BSC NEWS AVRIL 2011 - Page 2 - BSC NEWS AVRIL 2011 - Avec la Grande Interview de Marek Halter, David Sala, Isabelle Lortholary, Jacques Henric, Thomas Fersen, Vedrana Donic, Jérémy Moncheau, Fabienne Thibeault 2 - BSC NEWS MAGAZINE - N°35 - AVRIL 2011 La Culture Édito PAR NICOLAS VIDAL et la tyrannie de l’audience... n peut se réjouir qu’une interview comme celle de Pierre Jourde, le mois dernier, puisse encore susciter de si nombreuses r é a c t i o n s , c o m m e n t a i r e s , controverses, joutes verbales ou bien, dans le plus abouti des cas de figure, l’exaltation de certains et l’exaspération des autres. Elle a au moins permis d’ouvrir un débat sur le devenir de la culture. Et vous conviendrez aisément avec moi que, de nos jours, l’idée même d’ouvrir un débat ennuie profondément une grande partie de la société et, de surcroît, si ce débat porte sur la culture. On vous prédit alors une audience proche de zéro qui vous relèguera au rang de petit webzine confidentiel. Voilà l’avenir auquel se prépare la presse culturelle qui ne parle plus qu’en VU (visiteurs uniques), en PV (pages vues) et en CPC (coût moyen par clic). Car, aujourd’hui, c'est le seuil d’audience qui se négocie chez les annonceurs et le contenu ne compte plus. La ligne éditoriale n’est plus qu’un alibi et le positionnement n’est plus un argument. Seule l’audience en millions de VU compte et tous les moyens sont bons pour y parvenir. Voilà l’âge d’or du Chic & du Choc culturel sans saveur. Alors que la tyrannie de l’audience s’épaissit chaque jour un peu plus et que la bouillie culturelle s’infiltre, nous continuons à vous proposer une actualité culturelle que nous choisissons et qui nous semble une source intarissable de créativité, de plaisir et d’audace. Votre fidélité à notre magazine déjoue toutes ces suppositions et ces prévisions car vous êtes aujourd’hui des milliers à nous lire tous les mois alors que vous n’étiez que quelques centaines il y a 3 ans en arrière. Ce mois-ci, nous vous proposons entre autres une interview passionnante de Marek Halter qui nous fera partager ses lumières, sa sagesse sur l’Histoire, sur l’Homme et qui insiste sur le rôle de la transmission. Jacques Henric nous parlera de sa Balance des Blancs, Isabelle Lortholary vous fera découvrir la face cachée des femmes et vous aurez l'occasion de profiter de la correspondance qu'Anny Romand a entretenue avec l’une de nos chroniqueuses. Côté illustrations, nous vous proposons de découvrir le talentueux Jérémy Moncheaux, de savourer quelques dessins du dernier album jeunesse de David Sala et de découvrir Vendranna Donic, une éditrice underground. Pour terminer, je voudrais rendre hommage aux Editions Anna Chanel, dirigées par Nathalie Allemand et Philippe Collon qui viennent de fermer leurs portes en ce début de printemps, faute de financement. Voilà une petite maison d’édition qui mérite l’admiration pour tout le magnifique travail accompli en littérature jeunesse. Nous les avons soutenus avec beaucoup de ferveur et nous sommes consternés par cette «mort éditoriale» et la disparition tragique de «ces cultivateurs d’émotion» comme ils aimaient se définir. O 3 - BSC NEWS MAGAZINE - N°35 - AVRIL 2011 Leila Ataya Marek HalterIsabelle Lortholary Jérémy Moncheaux Anny Romand MENUCULTUREL 4 - BSC NEWS MAGAZINE - N°35 - AVRIL 2011 SUIVEZ LE BSC NEWS MAGAZINE SUR TWITTER Jacques Henric David Sala Marc LainéEric Pessan 5 - BSC NEWS MAGAZINE - N°35 - AVRIL 2011 KIT MEDIA 2011 Le BSC NEWS MAGAZINE est le premier magazine culturel francophone exclusivement sur le Web. Fondé en 2007 à l’aube de la presse numérique, il regroupe aujourd’hui 70000 lecteurs par mois, âgés de 25 à 70 ans. Avec plus de 600 invités en seulement 34 numéros, le BSC NEWS MAGAZINE est le média numérique qui déniche chaque mois les nouveautés du monde culturel et se pose aujourd’hui comme le vrai découvreur de talents de la toile francophone grâce à une rédaction de 35 journalistes. Le BSC NEWS est lu aujourd’hui dans 12 pays francophones par une communauté de lecteurs curieux, attentifs, cultivés et exigeants mais également par de nombreux professionnels du livre, de l’édition et de la presse. COMMUNIQUEZ SUR LE BSC NEWS MAGAZINE ENVOI DE NOTRE KIT MEDIA PAR E-MAIL OU PAR COURRIER PAR SIMPLE DEMANDE SUR REDACTIONMAGAZINE@BSCNEWS.FR 6 - BSC NEWS MAGAZINE - N°35 - AVRIL 2011 Au départ, La mémoire d'Abraham est née de l'envie de retracer les origines de votre nom de famille? l'envie de perpétuer une mémoire, la mémoire du peuple juif? Les deux. Vous avez presque répondu à votre question. Circulait toujours dans ma famille une légende qui disait que nous appartenions à l'une des plus anciennes familles juives. Dans la famille, existait un manuscrit qui retraçait notre histoire- manuscrit que je n'ai jamais vu bien entendu - et je trouvais cette légende extrêmement attrayante sur le plan littéraire et je me suis dit qu'au fond, n'ayant pas d'enfant - en général les parents racontent l'histoire familiale aux enfants, Grand-Papa, LA GRANDE INTERVIEW MAREK HALTER Propos recueillis par Julie Cadilhac Photo Jean-Marie Périer 1983: Marek Halter publie aux éditions Robert Laffont La mémoire d'Abraham qui devient un best-seller vendu à plus de 25 millions d'exemplaires dans le monde entier. 2011: Parution des deux premiers tomes de l'adaptation en bande dessinée du roman. De la genèse du roman à la publication de la bd, l'auteur revient sur cette formidable aventure littéraire, historique et personnelle et nous explique les enjeux de son ambitieux projet: brosser la vie d'une famille juive sur deux millénaires, raconter l'enquête d'un homme d'aujourd'hui qui souhaite remonter l'Histoire en suivant la trace de ses ancêtres depuis l'an 70 après J.C. Une rencontre pleine de sagesse au coeur de l'Histoire et de la Littérature qui ne manque ni d'humour et ni de modestie. Plus que jamais dans une société pressée et empêtrée dans une technologie aux progrès galopants, l'être humain a besoin de se rattacher à son passé, garde-fou des comportements égoïstes qui génèrent les mouvements nationalistes. Connaître son histoire, c'est renouer avec l'Histoire universelle des peuples qui ont dû apprendre à vivre ensemble depuis toujours. Transmettre cette vérité, partager sa culture, découvrir l'Autre et l'accepter avec ses différences, c'est le credo de Marek Halter, non seulement écrivain mais aussi président d'universités françaises et d'associations humanitaires, médiateur pour la paix au Proche-Orient, philosophe. Sa participation enthousiaste et passionnée à un projet de bande dessinée illustre une nouvelle fois sa volonté de lier le passé et l'avenir et prouve toute la modernité de ce conteur d'exception dont les récits sont parfumés d'horizons lointains, les personnages pétris d'humanité et le message empli de tolérance qui résonne tant dans nos âmes contemporaines que nous sommes extrêmement honorés de le recevoir dans La Grande Interview. Invitation à déchiffrer le passé pour rendre intelligible l'avenir, manuel de survie à l'usage des sages d'aujourd'hui. 7 - BSC NEWS MAGAZINE - N°35 - AVRIL 2011 8 - BSC NEWS MAGAZINE - N°35 - AVRIL 2011 Grand-Maman etc... - je me suis dit que si je pouvais retrouver les traces de cette famille à travers l'Histoire, je pourrais déjà partager avec les autres, juifs ou pas, le sens de l'histoire juive et la faire comprendre. En poursuivant la même interrogation que Chateaubriand dans un petit texte écrit en 1810, il y a deux siècles, qui se demandait après avoir visité Jérusalem: pourquoi ce petit peuple, le plus petit peuple de l'antiquité, seul, a survécu à travers des millénaires.. en gardant ses traditions, sa langue, son alphabet etc? Un jour, Max Gallo est venu nous rendre visite alors que nous étions, avec Bernard- Henry Lévy avec qui j'étais alors très proche, à la campagne; il travaillait à l'époque pour les éditions Robert Laffont et m'a demandé si j'avais un projet. Je lui ai dit : "Oui, j'ai un projet peut-être irréalisable: c'est raconter l'histoire d'une seule famille à travers deux mille ans." Il m'a dit que l'idée était formidable et m'a demandé si j'accepterais de venir avec lui voir Robert Laffont. Deux jours plus tard, il est revenu avec deux billets d'avion et on est allé voir Robert Laffont qui était un peu surpris de mon idée parce que je n'avais encore rien écrit à l'époque. J'avais en effet deux livres derrière moi mais pas extrêmement connus. Robert Laffont trouvait l'idée géniale et m'a demandé: "Pourquoi pensez-vous être plus à même de faire ce livre que d'autres écrivains d'origine juive qui ont plus d'expérience que vous?" Alors je l'ai regardé et lui ai répondu: "A cause de mon accent."...ça l'a fait rire et il m'a demandé de revenir le lendemain pour faire un contrat. C'était un contrat assez courageux puisqu'il savait que j'allais prendre plusieurs années pour écrire ce livre et il fallait me payer en plus. Et en effet, six ans après des recherches, des recherches policières d'une certaine manière, j'ai pondu ce livre de presque huit cents pages qui est devenu un énorme best-seller ( plus de cinq millions vendus à travers le monde sans parler des adaptations, des livres de poche etc...). Vous avez donc fait à la fois un travail d'historien et de biographe... Historien, biographe et un travail littéraire...vous savez, même si vous retrouvez les traces d'un des vôtres qui a travaillé avec Gutenberg, l'inventeur de l'imprimerie, en 1435 à Strasbourg, vous n'avez aucune information le concernant, vous avez seulement son nom. C'était un certain Gabriel dit le Halter : halter c'était un métier, le scribe, le gardien des registres; ça vient d'un mot allemand Halt, en anglais "to hold", qui signifie garder, les gardiens. Il fallait « Je pars du principe que quand on connaît l'histoire d'un groupe, on connaît aussi l'histoire universelle » 9 - BSC NEWS MAGAZINE - N°35 - AVRIL 2011 31 10 - BSC NEWS MAGAZINE - N°35 - AVRIL 2011 faire donc tout un travail littéraire pour donner à ce nom un visage, un destin. D'une certaine manière, on peut appeler mon roman un docu-fiction et ça a été reçu comme une innovation dans la littérature puisque ce n'était pas tout à fait une histoire et pas tout à fait un roman. C'était un documentaire revu par le conteur que je suis. Pensez-vous qu'avoir vécu au coeur de l'Histoire vous a permis, plus qu'à un autre, de pouvoir écrire l'histoire d'une famille juive sur deux millénaires? C'est possible. Je n'ai jamais été à l'école par conséquent jamais à l'université - encore que je dirige aujourd'hui des universités françaises. J'ai appris tout sur le tas, dans la rue et d'abord à partir des histoires de l'Histoire juive. Je pars du principe que quand on connaît l'histoire d'un groupe, on connaît aussi l'histoire universelle. Nous sommes tous les mêmes et surtout les Juifs éparpillés dans les nations car leurs histoires sont mêlées, liées, collées, entremêlées à l'Histoire des autres. C'est ainsi que François Mitterrand a pu écrire, un jour, qu'il avait découvert la France différemment à travers mon livre: il a découvert les juifs mainiers en France, ceux de Narbonne, les vignerons en Champagne - les gens ne savent pas que la plupart des Champenois qui produisaient le vin au 9ème, 10ème, 11ème siècle étaient juifs - les juifs pendant la révolution française et ainsi de suite...Du coup les gens ont découvert les juifs différemment, ont appris que les juifs étaient comme eux et qu'ils n'étaient pas des gens enfermés dans des synagogues et que la plupart d'entre eux ne sont même pas pratiquants...et pourtant ils sont juifs. Cette recherche-là a joué un rôle important dans ma vie car j'ai appris énormément. Une anecdote extrêmement émouvante? Je voyage beaucoup à travers le monde et j'étais il n'y a pas si longtemps en Californie pour promouvoir mon dernier livre sorti en Amérique "The jews' Odyssey" et il y avait des gens qui venaient vers moi en me disant : " c'est grâce à vous que nous avons découvert notre propre histoire", comme pour prouver que c'est à travers la fiction que peut-être on découvre le mieux l'Histoire. Au fond, dans Guerre et paix, on découvre mieux l'Histoire des guerres napoléoniennes que dans les bouquins d'Histoire car justement Tolstoï a mis en scène aussi bien Napoléon que le Tsar Alexandre ou le général koutouzov et ce sont des personnages qui nous sont devenus tout d'un coup familiers alors que lorsque vous lisez l'Histoire, ce sont des personnages abstraits dont vous parlez à l'école et que vous oubliez aussi sec. Deux visions s'opposent constamment dans cette fresque familiale: ceux qui souhaitent se battre et offrir leur sang et ceux qui pensent que négocier et rester en vie est l'ultime résistance vis à vis de l'oppresseur. Est-ce deux postures entre lesquelles vous vous êtes toujours senti tiraillé? Ce sont deux tendances qui ont toujours traversé le peuple juif. Mon grand-père Abraham, quand on l'insultait, il avait plutôt pitié de celui qui l'insultait parce qu'il trouvait minable quelqu'un qui n'avait trouvé pour seul moyen de s'affirmer que d'insulter un vieux juif ; et puis il y a ceux qui ne se laissaient pas insulter, qui disaient " il n'y a pas de raison" et qui cassaient la gueule à celui qui les insultait. Il y a donc deux cultures qui coexistent et qui ,peut-être , sont une des raisons de cette survie «C'est à travers la fiction que peut-être on découvre le mieux l'Histoire» 11 - BSC NEWS MAGAZINE - N°35 - AVRIL 2011
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