Lire un extrait du Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates - Page 1 - Sur l’auteur Mary Ann Shaffer est née en 1934 en Virginie- Occidentale. C’est lors d’un séjour à Londres, en 1976, qu’elle commence à s’intéresser à Guernesey. Sur un coup de tête, elle prend l’avion pour gagner cette petite île oubliée où elle reste coincée à cause d’un épais brouillard. Elle se plonge alors dans un ouvrage sur Jersey qu’elle dévore : ainsi naît sa fascination pour les îles Anglo-Normandes. Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates est son unique roman, écrit en collaboration avec sa nièce, Annie Barrows, elle-même auteur de livres pour enfants. Mary Ann Shaffer est décédée en février 2008, peu de temps après avoir appris que son livre allait être publié et traduit en plusieurs langues. B.A.T. — LE CERCLE LITTE´ RAIRE (M. A. Shaffer) — Page 4 UP9279 – $$U1 – 26-11-10 15:54:56 MARY ANN SHAFFER ANNIE BARROWS LE CERCLE LITTE´RAIRE DES AMATEURS D’E´PLUCHURES DE PATATES Traduit de l’américain par Aline AZOULAY 10 18 « Domaine étranger » créé par Jean-Claude Zylberstein NiL Titre original : The Guernsey Literary and Potato Peel Pie Society © The Trust Estate of Mary Ann Shaffer & Annie Barrows, 2008. © NiL E´ditions, 2009, pour la traduction française. ISBN 978-2-264-05351-0 B.A.T. — LE CERCLE LITTE´ RAIRE (M. A. Shaffer) — Page 6 UP9279 – $$U1 – 26-11-10 15:54:56 Première partie B.A.T. — LE CERCLE LITTE´ RAIRE (M. A. Shaffer) — Page 7 UP9279 – $$U1 – 26-11-10 15:54:56 8 janvier 1946 Mr. Sidney Stark, E´diteur Stephens & Stark Ltd. 21 St. James Place Londres SW1 Angleterre Cher Sidney, Susan Scott est une perle. Nous avons vendu plus de quarante exemplaires du livre, ce qui est plutôt réjouissant, mais le plus merveilleux, de mon point de vue, a été la partie ravitaillement. Susan nous a déniché des tickets de rationnement pour du sucre glace et de vrais œufs afin de nous confectionner des meringues. Si tous ses déjeuners littéraires attei- gnent ces sommets, je suis partante pour une tournée dans tout le pays. Penses-tu qu’un somptueux bonus l’encouragerait à nous trouver du beurre ? Essayons, tu n’auras qu’à déduire la somme de mes droits d’auteur. A` présent, les mauvaises nouvelles. Tu m’as demandé si mon nouveau livre progressait. Non, Sidney, il ne progresse pas. Les Faiblesses anglaises s’annonçaient pourtant si prometteuses. Après tout, on devrait pouvoir écrire des tartines sur la société anglaise pour dénoncer la glorification du Lapinou anglais. J’ai exhumé une photo du Syndicat des exterminateurs de nuisibles, défilant dans Oxford Street avec des pancartes : « A` bas Beatrix Potter ! » Mais que peut- on ajouter à cela ? Rien. Rien du tout. Je n’ai plus envie d’écrire ce livre. Je n’ai plus ni 11 B.A.T. — LE CERCLE LITTE´ RAIRE (M. A. Shaffer) — Page 11 UP9279 – $$U1 – 26-11-10 15:54:56 la tête ni le cœur à l’écrire. Aussi chère que m’a été (et m’est encore) Izzy Bickerstaff, je ne veux plus rien écrire sous ce nom. Je ne veux plus être consi- dérée comme une journaliste humoriste. Je suis consciente que faire rire – ou au moins glousser – les lecteurs en temps de guerre n’était pas un mince exploit, mais c’est terminé. J’ai le sentiment d’avoir perdu le sens des proportions ces derniers temps, et Dieu sait qu’on ne peut rien écrire de drôle sans cela. En attendant, je suis très heureuse que Stephens & Stark gagne de l’argent avec Izzy Bickerstaff s’en va-t-en guerre. Le fiasco de ma biographie d’Anne Brontë me pèse moins sur la conscience. Merci pour tout, Affectueusement, Juliet P.S. : Je suis en train de lire la correspondance de Mrs. Montagu. Sais-tu ce que cette femme lamen- table a écrit à Jane Carlyle ? « Ma chère petite Jane, tout le monde naît avec une vocation, et la vôtre est d’écrire de charmantes petites notes. » J’espère que Jane lui a craché au visage. B.A.T. — LE CERCLE LITTE´ RAIRE (M. A. Shaffer) — Page 12 UP9279 – $$U1 – 26-11-10 15:54:56 De Sidney à Juliet 10 janvier 1946 Chère Juliet, Félicitations ! Susan Scott dit que tu as captivé ton public du déjeuner comme du rhum un ivrogne, et qu’il te l’a bien rendu, alors, je t’en prie, cesse de t’inquiéter pour ta tournée de la semaine prochaine. Je ne doute pas de ton succès. Ayant assisté à ton interprétation électrisante du Petit berger qui chante dans la vallée de l’humiliation, il y a dix-huit ans, je sais que tu auras tous tes audi- teurs à tes pieds en un rien de temps. Un conseil : tu pourrais peut-être t’abstenir de jeter le livre au public quand tu auras fini, cette fois. Susan est impatiente de t’escorter de librairie en librairie, de Bath à Yorkshire. Et, bien sûr, Sophie fait pression pour que ta tournée se prolonge et te mène jusqu’en E´cosse. J’ai pris mon ton de grand frère excédé pour lui dire que rien n’a encore été décidé dans ce sens. Je sais que tu lui manques terri- blement, mais Stephens & Stark se doit de demeurer insensible à de telles considérations. Je viens de recevoir les chiffres des ventes d’Izzy à Londres et dans les comtés limitrophes. Ils sont excellents ! Encore bravo ! Ne te fais pas de bile pour les Faiblesses anglaises ; mieux vaut que ton enthousiasme s’éteigne maintenant qu’après avoir passé six mois à écrire sur les lapinous. Les possibilités bassement commerciales de cette idée étaient séduisantes, mais 13 B.A.T. — LE CERCLE LITTE´ RAIRE (M. A. Shaffer) — Page 13 UP9279 – $$U1 – 26-11-10 15:54:56 je suis d’accord : cette histoire aurait vite viré à la farce. Un autre sujet – plus de ton goût – te viendra. On dîne avant ton départ ? Dis-moi quand. Je t’embrasse, Sidney P.S. : Tu écris de charmantes petites notes. B.A.T. — LE CERCLE LITTE´ RAIRE (M. A. Shaffer) — Page 14 UP9279 – $$U1 – 26-11-10 15:54:56 De Juliet à Sidney 11 janvier 1946 Cher Sidney, Dînons, oui, avec plaisir. Et si nous nous retrou- vions quelque part sur la rivière ? Je veux des huîtres, du champagne et du rosbif, si on peut s’en procurer ; sinon, un poulet fera l’affaire. Je suis très heureuse qu’Izzy se vende bien. Se vend-il assez bien pour que je ne sois pas obligée de faire mes bagages et de quitter Londres ? Puisque S & S a fait de moi un auteur relati- vement prospère, le dîner est pour moi. Je t’embrasse, Juliet P.S. : Je n’ai pas jeté mon exemplaire du Jeune berger qui chante dans la vallée de l’humiliation au public. Je l’ai jeté à mon professeur de diction. Je visais ses pieds, mais j’ai manqué ma cible. 15 B.A.T. — LE CERCLE LITTE´ RAIRE (M. A. Shaffer) — Page 15 UP9279 – $$U1 – 26-11-10 15:54:56
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