Premieres pages de serafina - Page 2 - Premières pages de Moi, Lorenza, alias Serafina Cagliostro © Éditions Chèvre-feuille étoilée 34080 Montpellier bureau@chevre-feuille.fr http://www.chevre-feuille.fr/ novembre 2015 ISBN : 978-2-36795-099-0 Texte intégral Texte original Lorenzas dagbok: skriven 1786-89 av grevinnan Cagliostro (Alba, 1990) Lorenza’s diary (non publié à ce jour) serafina.qxp_serafina 18/08/15 18:43 Page4 Britt Arenander Moi, Lorenza, alias Serafina Cagliostro TRADUIT DE L’ANGLAIS PAR SOPHIE TAAM serafina.qxp_serafina 18/08/15 18:43 Page5 serafina.qxp_serafina 18/08/15 18:43 Page6 7 Introduction Il serait fort tentant de commencer ce livre par une supercherie, du style : « Il y a quelques années, au cours de la restauration d’un vieil immeuble près de la Piazza Farnese à Rome, un manuscrit datant du XVIIIe siècle fut retrouvé, habilement caché et en bon état. Il se révéla être un journal intime, tenu par la femme du magicien légendaire Cagliostro. La découverte fut d’autant plus surprenante que Serafina Cagliostro, alias Lorenza Feliciani-Balsamo, avait toujours été considérée comme illettrée, même si, de temps à autre, il fut insinué qu’elle a pu apprendre à lire et écrire au cours de sa carrière internationale. Il semblerait que Serafina, contrairement à son mari, était douée pour les langues et parlait très bien le français… » Mais par souci de vérité, il faut stipuler ici que le journal de Lorenza est fictif, ce qui ne signifie pas qu’il n’est pas basé sur des faits avérés. Dans la très vaste littérature portant sur Cagliostro, sa femme est presque toujours traitée de manière sexiste et condescendante. Elle est réduite à une créature facile, comploteuse et sournoise, ou exactement son opposé, un parangon surnaturel de vertu. Avec une représentation si fragmentaire, contradictoire et si peu serafina.qxp_serafina 18/08/15 18:43 Page7 8 corroborée, il fut toujours difficile de se faire une opinion sur le genre de femme que l’épouse du « divin Cagliostro » était réellement. Ici, deux cents ans plus tard, elle a enfin l’occasion – certes fictive – de s’exprimer en personne. Le journal fictif commence en janvier 1786, au moment où le couple Cagliostro se retrouve emprisonné à la Bastille, accusé d’agissements dans l’affaire dite « du collier », considérée par beaucoup comme un prélude qui contribua à la Révolution Française. Les dernières notes datent de novembre 1789, environ un mois après qu’Alessandro et Serafina Cagliostro furent arrêtés à Rome par ordre du Pape. Puisque le Journal commence alors que l’étoile de Cagliostro atteint son zénith en Europe, puis accompagne le couple dans ses péripéties tortueuses vers sa fin tragique, il n’est pas inutile de fournir un résumé des vies d’Alessandro et Serafina Cagliostro jusqu’à leur emprisonnement à la Bastille. Le Comte Alessandro Cagliostro, de son vrai nom Giuseppe Balsamo, alchimiste, magicien et guérisseur, Grand Maître du Rite Égyptien, qu’il avait lui-même conçu et fondé (et qui continue jusqu’à nos jours d’avoir des adeptes) naquit le 2 juin 1743 dans un quartier pauvre de Palerme, en Sicile. Un groupe restreint et singulier de chercheurs sur Cagliostro continue de clamer depuis des années que tout soupçon de lien entre le Grand Maître Cagliostro et l’escroc Balsamo est infondé. Ils prétendent que cela ne serait qu’une campagne de diffamation du Vatican pour calomnier l’homme considéré comme l’un des meneurs du mouvement inquiétant et interdit des francs-maçons. Cependant, il existe beaucoup trop de faits contredisant la thèse de ces dévots qui indiquent, sans aucun doute possible, que Cagliostro et Balsamo ne faisaient bel et bien qu’un seul homme. serafina.qxp_serafina 18/08/15 18:43 Page8 9 Giuseppe Balsamo fut renvoyé à l’âge de quinze ans du couvent Benfratelli à Caltagirone, en Sicile (on dit que, pendant la messe, il substituait aux noms des saints ceux de prostituées notoires) et s’en alla gagner sa vie comme illustrateur, faussaire et imposteur. Démasqué lors d’une escroquerie de grande envergure, il dut s’échapper de Palerme et se réfugier à Messina où il déclare avoir rencontré un homme mûr nommé Althotas, un magicien et alchimiste qui l’emmena dans un long voyage initiatique à travers Rhodes, l’Égypte et Malte. Quand Althotas mourut à Malte, le jeune Balsamo partit pour Naples où il devint le protégé d’un noble, Aquino, lui aussi intéressé par la magie et l’alchimie, comme beaucoup d’aristocrates de cette époque. Certains spécialistes de Cagliostro prétendent qu’Aquino fut en fait le premier Maître de Cagliostro et qu’Althotas n’a jamais existé. En 1768, Giuseppe Balsamo arriva à Rome. Là, le 20 avril, il épousa Lorenza Feliciani, la fille d’un simple artisan du quartier Trastevere, alors âgée de quinze ans. Beaucoup allèguent que Lorenza était déjà une prostituée quand elle rencontra Giuseppe et il est vrai que leur première rencontre eut lieu dans la maison d’une voisine des Feliciani, une femme napolitaine qui tenait un bordel dans la Via dei Pellegrini. Cependant, il n’est pas impossible que Lorenza ait simplement effectué une visite de courtoisie à sa voisine au moment où le jeune Balsamo était présent, coïncidence qui changea leur destin à tous deux. En revanche, ce qui est incontestable, c’est que Lorenza démarra une carrière comme courtisane peu après son mariage. Les témoins sont unanimes sur sa beauté remarquable : blonde, yeux bleus, des formes attrayantes, dégageant un charme suave et irrésistible. serafina.qxp_serafina 18/08/15 18:43 Page9 10 Par l’entremise de son mari, elle devint la maîtresse de l’ambassadeur de l’Ordre des Chevaliers de Malte à Rome, un certain Lord Bretwill, agissement qui poussa le père de Lorenza à dénoncer son beau-fils à la police pour proxénétisme. Ce fut l’un des motifs du départ précipité du couple de Rome, vers la fin de 1768, l’obligeant à s’embarquer dans son interminable périple à travers la France, l’Espagne, le Portugal et l’Angleterre, vivant parfois dans l’aisance protégé de riches nobles et banquiers, et d’autres fois éprouvé par la pauvreté et la misère. C’est pendant leur deuxième séjour à Londres, en 177678, qu’ils adoptèrent le nom de Cagliostro, le nom de jeune fille de la mère de Giuseppe Balsamo. Lorenza changea son prénom en Serafina, tandis que Giuseppe conserva le sien, se faisant passer pour un colonel du troisième régiment de Brandenburg. À Londres, Giuseppe fut initié au mouvement maçonnique, qui se propageait alors rapidement à travers l’Europe. Certains pensent que Serafina fut également initiée, mais cela semble peu probable car les femmes étaient explicitement exclues des loges maçonniques. La carrière de Cagliostro démarra véritablement avec son initiation comme franc-maçon, d’autant plus qu’il eut la chance de découvrir, dans une librairie londonienne, un manuscrit qui avait appartenu à un certain George Coston (ou peut-être Cofton) qui traitait d’une forme de franc-maçonnerie inspirée par d’anciennes légendes égyptiennes. La version révisée de ce document allait devenir ultérieurement le fameux Rite Égyptien du Comte Cagliostro. De retour sur le continent, le colonel autoproclamé rendit visite aux loges maçonniques en Allemagne et aux Pays-Bas et commença à se faire un nom comme docteur, serafina.qxp_serafina 18/08/15 18:43 Page10 11 alchimiste et magicien. Il prétendait être capable de guérir les maladies les plus incurables, élargir les perles, fabriquer de l’or et ramollir l’ambre et le marbre. Pendant ses séances, il disait entrer en contact avec les sept archanges qui lui permettaient de voir dans l’avenir et le passé et de convoquer les défunts. Selon certaines informations, il apprit la plupart de ces talents avec un certain Herr Schröder à Marburg en 1779. Schröder avait fondé un ordre Rose-Croix et également ouvert une école de magie, théosophie et alchimie dont Cagliostro aurait suivi l’enseignement. Par conséquent, il est possible que ce soit Schröder qui l’ait initié aux Rose-Croix, bien que d’autres spécialistes de Cagliostro affirment qu’il a été introduit dans ce mouvement mystique par le Comte Saint Germain. Le Comte Saint Germain fut le précurseur de Cagliostro. Il vivait à la Cour de Louis XV et avait la réputation d’être capable de convoquer dans son miroir magique non seulement les reflets de personnes décédées, mais aussi d’événements à venir. On dit qu’il terrorisa Louis XV presque jusqu’à la folie en lui montrant le cadavre de son fils et successeur décapité dans le miroir. D’Allemagne, le couple Balsamo-Cagliostro voyagea jusqu’à Mitau, la capitale de la Courlande (actuellement la Lettonie). Là, Giuseppe apparut comme Comte Alessandro Cagliostro, d’origine inconnue, vaguement orientale, née dans les cercles haut placés d’Égypte et formé aux sciences médicales à Médina ; sa femme Serafina se présenta comme une femme de noblesse romaine. Malgré son grand succès à Mitau, où il fut reçu comme un oracle par les membres de l’aristocratie intéressés par l’occultisme, Cagliostro partit après seulement quelques mois et fit route vers Saintserafina.qxp_serafina 18/08/15 18:43 Page11 12 Pétersbourg, dans l’espoir que l’impératrice Catherine II, alors favorablement disposée envers le mouvement maçonnique, sanctionne officiellement et favorablement son rite égyptien. Mais bien qu’il se fît un allié du Comte Alexandre Potemkin, le favori de l’Impératrice (et, selon certaines sources, aussi l’amant de Serafina), Cagliostro ne fut jamais reçu à la Cour. Il quitta la Russie, frustré et quasiment indigent, pour Varsovie, où il eut plus de chance. Le couple fut invité à résider avec le Comte Adam Poninski dans son manoir, Vola, non loin de la capitale, et, avant de quitter la Pologne, ils furent reçus par le Roi Stanislas II, lui-même franc-maçon. Quand Alessandro et Serafina Cagliostro atteignirent Strasbourg en 1780, leur réputation les avait précédés et ils furent reçus avec un enthousiasme délirant. Presque immédiatement, le grand magicien et guérisseur était assailli de patients qu’il soignait gratuitement tout en distribuant de grosses sommes d’argent aux nécessiteux. En un rien de temps, il fut considéré comme un nouveau sauveur par le peuple. À Strasbourg, Cagliostro noua aussi des contacts utiles dans les sphères les plus influentes, avec des banquiers, des propriétaires d’usines, des nobles, et surtout, avec l’Archevêque de Strasbourg, le Prince Louis René Edouard de Rohan, cardinal et chapelain à la Cour Royale de Versailles, un homme parmi les plus riches (et très dépensier), ardemment intéressé par l’alchimie, la magie et l’occultisme. Comme Cagliostro avait été reçu par la royauté aussi bien à Mitau qu’à Varsovie, il y a toutes les raisons de supposer qu’il convoitait d’être présenté à la Cour française, la plus brillante d’Europe, et qu’il comptait sur le Cardinal de Rohan pour atteindre cet objectif ambitieux. serafina.qxp_serafina 18/08/15 18:43 Page12
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