Lire un extrait de La Voleuse de Livres - Page 1 - Lire un extrait de La Voleuse de Livres de Markus Zusak MARKUS ZUSAK LA VOLEUSE DE LIVRES Traduit de l'anglais (Australie) par Marie-France Girod OH! ÉDITIONS 26617596_001-640.indd 526617596_001-640.indd 5 18/12/13 15:4318/12/13 15:43 Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L.122-5 (2e et 3e a), d’une part, que les «copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective» et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple ou d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite» (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. © Markus Zusak, 2005 et OH! Éditions, 2007 pour la traduction en langue française. XO Éditions pour la présente édition. Illustrations intérieures de Trudy White. ISBN : 978-2-266-17596-8 Titre original: THE BOOK THIEF Pocket, une marque d’Univers Poche, est un éditeur qui s’engage pour la préservation de son environnement et qui utilise du papier fabriqué à partir de bois provenant de forêts gérées de manière responsable. 26617596_001-640.indd 626617596_001-640.indd 6 18/12/13 15:4318/12/13 15:43 PROLOGUE ∂ DES MONTAGNES DE DÉCOMBRES Où notre narratrice présente: elle-même – les couleurs – et la voleuse de livres 26617596_001-640.indd 926617596_001-640.indd 9 18/12/13 15:4318/12/13 15:43 11 MORT ET CHOCOLAT D’abord les couleurs. Ensuite les humains. C’est comme ça que je vois les choses, d’habitude. Ou que j’essaie, du moins. N UN DÉTAIL O Vous allez mourir. En toute bonne foi, j’essaie d’aborder ce sujet avec entrain, même si la plupart des gens ont du mal à me croire, malgré mes protestations. Faites-moi confiance. Je peux vraiment être enjouée. Je peux être aimable. Affable. Agréable. Et nous n’en sommes qu’aux «A». Mais ne me demandez pas d’être gentille. La gentillesse n’a rien à voir avec moi. 26617596_001-640.indd 1126617596_001-640.indd 11 18/12/13 15:4318/12/13 15:43 12 N RÉACTION AU DÉTAIL CI-DESSUS O Ça vous inquiète? Surtout, n’ayez pas peur. Je suis quelqu’un de correct. Une présentation s’impose. Un début. J’allais manquer à tous mes devoirs. Je pourrais me présenter dans les règles, mais ce n’est pas vraiment nécessaire. Vous ferez bien assez tôt ma connaissance, en fonction d’un certain nombre de paramètres. Disons simplement qu’à un moment donné, je me pencherai sur vous, avec bienveillance. Votre âme reposera entre mes bras. Une couleur sera perchée sur mon épaule. Je vous emporterai avec douceur. À cet instant, vous serez étendu (je trouve rarement les gens debout). Vous serez pris dans la masse de votre propre corps. Peut-être vous découvrira-t-on; un cri déchirera l’air. Ensuite, je n’entendrai plus que mon propre souffle et le bruit de l’odeur, celui de mes pas. L’essentiel, c’est la couleur dont seront les choses lorsque je viendrai vous chercher. Que dira le ciel? Personnellement, j’aime quand le ciel est couleur chocolat. Chocolat noir, très noir. Il paraît que ça me va bien. J’essaie quand même d’apprécier chaque couleur que je vois – la totalité du spectre. Un milliard de saveurs, toutes différentes, et un ciel à déguster lentement. Ça atténue le stress. Ça m’aide à me détendre. N UNE PETITE THÉORIE O Les gens ne remarquent les couleurs du jour qu’à l’aube et au crépuscule, mais pour moi, une multitude de teintes et de nuances s’enchaînent 26617596_001-640.indd 1226617596_001-640.indd 12 18/12/13 15:4318/12/13 15:43 13 au cours d’une journée. Rien que dans une heure, il peut exister des milliers de couleurs variées. Des jaunes cireux, des bleus recrachés par les nuages, des ténèbres épaisses. Dans mon travail, j’ai à cœur de les remarquer. Comme je l’ai laissé entendre, j’ai besoin de me distraire. Cela me permet de conserver mon équilibre et de tenir le coup, étant donné que je fais ce métier depuis une éternité. Car qui pourrait me remplacer? Qui prendrait le relais pendant que j’irais bronzer sur l’une de vos plages ou dévaler les pistes à ski? Personne, évidemment. Aussi ai-je décidé, consciemment, délibérément, de remplacer les vacances par de la distraction. Inutile de préciser que je me repose au compte-gouttes. Avec les couleurs. Mais, penserez-vous peut-être, pourquoi donc a-t-elle besoin de vacances? De quoi a-t-elle besoin d’être distraite? Ce qui m’amène au point suivant. Les humains qui en ont réchappé. Les survivants. Ceux-là, je ne supporte pas de les regarder, et je ne parviens pas toujours à m’y soustraire. Je recherche délibérément les couleurs pour ne plus penser à eux, mais j’en vois de temps en temps, effondrés entre surprise et désespoir. Leur cœur saigne. Ils ont les poumons en charpie. Ce qui m’amène au sujet dont je veux vous parler ce soir, ou ce matin – qu’importent l’heure et la couleur. C’est l’histoire de quelqu’un qui fait partie de ces éternels survivants, quelqu’un qui sait ce qu’être abandonné veut dire. 26617596_001-640.indd 1326617596_001-640.indd 13 18/12/13 15:4318/12/13 15:43 Une simple histoire, en fait, où il est question, notamment: • D’une fillette; • De mots; • D’un accordéoniste; • D’Allemands fanatiques; • D’un boxeur juif; • Et d’un certain nombre de vols. J’ai vu la voleuse de livres à trois reprises. 26617596_001-640.indd 1426617596_001-640.indd 14 18/12/13 15:4318/12/13 15:43 15 PRÈS DE LA VOIE FERRÉE D’abord, il y a du blanc. Du genre éblouissant. Certains d’entre vous penseront sans doute que le blanc n’est pas une couleur, ou une ânerie de ce genre. Je peux vous dire que si. Le blanc est une couleur, cela ne fait aucun doute. Et vous n’avez pas envie de discuter avec moi, n’est-ce pas? N UNE ANNONCE RASSURANTE O Surtout, ne vous affolez pas, malgré cette menace. C’est du bluff. Je n’ai rien de violent. Ni de méchant. Je suis un résultat. Donc, c’était blanc. On aurait cru que la planète entière était vêtue de neige. Qu’elle l’avait enfilée comme un pull-over. Près de la voie ferrée, les empreintes de pas étaient enfoncées jusqu’au talon. La glace enrobait les arbres. Comme vous vous en doutez, quelqu’un était mort. 26617596_001-640.indd 1526617596_001-640.indd 15 18/12/13 15:4318/12/13 15:43 16 * * * On ne pouvait pas le laisser comme ça sur le sol. Pour le moment, ce n’était pas un problème, mais bientôt la voie serait dégagée et le train devrait avancer. Il y avait deux gardes. Il y avait une mère et sa fille. Et un cadavre. La mère, la fille et le cadavre restaient là, têtus et silencieux. «Qu’est-ce que je peux faire d’autre?» L’un des gardes était grand, l’autre petit. Le grand parlait toujours en premier, même s’il ne commandait pas. Il regardait le petit rondouillard, au visage rouge et plein. «Voyons, on ne peut pas les laisser comme ça», fut la réponse. Le grand commençait à s’impatienter. « Pourquoi pas?» Le petit faillit exploser. Il leva les yeux vers le menton de l’autre et s’écria: «Spinnst du? Tu es idiot, ou quoi?» Sous l’effet de l’aversion, ses joues se gonflaient. «Allons-y, dit-il en pataugeant dans la neige. On va les ramener tous les trois, si l’on n’a pas le choix. On fera un rapport au prochain arrêt.» Quant à moi, j’avais déjà commis une erreur des plus élémentaires. Je ne peux vous expliquer à quel point je m’en suis voulu.Au départ, pourtant, j’avais agi comme il fallait. J’étudiai le ciel d’une blancheur aveuglante qui se tenait à la fenêtre du train en marche. Je l’inhalai presque, mais j’hésitais encore. Je flanchais – je commen26617596_001-640.indd 1626617596_001-640.indd 16 18/12/13 15:4318/12/13 15:43 çais à éprouver de l’intérêt. Pour la fillette. Finalement, la curiosité l’emporta et, me résignant à rester autant que mon planning le permettait, j’observai ce qui se passait. Vingt-trois minutes plus tard, quand le train s’arrêta, je descendis avec eux. J’avais une jeune âme dans les bras. Je me tenais légèrement sur la droite. Le dynamique duo de gardes revint vers la mère, la fillette et le petit cadavre. Je me souviens que ce jourlà, ma respiration était bruyante. Je suis étonnée que les gardes n’aient pas remarqué ma présence en passant à côté de moi. Le monde pliait maintenant sous le poids de toute cette neige. À une dizaine de mètres sur ma gauche se tenait la fillette, pâle, le ventre vide, transie de froid. Ses lèvres tremblaient. Elle avait croisé ses bras glacés. Sur le visage de la voleuse de livres, les larmes avaient gelé. 26617596_001-640.indd 1726617596_001-640.indd 17 18/12/13 15:4318/12/13 15:43
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