EE 55 Legerete - Page 180 - Revue Etoiles d'encre n°s 55-56 : Légèreté étoiles d’encre (178) d’un art, l’autre Tête de Marguerite Lamy (1955-1957) Bronze noir H 44 x L 17 cm Dans les années cinquante la peinture abstraite influence les arts. Germaine Richier reste en marge car elle ne cherche pas à exprimer des concepts mais à expérimenter le contact avec le vivant, conjuguer réel à surnaturel. Du reste, elle s’attache à revenir fréquemment au portrait comme pour faire des gammes. Une massive tête d’Apollon claustré dans une colère noire, signée Bourdelle, fait pendant à la fluette Tête de Marguerite Lamy, lustrée d’ébène. Portrait réaliste, à première vue. Pourtant examiné en détail, le doux visage délié de Marguerite est creusé de houles. La chevelure relevée dissimule une échancrure qui fend le crâne. La tête, perchée sur un très long cou façon tronc creux percé de trouées ourlées, et plus étroit à la base, ressemble de loin à un arbre qui marche. Sous un autre angle, le visage, tendu en figure de proue, regard mouvant sous la paupière, narines frémissantes, semble vibrer au flux des courants d’air de vie qui le traversent. Sculpture gorgée de turbulences à l’encontre de la statuaire en bronze habituellement scellée sous vide. Il paraît que tout portrait comporte 50 pour cent de ressemblance avec son auteur ; cela nous dit combien Germaine Richier a la nature en tête ! Ce portrait synthétise les fluctuations artistiques de la créatrice entre tradition et avant-garde. Germaine Richier, artiste visionnaire, transmute la matière en poésie du surréel. Art âpre d’une âme sensible qui a vécu les désastres des deux guerres mondiales et se blinde d’une armée de bronzes, métaphoriques de la nature du genre humain. Devant une sculpture de Germaine Richier tu sens que c’est interne, exactement comme devant une personne vivante, déclarait César, son élève. 6 ee 55 d'un art l'autre_Mise en page 1 24/09/2013 18:19 Page 178 Dialogue entre Huguette Bertand, poète et Marie-Lydie Joffre, artiste J’ai pas envie d’être sérieuse ces temps-ci. Juste faire les choses très sérieusement. HB Murmures mur à mur Y’a de tout sur les murs des murs colorés de mots des murs à photos et à tableaux des murs à musiques lointaines des murs à confidences des murs à complaisances des murs des murs des murs à poèmes édifiés des murs surréalistes des murs en attente du jour des murs partagés de souhaits des murs affolés et résistants des murs des murs des murs en ascenseur des murs aux aguets des murs partagés dans le tournis des jours des murs assoiffés de confidences des murs de sentiments éperdus des murs des murs 6 ee 55 d'un art l'autre_Mise en page 1 24/09/2013 18:19 Page 179 des murs attendris des murs languissants des murs partagés des murs amoureux des murs encombrés des murs des murs Et au-delà des murs des êtres comme toi et moi Huguette Bertrand Mur de poésie à rayures ! Sensations graphiques. Un mur construit au cordeau, armature à colonnes fondée sur la racine du moi. Mur d’équerre à angles vifs auxquels s’adossent les pensées pour prendre leur envol. Paroi d’ascension minérale entrouverte au baroque des nostalgies. Arbremur qui porte les rameaux des sentiments du côté du vent. L’échelle escalade l’avalanche des mots ; à terre le fragile humain. Des résonances de calligraphies enluminent de contrastes la mosaïque. Les régulières s’allient aux singulières en une complainte obsessionnelle, lancinante, primesautière. Liante comptine de sonorités qui égrainent, coulent, fuguent dans le vertige… Marie-Lydie Joffre …et la repro d’un dessin d’arbre de 2003 qui me fait penser à l’architecture du poème. ML étoiles d’encre (180) d’un art, l’autre 6 ee 55 d'un art l'autre_Mise en page 1 24/09/2013 18:19 Page 180 Dans ton dessin, je vois en filigrane des ombres humaines en descente alors que les branches semblent grimper vers la cime. HB 6 ee 55 d'un art l'autre_Mise en page 1 24/09/2013 18:19 Page 181 étoiles d’encre (182) d’un art, l’autre Voici un de mes poèmes les plus récents qui frôlent la légèreté par excès de mémoire d’un bout à l’autre sans raison. HB D’un bout à l’autre Je ne compte pas les feuilles mortes que l’automne assassine sous le regard des passants Je ne compte pas les mots que mes doigts multiplient pour arrondir le temps Je ne compte pas l’argent que les riches empilent devant les tourments Je ne compte pas les passants ni le temps ni les tourments J’élargis l’espace entre les mots pour laisser passer le vent devant une pile de feuilles mortes Huguette Bertrand www.espacepoetique.com/ 6 ee 55 d'un art l'autre_Mise en page 1 24/09/2013 18:19 Page 182 Pouvoir marcher sans tromper l’oiseau du coeur de l’arbre à l’extase du fruit René Char ( in A la santé du serpent 1954) Rémanence D’une saison à l’autre le songe s’en échappe. Interpelés les marcheurs s’interrogent : Qui vivait en cette demeure aux fondations émoussées aux éboulis épars de pierres sèches ? On devine l’entrée du jardin avec l’accueil du gardien solitaire - l’imposant cyprès bien droit levé vers le ciel. Il courbe sa cime au gré des facéties du vent. Un nouveau songe s’échappe des murs disparus dans la vibrante lumière, alors que moutons et chèvres broutent sur leurs restes, les égaillant de la musique 6 ee 55 d'un art l'autre_Mise en page 1 24/09/2013 18:19 Page 183 étoiles d’encre (184) d’un art, l’autre des cloches pendues aux cous des bêtes de tête. Un couple s’est assis là, à l’abri d’un muret. Ils déjeunent sur l’herbe, s’embrassent et s’alanguissent, la douceur du lieu les y invite. Courte halte car l’après-midi avance : Des heures à venir à parcourir des kilomètres de nature. Ils repartent, leurs pas vacillent sur les pierres instables du chemin, la femme et l’homme. Ils tournent leurs regards, adieu muet vers cette complice de leur amour. La frondaison bientôt fera rempart. Christine Jouhaud-Mille étoiles d’encre (184) d’un art, l’autre 6 ee 55 d'un art l'autre_Mise en page 1 24/09/2013 18:19 Page 184 (185) légèreté Christine Jouhaud-Mille a choisi un croquis de Marie-Lydie Joffre en résonance au poème. Cyprès du Jardin des Plantes de Montpellier. 20 juillet 2012. Graphite sur papier Japon Calligraphie Clairefontaine 24 x 30 cm. 6 ee 55 d'un art l'autre_Mise en page 1 24/09/2013 18:19 Page 185 ©MitaVostok,Lessive5,530x60cm,contrecolléesurDibond. 6 ee 55 d'un art l'autre_Mise en page 1 24/09/2013 18:19 Page 186 Sur le fil sur le fil de l’aube au zénith journée accablante terrasse habitée gynécée en veloutes le kanoun forge de vulcain accomplit son labeur lentement et toi Zhora de tes doigts inlassables tu attendris l’étoffe rétive jetée sur le bois strié solitude laborieuse ton sourire d’or souligne le sommet de ta joue marquage bleu l’énigme d’un point dira ta lignée des monts de Kabylie un jour descendue bientôt le soleil fidèle compagnon tâche en partage soutiendra le drap de lin déposé haut qui sous les mains de la mère et de la fillette cascades réglées savantes pliures inscrira dans l’air absent la fin d’une journée immaculée rivale de la Ville Blanche L’Eternelle Mita Vostok in Petite suite maghrébine Paru au printemps 2013 6 ee 55 d'un art l'autre_Mise en page 1 24/09/2013 18:19 Page 187
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