Premieres pages de Coulisses de Caroline Fabre Rousseau_Chevre feuille etoilee 2 - Page 6 - Premieres pages de Coulisses de Caroline Fabre Rousseau_Chevre feuille etoilee CARoline FABRe-RousseAu en coulisses Apparences et dépendances sPeCtACle vivAnt Coulisses de Caroline Fabre Rousseau.qxp_Mise en page 1 30/08/2017 15:25 Page5 ©éditions Chèvre-feuille étoilée 2017 Montpellier contact@chevre-feuille.fr http://www.chevre-feuille.fr/ octobre 2017 isBn: 978-2-36795-124-9 Coulisses de Caroline Fabre Rousseau.qxp_Mise en page 1 30/08/2017 15:25 Page6 Si vous pensez que l’aventure est dangereuse, je vous propose d’essayer la routine, elle est mortelle. Paolo Coelho Coulisses de Caroline Fabre Rousseau.qxp_Mise en page 1 30/08/2017 15:25 Page7 Pour Murielle, une amie, une artiste, une complice… Coulisses de Caroline Fabre Rousseau.qxp_Mise en page 1 30/08/2017 15:25 Page9 11 1 danse J’ai toujours été nulle en danse. Mes premiers pas remontent à la prime enfance. Je préfère jouer à la marelle. Avec elle, je monte au ciel. J’avais cinq ans, quand ma mère s’est mis en tête de m’inscrire à un cours de danse très chic, au vésinet. désir d’une éducation parfaite, rapidement fracassée sur les limites de mon agilité. J’essayais désespérément de me transformer en arbre, en fleur, en rocher et de recueillir l’approbation de mes pairs, de mon professeur, ou de mes parents. Peine perdue : le pauvre sourire de ma mère, les moqueries de mes camarades, le dédain de mon Coulisses de Caroline Fabre Rousseau.qxp_Mise en page 1 30/08/2017 15:25 Page11 12 professeur détruisaient peu à peu la tranquille insouciance de mes cinq ans. J’ai cru être délivrée de cette épreuve par notre déménagement à Aix-les-Bains. Hélas, ma mère voulut y croire encore ! elle m’acheta le justaucorps rose, les collants impossibles à mettre et les ballerines assorties. Je dus me plier de nouveau à cette discipline déprimante, tenter de mémoriser les positions, admirer les élèves graciles et naturellement douées du premier rang et surtout, cacher soigneusement l’accoutrement honteux sous mes livres de classe, de peur que mes camarades d’école ne découvrent le déguisement. Mon seul plaisir dans ce cauchemar était la perspective du pain au chocolat que j’achetais en chemin, pour prendre des forces avant l’épreuve. J’ai dû supporter ce régime démoralisant pendant deux ans. un nouveau déen Coulisses Coulisses de Caroline Fabre Rousseau.qxp_Mise en page 1 30/08/2017 15:25 Page12 13 ménagement à la Motte-servolex me sauva définitivement du désastre. J’ai donc toujours considéré les danseuses avec crainte et fascination. Pour m’encourager dans mes ou plutôt ses efforts, ma mère m’avait présentée à une ancienne danseuse nostalgique de ses jeunes années, qui me montrait en veuxtu en voilà des photos en noir et blanc de ses plus grands rôles. l’éclairage théâtral, le maquillage appuyé, les cheveux impeccablement tirés en chignon augmentaient en moi l’effroi de Gulliver devant les géants. l’ancienne danseuse, mère de quatre garçons, scandait les images d’une rengaine mystérieuse, dont je n’ai compris le sens que bien plus tard : « Ça me donne le cafard tout ça. le cafard. » Bref, vous l’aurez compris, j’associai rapidement la danse à l’effroi, à la tristesse, au sentiment d’impuissance. en Coulisses Coulisses de Caroline Fabre Rousseau.qxp_Mise en page 1 30/08/2017 15:25 Page13 14 Pour me réconcilier avec cet univers sévère, ma mère m’emmena à une représentation de Béjart. Pas de chance, le spectacle était en plein air et la pluie l’interrompit rapidement. Bien plus tard, une amie m’offrit une place pour un ballet de William Forsythe. Je découvris avec stupeur des gens libres et heureux de danser, souriants, naturels. Je me réconciliai aussi avec mon corps en apprenant à danser le rock. Musicienne, j’avais le rythme. Mince, je ne pesais pas lourd pour les passes acrobatiques. Bonne élève, j’en mémorisais beaucoup et recueillais enfin l’approbation qui m’avait cruellement manqué pendant les tentatives infructueuses de mes premières années. Puis, comme bon nombre de mes contemporains, j’eus un jour une méchante hernie discale. la crise passée, je en Coulisses Coulisses de Caroline Fabre Rousseau.qxp_Mise en page 1 30/08/2017 15:25 Page14 15 me mis au stretching postural. et je découvris alors une professeure fantastique, à l’écoute de tous ces corps amateurs, parfois cabossés, toujours un peu complexés, souvent raides comme des piquets. Patiemment elle les allégeait, les renforçait, les détendait, les musclait, les assouplissait. nous devînmes amies. Murielle Bellin était aussi chorégraphe. J’assistai médusée à ses spectacles où alternaient humour, poésie, émotion et virtuosité. entre-temps, j’étais devenue écrivaine. et c’est ainsi qu’un jour elle me demanda d’écrire les textes d’une pièce de commande. elle avait aimé mes premiers romans. Mon écriture visuelle l’inspirait, disait-elle. le sujet m’enchanta : vanités. J’acceptai, un peu inquiète tout de même à l’idée de faire danser sur mes textes, moi en Coulisses Coulisses de Caroline Fabre Rousseau.qxp_Mise en page 1 30/08/2017 15:25 Page15 qui n’avais pas su répondre aux attentes artistiques de ma mère. Murielle me rassura. il est vrai qu’elle n’a peur de rien. C’est une danseuse tout terrain, capable de mettre la main à la pâte d’une bande musicale, mue d’inspirations subites, qui lui permettent d’atteindre un but dont elle seule a l’intuition. Je décidai de vivre l’expérience comme un jeu. Cela me rappelait un autre versant de mon enfance, plus gratifiant cette fois-ci : la mise en scène impromptue de mini scènes de théâtre, dont certaines ont été filmées par mon père, notamment un duel mémorable qui laissa deux veuves de six et neuf ans pleurant avec conviction sur les corps de pirates fauchés en pleine fleur de leurs huit ans. déjà, la brièveté de la vie me paraissait un sujet digne d’intérêt… en Coulisses Coulisses de Caroline Fabre Rousseau.qxp_Mise en page 1 30/08/2017 15:25 Page16
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