BSCNEWSFEVRIER2013 - Page 2 - BSC NEWS MAGAZINE de Février 2013 : Davor Vrankic, Jul, Guy Delisle, Brigitte KErnel, Julie Birmant, Jean Stern, Catherine Hermary-Vieille, China Moses, Elina Duni, Susie Arioli, Razerka Ben Sadia Lavant 2 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 55 - FÉVRIER 2013 de NICOLAS VIDALL’édito Au retour du Festival International de la Bande dessinée de la ville d’Angoulême, il y a toujours cette impression multicolore, artistique et chamarrée qui prédomine tant la concentration de talents et de nouveautés y est importante. Cette année encore, la réputation du festival n’a pas failli. Le plaisir est à son comble lorsqu’il s’agit de flâner de table en table pour dénicher ce qui fera votre bonheur. On suit la courbe rectiligne des stands, on s’arrête là en s’avançant vers la pile posée là, on ouvre un album, on ferme celui-là, on en feuillette un autre et on tombe amoureux du quatrième. Tantôt on échange avec l’auteur, tantôt avec l’éditeur qui semble avoir la moitié de votre âge ou bien le double mais vous accroche toujours avec une passion débordante de la bulle. Peu importe que le stand soit grand, petit, long, ramassé voire raplot, on est à Angoulême et on prend le temps de butiner, de découvrir et de fouiner. Tout autour, un puissant bourdonnement de gens qui se régalent, qui commentent et qui s’interpellent de table en table. Ici, on parle toutes les langues et on se comprend avec la même : celle de la BD. Vous voici plongé dans le coeur battant de la Bande Dessinée. Puis il est déjà l’heure et vous vous faufilez prudemment pour rejoindre l’amphithéâtre où se déroule dans quelques minutes la rencontre dessinée. Cependant, elle se tient à l’opposé de là où vous êtes. Le plaisir est partout à Angoulême mais le temps n’est pas extensible. Une fois arrivé sur place, une foule se presse face à l’entrée et vous tentez d’estimer la capacité d’accueil de l’endroit pour savoir si vous aussi, vous aurez une chance de participer à l’événément tout en gardant à Une quête culturelle auSSI passionnante que frustrante 3 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 55 - FÉVRIER 2013 l’esprit que l’exposition d’Andreas fait partie de vos priorités ou encore celle d’Uderzo in Extenso. En fait, participer au Festival de la Bande dessinée Angoulême est une merveilleuse quête culturelle qui vous enchante autant qu’elle vous frustre de ne pas être permanente. Pour ce 55ème numéro du BSC NEWS MAGAZINE, nous avons r a m e n é d e b e l l e s c h o s e s d’Angoulême que nous avons pris soin d’associer à une très dense sélection culturelle - littéraire, musicale et illustrative - qui, nous l’espérons, vous ravira. 4 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 55 - FÉVRIER 2013 JUL p.7 GUY DELISLE p.107 DAVOR VRANKIC p.17 BRIGITTE KERNEL p.53 julie birmant p.73 JEAN STERN p.33 5 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 55 - FÉVRIER 2013 CATHERINE HERMARY-VIEILLE p.46 SPÉCIAL ANGOULÊME p.101 CHINA MOSES P 141 Susie Arioli p.157ELINA DUNI p.151 Razerka Ben SadiaLavant p.85 6 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 55 - FÉVRIER 2013 Texte Julie Cadilhac / Photo Chloé Vollmer / Portrait de Jul par Arnaud Taeron BANDE DESSINÉE JUL Vous aimez vous abandonner avec délectation au creux des pages accueillantes d'auteurs narcissiques, égocentriques, allumés, décalés, inspirés, fantaisistes, polémiques, rêveurs…? L'odeur du livre tout juste imprimé, le bruit des pages tournées, le contact des nervures d'un dos, la vue d'un titre enlevé exalte votre enthousiasme? Pas de doute que vous laissez vadrouiller un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, vos oreilles du côté de La grande Librairie sur France 5 le jeudi ou le dimanche! Y sévit un crayon-trublion qui se complaît à croquer avec malice et intelligence l'actualité littéraire , complice de François Busnel, grand Manitou de la Question. Jul commente par ses dessins les causeries plus ou moins de haute volée, les convergences et divergences d'opinions esthétiques, les explications pratiques et théoriques à propos du doux ( dur?) métier d'auteur. Jul est un croqueur d'instants génial ; Au coeur même de l'Ordre des Plumes émérites et des Chéri(e)s des Muses, là où tout se veut ordre et beauté, Jul distille un parfum de rébellion graphique, sème la dérision, désacralise pour mieux vanter…ben oui, tiens! et si le rire sauvait la littérature? Vous ne l'avez pas croisé à Angoulême? Grossière erreur de goût cher lecteur! Hic et nunc, l'occasion de réparer votre cruel manque d'orientation festivalesque ( quoi? qu'est-ce qu'il a mon néologisme?) , de vous laisser littéralement séduire par l'humour et la pertinence de l'auteur de La planète des sages, Silex and the City ou encore Le président de vos rêves et de vous précipiter dans les bras de la première librairie venue pour vous compromettre délicieusement avec Sa Grande Librairie! 7 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 55 - FÉVRIER 2013 Si vous pouviez concevoir l'émission idéale en outrepassant les contraintes temporelles et spatiales (ouvrons les t o m b e s e t l e s f r o n t i è r e s s i nécessaires!), quels invités rêveriezvous ou auriez-vous rêvé de croquer à la Grande Librairie et…. à propos de quels ouvrages? Mon point de vue de dessinateur n'est pas le même que mon point de vue de lecteur... M e s " c i b l e s " préférées sont les écrivains célèbres, m é d i o c r e s e t vaniteux... Mais il e s t v r a i q u e pouvoir rencontrer d e s g é n i e s admirables serait aussi une chance : i l f a u d r a i t panacher... Alors mettons (il en faut 4 par émission ) : Hitler pour "Mein Kampf", Mao pour "Le Petit Livre Rouge"... et Nicolas Bouvier (excellent iconographe en plus d'être un génie poétique), et Arthur Rimbaud qui foutrait le bordel sur le plateau ! Ecrire et être orateur, deux capacités qui ne vont pas toujours de pair, si? Quels auteurs vont ont surpris en ce sens? C'est vrai que Modiano est la parfaite illustration de l'autisme médiatique et de la grandeur littéraire ! D'autres sont très mineurs voire r i n g a r d s , m a i s excellents causeurs (les académiciens genre d'Ormesson ou de Obaldia par exemple...)... Alors les oiseaux rares ? J a m e s E l l r o y , Umberto Eco, par exemple, ont été magnifiques... François Busnuel explique dans la préface que votre présence au sein de l'émission allait dans le sens de "dissoudre l'esprit de sérieux"? Une s a c r é e responsabilité, non?! Quelle est votre recette? Je travaille toujours dans un esprit satirique, dans la presse et en bandedessinée : je n'ai aucun mal à transposer cette disposition naturelle à l a "Quel plaisir de transgresser les convenances et de dégonfler les vanités, en étant payé pour ça " 8 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 55 - FÉVRIER 2013 Kruger and his Attack Bunny 11x14" acrylic on board As ogres age they diminish in size and start to become slightly feeble-minded. They begin to have difficulty maintaining employment as henchmen and leverage agents. There were humans who used to prey on the elderly ogres with thoughts that they might have hidden treasures from such employment. In order to protect themselves when they moved into retirement communities, ogres often adopt attack animals like wolves or falcons. Kruger was slightly more well off than the average retiree so he was able to acquire a vicious attack rabbit that was always perched upon his head. 9 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 55 - FÉVRIER 2013 critique et à l'humour en direct à la télévision. Et c'est vrai que cela fait tache bien souvent, dans le monde compassé et révérencieux des Lettres françaises. Mais quel p l a i s i r d e t r a n s g r e s s e r l e s convenances et de dégonfler les vanités, en étant payé pour ça et en plus en entendant rire les spectateurs (subtil et exquis plaisir narcissique pour le dessinateur !) Dessiner à La Grande Librairie, c'est une façon de contribuer à la résistance de l'objet-livre? Êtesvous soucieux en ce sens? Tiens, je n'y ai jamais pensé... En fait, non : publier un recueil de ces dessins, oui, ça c'est faire vivre le livre, les libraires, etc. En revanche, la télé reste un concurrent féroce au livre, même une émission littéraire : dans le tourbillon des e x i s t e n c e s m o d e r n e s e t chronométrées pour le travail et l'aliénation de la consommation, c'est toujours une heure de moins pour la lecture ! On a souvent l'impression que la littérature appartient à un cénacle parisien assez fermé, une idée qui semble ne pas avoir lieu d'être en bd….votre collaboration avec François Busnuel est-elle une façon de combattre cet élitisme littéraire? J'ai eu une formation ultra élitiste, ultra intello, ultra parisienne : le microcosme littéraire ne m'a donc jamais fait rêver, et je suis aux premières loges pour le tourner en dérision... Le pendant de cela, c'est que je n'ai jamais diabolisé ce milieu, j'ai toujours savouré ses bons côtés et ri de ses travers, sans en faire tout une affaire. Mais c'est vrai que j'aime exister à la marge : intello de service dans la bd, dynamiteur dans le monde des Lettres. Le luxe, c'est ça : être dedans ET dehors, et n'avoir à craindre personne dans le maillage du pouvoir et de l'influence. La bande-dessinée se prend certainement moins au "La télé reste un concurrent féroce au livre, même une émission littéraire : dans le tourbillon des existences modernes et chronométrées pour le travail et l'aliénation de la consommation, c'est toujours une heure de moins pour la lecture " 10 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 55 - FÉVRIER 2013 11 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 55 - FÉVRIER 2013 sérieux, et c'est plutôt agréable... mais il y a aussi le monde du dessin de presse, de l'animation : chaque milieu et chaque profession a ses codes et ses coquetteries, de toute façon. 6. Et pour quel bilan: arrivez-vous à attirer un public plus varié? Je ne crois pas que mes dessins à La G r a n d e L i b r a i r i e a t t i r e n t particulièrement le public de la bande-dessinée vers ce genre d'émission. En réalité, mes lecteurs sont plutôt des littéraires qui n'ouvrent pas trop de bd. En revanche, les spectateurs ne sont pas habitués à l'irrévérence envers les romanciers : je pense qu'il y a une jubilation particulière à voir profaner certains monuments un peu trop pompeux... Vos dessins sont truffés de références littéraires classiques…Jul, un grand lecteur dès l'enfance? A vrai dire, je n'ai jamais hiérarchisé mes lectures : j'ai lu très très (voire trop trop) tôt des classiques, en même temps que Gotlib, Franquin, Edika... J'ai souvent du mal à accréditer la distinction entre grande culture et culture populaire : vivre dans son époque, c'est mélanger l'héritage du passé et l'écume du présent, non ? Alors, oui, je suis un fervent lecteur, plutôt d'auteurs morts finalement (ils sont plus nombreux), et étrangers (ils sont plus étranges)... Et la notion de "référence" est fondamentale dans mon travail : l'humour de mes albums et de mes dessins repose souvent sur des décalages, des collisions, où tout ce qui constitue le réel a sa place. Flaubert, Michel Berger, Brice Hortefeux, Voltaire, Zadig et Voltaire, c'est ça la vie ! Si vous deviez citer une émission qui vous laissera un souvenir indélébile ( agréable ou désagréable), laquelle serait-ce et pourquoi ? Je me suis tellement marré pendant l'émission où Brigitte Fontaine qui présentait un recueil de ses textes illustrés par Sempé est sortie des rails et s'est mise à arpenter en maugréant le plateau en tous sens parce qu'elle ne pouvait pas fumer et qu'elle craquait, tandis que François Busnel essayait tant bien que mal de gérer le chaos... Et puis les émission où Roberto Saviano arrivait avec huit gardes du corps, à cause des contrats mafieux sur sa tête, et qu'il plongeait son regard noir dans les yeux de Busnel. J'en ai encore des frissons. Lors de ces émissions en direct, le stress est intense, j'imagine, puisque vous devez assurer un certain nombre de dessins quoi qu'il arrive…pour éviter la panne d'inspiration, vous vous préparez des dessins sous le coude? Vous est-il arrivé en 4 ans d'être "sec", "sans inspiration"? C'est une crainte que j'ai à chaque fois, mais comme par miracle, le déclic finit toujours par avoir lieu... Ayant reçu les livres, ayant révisé l'itinéraire des invités, je suis assez
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