BSC NEWS MAI 2015 - Page 135 - BSC NEWS MAGAZINE - MAi 2015 - N°80 - Avec : Sarah messa, Ilhan Ersahin, Maly Siri, Noemie Waysfeld, Antonio Altaribba, Yana Bibb Dossier Spécial Comédie du livre de Montpellier 2015 ... 132 Vous avez un parcours de baroudeur. Qu’est ce que cela a apporté à votre musique ? J’aime essayer de nouvelles choses sans avoir peur de commettre une erreur. Je vis par la parole et j’aime tout autant l’expression : « Leap and the net will appear » en français : « Saute et le filet apparaîtra », comprenez que « si vous croyez vraiment en quelque chose, quelqu’un ou quelque chose sera là pour vous rattraper avant le crash ». Vous êtes tout de même écossais. Ainsi vous avez commencé à vous produire en Ecosse. Jusqu’où vos racines sont-elles implantés dans votre style musical ? Être écossais vous impose une identité forte que vous ne pouvez pas fuir. Je porte ce chapeau avec fierté et ce sera toujours le cas. Comment définiriez-vous en deux mots votre nouvel album Little Glass Box ? Il a été le meilleur album que j’ai pu créer à cette période de ma vie. On vous compare souvent à l’univers de Nick Drake. Qu’en pensez-vous ? J’adore la musique de Nick Drake et cette comparaison me flatte. Sa musique me met la larme à l’oeil. Alors être comparer à lui dans ces termes est pour moi le plus beau des compliments que l’on puisse me faire. Pouvez-vous nous éclairer sur le titre de cet album ? Le titre de l’album m’est venu durant un rêve que j’ai fait à propos d’un homme qui occupe un job sans avenir. Ce gars gardait l’espoir avec ses propres rêves qu’il mettait à l’abri dans un bocal en verre. Un jour, le bocal s’est brisé et ses rêves se sont échappés. Pourquoi avoir attendu 10 ans pour sortir Little Glass Box ? Je n’aime pas particulièrement précipiter les choses (sourires...). 133 J’ai cru comprendre que le début de votre carrière avait connu des moments difficiles. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ? Pourquoi ? Vous pouvez être désolé pour moi. Mais oui la vie n’a pas été facile pour moi. Mais c’était beau et enrichissant et je n’aurais pas voulu commencer ma carrière d’une autre façon que celle-là. À cette occasion, pouvez-vous raconter à nos lecteurs votre histoire avec le village français de Mirepoix ? Mirepoix était la ville la plus proche de celle où je vivais déjà avec ma femme et nos enfants avant de nous séparer. J’ai rencontré quelqu’un là-bas qui m‘a envoyé chez un éditeur à Paris. C’est maintenant mon éditeur, Metisse. Sans cela, je n’aurais sûrement jamais eu 134 un contrat avec un label. Que représente cet album dans votre carrière, Fraser Anderson ? Cet album signifie que j’ai une bonne équipe derrière moi qui croit fermement en ce que je fais. Pourra-t-on vous voir sur scène en France dans les semaines à venir, Fraser Anderson J’espère que je viendrai en France avec mon groupe pour une tournée, pour acquérir de l’expérience à travers ce pays magnifique. Fraser Anderson Little Glass Box Monochrome Records 135 A travers ses pièces uniques, Anne-Chantal Pitteloud tente de figer dans la terre les traces de ses émotions et de son monde onirique. Si elle a une nette prédilection pour la céramique, ses œuvres peuvent prendre aussi bien la forme d’installations, de dessins, de photographies que de pages d’écriture ou de vidéoprojections. Mêlant ces médiums variés, l’artiste invente d’étranges collections d’objets imaginaires qui invitent à d’insolites voyages. La multiplicité des matières la conduit inlassablement vers de nouveaux territoires. Bâtisseuse d’univers délicats, elle aime les manipuler, les transformer. Selon l’œuvre à réaliser et l’histoire à raconter, elle choisit celle qui lui semble la plus juste - raku, porcelaine, grès à haute température… Elle s’approprie les diverses terres, les modèle, les grave, leur donne une autre vie. Tout à l’accomplissement de sa vision, elle les scrute, les plie, les tord, les coupe, les structure, les édifie en traquant leurs moindres ressources. Ses créations en perpétuel dialogue avec la nature reflètent les marches en montagne qu’elle affectionne. La lente métamorphose des paysages l’amène chaque jour à porter son attention sur de nouvelles découvertes. Ainsi un fossile, une pierre… peuvent être le prétexte, le point de départ d’une œuvre. Au fil des saisons, elle procède à sa cueillette, ramasse ici des graines, là des fleurs et des tiges, et recueille différentes argiles qu’elle se plaît à tester. À leur tour, les formes sont prêtes à éclore. L’amour des matériaux qu’elle travaille apparaît comme primordial. « Je me sens vraiment plus à l’aise dans le volume car j’aime bien toucher ; j’aime la matière. » La terre permet une communion brute, primitive, sans détour avec la nature, exaltant ainsi les sensations : la peau qui touche ; la glaise qui est pétrie, étreinte. Créées à l’échelle des mains, ses sculptures invitent au contact direct et charnel. Chacune établit une relation immédiate et épidermique avec le spectateur consentant, qui du bout des doigts leur confère une autre existence. Dans un refus de l’univocité, ses objets se caractérisent par une alternance entre plusieurs registres stylistiques. Outre la géographie et la géologie, elle cultive un intérêt pour l’anatomie. Se côtoient, d’une part, des œuvres aux contours sensuels, qui évoquent des éléments corporels et végétaux et, d’autre part, des formes plus abstraites et silencieuses. Anne-Chantal Pitteloud Une terre aux résonances charnelles et spirituelles Par Julia Hountou ART 136 Anne-Chantal Pitteloud, Matrices II, 2009, grès enfumé, 24 pièces, installation murale 95 x 86 cm 137 Avec ses ribozomes, Anne-Chantal Pitteloud s’attache surtout à visualiser le corps dans son appréhension formelle, ouverte à toutes les transformations. Gonflés et protubérants, ils font penser à des fragments organiques, hésitant entre cœur, foie et fœtus. Dans des bocaux alimentaires, les pièces en porcelaine baignent dans un liquide plus ou moins trouble, parfois laiteux. L’artiste sollicite ainsi le contraste entre l’extrême raffinement de la matière, la nostalgie des pots de confiture et l’aspect cru, livide, quasi morbide des formes. Parfois des micro-organismes se développent dans l’eau. Ces manifestations fébriles du vivant sont revendiquées par la créatrice comme autant d’opérations essentielles au développement de l’œuvre. Celle-ci se déploie avec toutes ses ambigüités, son caractère poétique, suranné mais aussi inquiétant, voire repoussant. Statiques sous un certain angle, les ribozomes - habités par d’infimes mouvements qui ne cessent de faire et de défaire les apparences - sont autant de sculptures qui constituent un étrange bestiaire, un cabinet de curiosités insolite. L’analogie corporelle se prolonge dans ces organes imaginaires raccommodés, recousus, agrafés, dont Anne-Chantal Pitteloud joue aussi à soigner, à panser les blessures. Dans la continuité de cette série, les matrices, en grès enfumé, s’apparentent à des gangues boursouflées à la surface striée tel un épiderme. Ces enveloppes vides, abandonnées - évoquant de petits plâtres de membres ou la chrysalide désertée d’un insecte qui aurait mué - peuvent suggérer le nécessaire temps de gestation de l’individu avant qu’il advienne au monde, qu’il puisse créer et ainsi se réaliser. L’espoir est symbolisé par cette mutation de la vie, synonyme d’éclosion libératrice. L’artiste aime également explorer l’univers végétal à travers ses bulbes et ses cymatophores. Les ramifications et les germes qu’elle y adjoint évoquent des fruits secs, des graines, des tubercules fluctuant entre fossilisation et dissolution. Comme désagrégés et sédimentés, changés en concrétions minérales, ils semblent porteurs d’une Anne-Chantal Pitteloud, Cosmographies, 2012, Eau-forte, gedruckt auf Hahnemühle Bütten 300g, Auflage 6 + 1 e.a., 7.5 x 7,5 cm auf 68 x 38 cm 138 Anne-Chantal Pitteloud, Bulbes, 2009, grès enfumé, h.19 cm, 2 pièces 139 histoire ancestrale, voire universelle. Les couleurs de terre semblables aux strates géologiques subtilement mêlées sont privilégiées, tandis que des fragments noircis par la calcination, poudrés au noir de fumée, comme enduits de suie et parsemés de dépôts métalliques rappellent le triomphe du feu, couvrant toute chose sous d’épaisses cendres. Volontairement irrégulières et imparfaites, ces pièces sont exposées aux aléas de la cuisson. Craquelures, failles, fissures et autres scarifications et incisions révèlent l’irruption d’une force mystérieuse toute-puissante qui leur confère leur authenticité et leur unicité. Explorant les reliefs rugueux du raku et des argiles rustiques, le regard imagine un réseau de veines pris dans l’émail, semblable à celui des feuilles, des ailes d’insectes ou du corps humain. Comme pour nous rappeler que, si nos pieds foulent le sol terrestre, notre esprit s’évade dans l’espace infini, microcosme Anne-Chantal Pitteloud, Ribozomes, 2009-2012, porcelaine, installation de bocaux en verre 140 et macrocosme ne cessent de s’interpeller dans l’univers de l’artiste. Ses fossiles et ses constellations tirent leur forme essentielle du cercle, c’est-à-dire de la figure originelle du globe, pour en reproduire obstinément la ligne revenant à elle-même, reliant le commencement et la fin, jusqu’à ce que toutes les rondeurs décrivent un équilibre entre quiétude et mouvement. Placées au mur de façon aléatoire, ces formes stellaires nous entraînent dans une fascinante cosmogonie. Telle l’incarnation d’une énigmatique galaxie, ces spirales magiques invitent au voyage, à l’élévation spirituelle et à la méditation. En prenant possession de la terre, Anne-Chantal Pitteloud fait l’expérience de l’harmonie avec la Nature, en renouant le lien qui l’y rattache. Elle nous convie par là même à percevoir combien nous y sommes unis, certains d’exister, parce que nous en sommes issus. Le site officiel d’Anne-Chantal Pitteloup : www.anneloup.ultra-book.com Anne-Chantal Pitteloud, Fossiles 33/45 T, 2012, grès, diam. env. 17 cm., 35 pièces, installation murale, 90 x 160 cm. 142 LE BSC NEWS MAGAZINE décline toute responsabilité pour les documents qui sont envoyés ; les manuscrits et articles non insérés ne sont pas rendus. La vente et la location à titre onéreux du présent numéro sous quelque forme que ce soit est rigoureusement interdite. La reproduction, même partielle, de tous les articles, photos illustrations publiés dans le BSC NEWS MAGAZINE est formellement interdite. La marque BSC NEWS est enregistrée en France sous le n° 301202 auprès de l’INPI. 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