référentiel, la Terre, et cette conscience est ce qui lie tous les gestes et tous les déplacements. Remarquons que cet étage est central par rapport à tout l’édifice du diagramme qui en comporte cinq. Ceci montre que les Cinq Mouvements s’appliquent à ce qui appartient au Centre, la Terre. C’est en quelque sorte rappeler aux humains, qui trouvent leur forme définitive au deuxième étage, leur statut de terriens. De l’Univers, nous sommes arrivés à la Terre en passant par l’alternance Yin-Yang. C’est le Yin-Yang qui sert de lien entre les différents Mouvements. Si chacun des Mouvements a sa spécificité dans l’espace-temps (changement de saison par exemple), ils sont soumis aux lois d’alternance du Yin et du Yang : la succession des saisons répond à cette loi d’alternance à partir du référentiel Terre, ce qui permet de passer d’une saison à une autre en « douceur ». Dans ce rapport au Yin-Yang, les Cinq Mouvements sont intégrés dans le Taiji. Dans les déplacements, les directions n’ont de sens que par rapport à la Terre ; l’idée que nous pouvons avoir de ces déplacements ne peut naître que de la conscience que nous en avons à un instant précis. Si la conscience est suffisamment élargie, il y a perception de la totalité générée par les Cinq Mouvements qui ne peut être isolée du Taiji. Dès cet instant, nous pouvons réaliser que
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