BSCNEWS AVRIL2012 - Page 1 - BSC NEWS AVRIL 2012 - Invité(e)s : François Busnel, Jean-Pierre Gibrat, Jamil Daklhia, Ida Sand, Isabelle de la Villefromoit, Adam Ross, Eric Emmanuel Schmitt 2 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 46 - AVRIL 2012 3 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 46 - AVRIL 2012 Couverture:Jean-PierreGibrat de NICOLAS VIDAL « De nos jours, l’audace, c’est de ne pas se laisser mener par la mode », c’est en ces termes que Nicolas Jonël, directeur de l’Opera de Paris s’exprimait dans les colonnes du journal Le Monde dans son édition du 19 avril. Je me réjouis que cette conviction soit encore suffisamment vivace pour continuer d’en faire avancer quelques-uns car elle est la condition sine qua non pour combattre et faire reculer la pensée unique. La place de la culture dans cette campagne électorale qui s'est déroulée a été réduite à la portion congrue. Hormis une position claire de presque tous les candidats sur la loi Hadopi, les propositions concernant la culture ont été bien silencieuses. Faut-il s’inquiéter du désintérêt de la classe politique pour le livre et plus précisément pour la l e c t u r e , v e c t e u r i m p o r t a n t d e l’émancipation intellectuelle, de l’affermissement de la pensée, de l’importance du libre arbitre si précieux à la démocratie. L’audace de cette élection présidentielle aurait été de proposer en complément d’une vision pour le pays une véritable stratégie pour démocratiser la culture auprès du plus grand nombre et ainsi donner un élan démocratique fort. Quoi qu'il en soit, nous continuons, de notre côté, à tenir nos engagements en vous proposant ce mois-ci un programme riche, passionnant, avec un parti pris assumé pour le talent et la découverte. Nous vous proposons de découvrir ou d’approfondir l’univers du célèbre dessinateur et scénariste Jean-Pierre Gibrat dans la Grande Interview du BSC NEWS. François Busnel nous éclaire sur son travail et sa place dans le Monde du livre, entre influence et passion, dans un entretien passionnant. Le Jazz Club accueille Ida Sand pour la sortie de son album, sublime. Vous retrouverez également une sélection littéraire variée et fouillée pour tous les goûts et toutes les sensibilités. Bonne lecture! La culture ne doit de NICOLAS VIDALL’édito pas devenir le parent pauvre de la politique ICI 4 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 46 - AVRIL 2012 Sommaire Illustration et BD Jazz Club Ida Sand Illustration Sophie de La Villefromoit Jean-Pierre Gibrat La Grande Librairie François Busnel 5 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 46 - AVRIL 2012 Sommaire Montréal Anne Baraou Catherine Voyer-Léger Essai Jamil Dakhlia Livre BD Cécilia Dutter 6 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 46 - AVRIL 2012 K La Grande Interview Propos recueillis par Julie Cadilhac Faut-il présenter Jean-Pierre Gibrat et énumérer la liste des albums qu'il a réalisés pour de nombreuses maisons d'édition reconnues dans la bande-dessinée mais aussi pour la presse? L'expérience empirique s'avère la plus pertinente pour parler d'un dessinateur et scénariste d'un tel talent et nous sommes ainsi ravis de vous présenter de nombreux dessins de l'artiste en partenariat avec la galerie Daniel Maghen. Dans l'entretien qui suit, nous nous sommes concentrés sur Le Sursis, Le Vol du Corbeau et les deux premiers volets de Matteo ; nous avons ainsi pris rendez-vous avec l'Histoire de la première moitié du XXème siècle ! Ouvrir un album scénarisé et dessiné par Jean-Pierre Gibrat déclenche une émotion dense, pétrie de nostalgie, qui ne tarit pas jusqu'à la dernière page. Les visages qui s'y promènent sont touchants de vérité tant l'auteur sait représenter avec justesse et sensibilité ce je ne sais quoi qui flotte dans les souvenirs. Et pour ne citer qu’eux: Cécile et Jeanne captivent le lecteur, noyé dans le bleu de leur regard, séduit par la grâce sensuelle et l'espiègle intelligence qu'elles baladent dans leur sourire ou le froissement de leur jupe tandis que Julien, François et Matteo, au menton saillant et à la générosité chevillée à l'âme ont le profil des 7 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 46 - AVRIL 2012 D'où est né votre goût pour l'Histoire? J'ai un intérêt particulier pour l'Histoire du XXème siècle et mes grands parents étaient militants sous le Front Populaire... ça a du y contribuer, forcément. Diriez-vous que l'Histoire est un formidable Ouvroir de Littérature Potentielle? qu'elle crée des ressources inépuisables pour l'imagination? L'Histoire est porteuse de choses surprenantes qui dépassent la plupart du temps l'invention; c'est une matière qui est d'une telle richesse qu'on ne peut qu'être tenté de s'en inspirer. Dans mes histoires, l'Histoire est toujours présente mais comme une toile de fond, c'est le cadre. Les moments un peu spectaculaires de l'Histoire révèlent les caractères, obligent à être dans l'exception: exceptionnellement médiocre ou exceptionnellement magnifique. Le Sursis et le Vol du Corbeau se déroulent durant l'Occupation... Justement pour ces raisons-là! C'est une période qui oblige les hommes à se révéler tels qu'ils sont. On ne peut plus se cacher, il y a des choix obligés à faire - pas pour tout le monde, c’est vrai, mais pour certains qui sont confrontés à des situations où l'on ne peut pas se permettre de se cacher derrière un discours et d'agir. Si quelqu'un frappe à votre porte et vous demande l'asile, il faut dire oui ou non et se décider tout de suite.... Et pourtant Julien se cache, ne prend pas vraiment part à l'Histoire... Il se cache ,oui, mais mon objectif n'était pas de montrer des hommes d'exception mais le caractère humain dans des moments d'exception. Le Sursis se déroule à la campagne tandis que le Vol du Corbeau se déroule à la ville. Etait-ce prémédité à l'avance, ce changement de cadre? Non, pas du tout! Le premier à la campagne s'est imposé parce que c'était une histoire que je portais depuis garçons d'ici-bas que l'on a envie spontanément d'étreindre. S'ils évoluent au coeur de l'Histoire, les personnages de Jean-Pierre Gibrat en sont des acteurs souvent simplement par nécessité mais qu'ils soient confrontés à la guerre, à la révolution ou qu'ils doivent se cacher durant l'occupation, leurs gestes restent empreints de bienveillance et d'humanité et l'amour, en suspens, électrise leurs heures . Si le dessin suffit à conquérir le lecteur ,le scénario en outre est mené avec intelligence et brio tant il entremêle l'Histoire et les histoires de façon captivante. La narration offre des scènes mémorables: sur les toits de Paris, dans les rues de Pétrograd en révolution ou au creux de la cabine d'une péniche qui tangue joyeusement sur les canaux de Paname. La prose de Jean- Pierre Gibrat , elle, est peuplée de métaphores judicieuses qui savent décrire la faiblesse humaine face à la force dévorante de la guerre ou la puissance d'une révolution en marche et s'y cachent de nombreuses phrases exquises d'un auteur qui a le sens de la formule! Rencontre avec un Grand Monsieur de la bande dessinée française pour lequel on ne devrait jamais avoir de problème de conjugaison avec le verbe aimer! 8 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 46 - AVRIL 2012 9 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 46 - AVRIL 2012 10 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 46 - AVRIL 2012 longtemps et du coup, lorsque j'ai décidé de faire un autre album sur la même période , j'ai eu envie de changer de cadre. Le Vol du Corbeau commence avec Paris sur les toits, un moment superbe et presque romantique à ciel ouvert...plus tard, Jeanne et François se réfugient dans une péniche... Oui, il y avait une envie de ces toits de Paris pour la question graphique, évidemment. Quand on est son propre maître d'oeuvre, on peut se permettre toutes les envies autant du point de vue de l'histoire que du cadre. Quant à la présence des canaux et de l'épisode de Jeanne et François sur la péniche, ça vient de loin. Des années auparavant, j'avais loué une petite péniche pour remonter les canaux et je m'étais dit que c'était un monde tellement à part qu'il faudrait un jour que je l'intègre dans une histoire. Dans le Vol du Corbeau, je me suis trouvé confronté à un problème de récit, je me demandais où pourrait se cacher Jeanne et je voulais un endroit un peu atypique ( pas un grenier ou une cave..) et j'ai pensé à la péniche et là c'était l'occasion rêvée! C'est marrant comme parfois on porte des envies comme ça et elles éclosent à un moment donné comme des évidences. L'épisode des toits comme le monde des mariniers, ça a beaucoup de charme forcément. Vo u s s e m b l e z a p p r é c i e r l e s fi n s pathétiques....or le Vol du Corbeau s'achève sur une note d'espoir: est-ce un moment de faiblesse du scénariste qui a eu un peu pitié de ses personnages? Alors figurez-vous qu'au début la fin était un peu radicale elle aussi et puis autour de moi, on m'a dit "attends, tu ne vas nous faire le même coup à chaque fois"(rires). C'est vrai que j'avais une façon un peu désinvolte d'élaguer les personnages et je me suis dit qu'il ne fallait pas que j'en prenne l'habitude et que le lecteur finirait par s'en lasser certainement... Le Sursis, c'est une année volée au destin? Une année innocente après laquelle la mort reprend ses droits? Ne quitte-t-on pas un peu le réalisme ici? Pèse en effet une fatalité terrible...il y a un côté tragédie grecque, non? Il n'y avait pas là de préméditation mystique là-dedans.C’est juste l’idée d’une mécanique face à laquelle on est impuissant. Cela arrive dans la vie ce genre de paradoxe : des gens 11 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 46 - AVRIL 2012
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