La revue 100 Numero 20 - Page 2 - La revue 100% Auteurs d'octobre 2 Sommaire - Couverture : Michèle SEBAL - Billet du mois : Grégoire MULLER, page 3 - Nouvelle : Les grottes pétrifiantes de Dan MARRON, page 6 - Portrait : Armelle CARBONEL par Marie BARRILLON, page 16 - Chronique : CriminalLoft d’Armelle CARBONEL par Marie BARRILLON, page 18 - Entretien : Avec Armelle CARBONEL par Marie BARRILLON, page 22 - Poésie : Mon amour d’Eve RAMDANI, page 28 - Chronique : L’interdit suivi de raisons et déraisons de la poésie de Salah Stétié par Fanny LEBEZ, page 29 - Poésie : D’amour de Sandra LILLO, page32 - Auteur à suivre : Les mains coupées de Claire ROIG, page 34 - Jeunesse : Mio est amoureuse de Fabienne LUX par Marie BARRILLON, page 35 - Auteurs My Major Company, page 37 - Appel à texte : NL Edition Numérique, page 42 - Salon : Salon du livre de Somain, page 43 - Concours littéraires, page 44 - Participations, page 45 - Livre du mois : Béatitude des mal-pensants de Raphaël TAYACHI par Grégoire MULLER, page 46 - Partenaires : page 49 3 Billet du mois : La lecture plaisir. Dernièrement en entrant dans une librairie, mes yeux se sont portés sur le titre «1001 livres qu'il faut avoir lus dans sa vie». 1001 livres ? Peut-on dans une vie, lire 1001 livres ? Ça me paraît hélas bien difficile ! Alors autant vous dire que 650 livres pour une rentrée littéraire, c'est une véritable aberration, comme le dit si bien le précédent édito. De plus la lecture est en baisse constante chez les plus jeunes, surtout chez les garçons d'après les dernières études parues et il semblerait que c'est « boloss » de lire. Pourtant, depuis quelques mois fleurissent sur internet de nouvelles modes, comme par exemple celle des jeunes blogueuses littéraires qui investissent Youtube. Elles sont encore mineures et lisent des livres de leur âge, à base de vampires, « d'amour de vacances, d'histoire sans lendemain mais à laquelle on repense les yeux pleins de chagrin...» (Christophe Rippert) et du Marc Levy ou du Guillaume Musso mais aussi il est vrai quelques classiques. Là, n'est pas le problème, elles transmettent plutôt bien leur passion pour la littérature. Oui, mais voilà, on peut se poser la question ; si la quête de performance et de compétition qui touche notre société (être le plus maigre possible, être le plus fort possible, être le plus performant, être le plus intelligent possible, être le plus diplômé possible, gagner le plus d'argent possible...) ne toucherait pas ces jeunes gens ? Je m'explique, il suffit de taper sur youtube « C'est lundi que lisezvous ? » pour voir des centaines de vidéos avec des jeunes filles et 4 plus rarement des jeunes hommes (méfiez-vous de l'un d'entre eux, complotiste et antisémite) qui chaque lundi disent ce qu'ils ont lu dans la semaine précédente, ce qu'ils ont acheté dans la semaine et ce qu'ils comptent lire dans la semaine à venir. Ainsi on constate une chose, il est presque inconcevable pour ces jeunes gens de ne pas avoir lu du tout dans la semaine ou alors seulement un livre, ils en sont presque malades et s'excusent tout au long de la vidéo. Parfois ils peuvent en lire une dizaine en seulement une semaine. Dernièrement, il y a eu un concours : celui de lire en quelques jours 5000 pages pour gagner un livre. Il existe également cette mode de montrer sa PAL (Pile A Lire) qui compte parfois des centaines d'ouvrages. Lorsque j'étais petit, un de mes rêves était celui de dormir tel un loir dans une montagne de livres comme dans les BD de Gaston Lagaffe ou de posséder une bibliothèque à l'image du Duc d'Aumale dans le château de Chantilly. Ma bibliothèque est finalement assez modeste à 30 ans, mais je sais que chaque livre représente une part de ma vie et de bons souvenirs ou de moins bons (mais c'est plus rare). Une œuvre littéraire doit se lire à sa façon, rapidement ou lentement, je sais que lorsque je suis fatigué, je suis incapable de lire un livre sérieusement car je ne retiens pas grand chose. La lecture doit se savourer et il m'est aussi impossible de lire deux livres le même jour, car si le premier me touche énormément, il me faut un certain laps de temps pour continuer de m’imprégner de cette douce sensation d'émerveillement face à des mots, des phrases, un style, une histoire. Je trouve cela très inquiétant, les personnes qui planifient leur vie et surtout leur loisir. Tout comme faire l'amour, la lecture doit rester quelque chose qu'on ne planifie pas, on a le droit de ne rien lire en 5 une semaine, on a le droit de lire le matin et pas le soir, on a le droit de lire et arrêter quand on en a envie. Peut-on réellement apprécier les histoires, les messages contenus dans les livres lorsqu'on en lit une dizaine en une semaine ou 5000 pages ? N'est-ce pas une sorte de boulimie ? Nous ne sommes pas dans un concours de hamburgers ou de saucisses à avaler en très peu de temps. Notre vie est suffisamment réglée pour qu'en plus on doive planifier nos loisirs ! De même ce n'est pas la taille de la pagination qui compte, mais la qualité littéraire. Un exemple ? Le Petit Prince d'Antoine de SaintExupéry = 100 pages (avec les illustrations). Ne soyons pas des Madame Bovary, la lecture c'est bien mais elle ne doit pas devenir une aliénation surtout si on y perd tout plaisir. On ne pourra jamais tout lire, c'est probablement triste, mais c'est ainsi, gardons un objectif raisonnable, celui de se faire plaisir et de s’imprégner de belles histoires. Cette revue ne contient pas 5000 pages et peut-être lue en quelques secondes, mais prenez le temps de la savourer ! 1001 livres ? La vie est si courte, plutôt que la quantité, choisissons la qualité ! Grégoire MULLER 6 Nouvelles LES GROTTES PETRIFIANTES DE SAVONNIERES Nouvelle retenue dans le collectif « Contes et légendes en Région Centre » 2011. Nous sommes en l’an 1547, en Région Centre, dans un coin reculé d’Indre et Loire. Une petite famille de cultivateurs y est installée depuis des générations. Comme chaque samedi, Marie et Jean Palissy aidés de leur fils Bernard (Bernard PALISSY est le véritable découvreur (inventeur) des grottes pétrifiantes en 1547) quittent leur ferme de Villandry pour se rendre à la grande foire de Turons (Turons deviendra plus tard Tours) afin d'y vendre leurs légumes. C'est aussi et surtout l'occasion pour la petite famille de rencontrer leurs amis marchands comme eux et de faire la causette, de raconter les derniers potins du coin, d'échanger leurs idées. A l'époque, c'était le seul moyen de se tenir informé. Les nouvelles ne circulaient que par le « bouche à oreille » ou par des ménestrels (Musicien conteur au Moyen-âge) de passage. Parfois, Marie laissait son mari seul à l'étal pour aller faire ses emplettes, acheter du tissu, de la laine, pour les petits entretiens vestimentaires de la famille. Bernard était un adolescent de dix sept ans très complexé par sa petite taille. Il était certes très mignon avec ses cheveux longs bouclés d'un blond comme les blés et ses grands yeux verts lui donnant une apparence d'ange. Mais malgré l'amour de ses parents, son physique l'avait contraint à une grande solitude. Loin des quolibets et des moqueries de ses congénères, ces samedis de foire où il y avait tant de monde, Bernard, préférait s'isoler loin des railleries de ces gens à la moralité et aux jugements qui lui faisaient si mal. C'est au pied de la vieille tour du château de Turons, que l'adolescent laissait son esprit divaguer dans ses rêves de devenir un jour troubadour. Il ne se séparait jamais de son petit calepin et de son crayon de bois. Il pouvait ainsi y noter, y dessiner tout ce qui lui 7 passait par la tête. Car même s'il se trouvait bien à la ferme avec ses parents, le travail était rude et ingrat. Son rêve était de prendre la route avec son rebec (Violon du Moyen-âge). Traverser la France de long en large et s'arrêter où bon lui semble pour faire le spectacle. Chanter, conter, transporter lui aussi l'information dans les moindres recoins de son pays. Enfin et surtout, faire fi de son apparence. Ce jour-là, sur le chemin du retour, les parents étaient tout heureux de leurs ventes car pour une fois la charrette paraissait moins lourde à tirer qu'à l'habitude. Profitant de cette joie familiale, Bernard dit à son père qu'il allait rentrer à Villandry par son chemin de traverse, un raccourci qu'il connaissait bien, pour l'avoir très souvent emprunté. Sans attendre le moindre signe d'approbation paternel, Bernard quitta le chemin de pierres et se faufila entre deux rangs de vignes. A petites enjambées, il parcourut quelques centaines de mètres avant de se retrouver dans la plaine verdoyante et encore éclairée par un très joli soleil couchant. Il en connaissait les moindres recoins de cette plaine, des buissons aux moindres ceps de vigne. Cela faisait des milliers de fois qu'il parcourait le secteur, il le connaissait par cœur. Il constata que les pluies diluviennes tombées ces derniers jours avaient transformé toute une parcelle de la prairie en un immense marécage. Il pensa donc contourner cette tourbière inattendue, sous peine de rentrer à la ferme tout crotté. A peine eut-il le temps de finir cette pensée ô combien sage, que soudain le sol se déroba sous ses pieds. Il tomba dans un trou, pas très profond mais suffisamment pour disparaître totalement de la surface verdoyante. Bernard n'avait pas mal mais il fût pris d'un grand sentiment de surprise, puis d'angoisse. Où étaitil ? Cet endroit était froid, humide et surtout lugubre ! Depuis le temps qu'il passait par là, pourquoi n'avait-il jamais vu ce trou ? Aucune réponse sensée ne parvenait à le rassurer. Alors que Bernard entamait ses premiers efforts pour s'extraire de cette 8 excavation, il entendit une petite voix ricaner derrière lui. Il n'était donc pas seul dans ce trou perdu au milieu de cette immensité ? Il fit volte-face et aperçut dans la pénombre un tout petit être de cinquante centimètres à peine, assis sur une pierre. Il s'en approcha timidement. Mais qu'est-ce que c'est ? Pensa t-il. Le petit être ricanait de plus belle. « Hi hi hi ! Bonjour Bernard. Quelle surprise de te voir ici ! » La voix était nasillarde et fluette. Bernard était interloqué. Comment ce petit être venu de nulle part, connaissait-il son prénom ? - Bonjour à toi petite créature. Qui es-tu ? Comment connaistu mon prénom ? - Ben, je suis un farfadet ou lutin si tu préfères. Mes amis et moi-même vivons là depuis des siècles et des siècles ! Nous avons élu domicile ici dans cet endroit paisible de Saponaria (Saponaria était le nom de la commune de la « Savonnières » au Moyen-Âge), il y a très longtemps. Vous humains, habitants de la surface, vous vous êtes servis de ces grottes pour vous protéger des envahisseurs normands et vikings. C’était pour vous tous à l'époque des « souterrains refuges », comme en Vendée, car c'était là que tous les habitants du coin venaient se réfugier quand les barbares débarquaient. Et comme depuis très longtemps, vous ne les utilisez plus ces fameuses grottes souterraines, nous en avons fait notre cité à nous ! Je connais ton prénom car souvent, tu ne nous vois pas mais nous sommes là, juste à coté de toi et de ta famille ! En fait, nous vivons proches des humains car nous nous nourrissons de lait, de crème et de gâteaux de miel que nous venons, le soir, vous chaparder. Puis, il y a ta petite taille qui te rend bien différent des autres au-dessus. Tu es comme nous mais toi tu vis à la lumière, là-haut ! 9 Bernard n'en croyait pas ses oreilles. Devait-il avoir peur et prendre ses jambes à son cou ou rester en espérant en savoir plus sur cet étrange monde parallèle. Il s'approcha encore un peu plus de son interlocuteur et manqua de crier face à ce personnage au physique si ingrat. Le farfadet était vraiment petit, le visage ridé, brunâtre et vêtu de vieilles frusques vertes et d'un bonnet. Le pire de tout, était qu'il n'avait pas de nez ! Devant l'état de dégoût que Bernard ne pouvait contrôler, le petit lutin reprit : - Je te vois très surpris de mon physique. Tu sais, depuis tous ces siècles passés ici-bas dans ce milieu hostile, peu de lumière et très peu d'oxygène, la nature nous a supprimé notre nez et fait de grands yeux pour voir dans la pénombre. On s'est adapté à notre environnement. Nous sommes vêtus de hardes (Guenilles) car pourquoi être beau alors que personne ne nous voit. Tu sais, malgré notre allure, nous sommes des êtres gais, de très grands farceurs et un peu filous ! Faut bien vivre ! Tout à coup, Bernard fut pris d'une grande panique. Ses parents devaient être rentrés à la ferme et ils allaient s'inquiéter de son absence. D'habitude, ils le laissaient rentrer par le raccourci, ainsi, quand ils arrivaient, Bernard avait déjà mis des bûches dans la cheminée. Mais là, c’est sûr, ils étaient arrivés et le bois serait toujours dehors. Son père allait courir dans tous les sens en criant Bernard ! Où es-tu ? Sa mère se mettrait à pleurer car jamais depuis toutes ces années passées, le fiston n'avait failli à cette tâche et surtout n'avait jamais accusé le moindre retard. Ils penseraient certainement que quelque chose de grave était arrivé à leur fils. Le petit lutin discerna dans les yeux de Bernard cette grande angoisse. Et comme s'il avait deviné ce dont il s'agissait, il dit : - Eh petit, ne sois pas affolé comme ça ! Tu sais, tes parents sont certes arrivés à la ferme depuis longtemps mais j'ai 10 arrêté le temps. Lorsque tu rentreras chez toi tout à l'heure, tes parents n'y auront vu que du feu. Tu te rappelles, nous sommes des farceurs ! Hi hi hi ! Tiens, comme tu es ici, je vais te faire visiter notre antre. Ne t'inquiète pas, je passe devant ! Bernard emboîta le pas au lutin. Au fur et à mesure qu'ils s'enfonçaient dans le boyau étroit et bas de plafond, des lumières s'allumaient. Plus de milles feux brillaient. C'était les compagnons du lutin qui se mettaient à scintiller, à éclairer le passage dans une immense gaieté. Lutin expliqua que l'endroit était exigu pour éviter toute invasion ennemie et qu'il y avait même des pièges. La chatière par exemple qui à l'époque, obligeait l'attaquant à rentrer coucher le rendant ainsi vulnérable aux réfugiés qui de l'autre coté l'attendaient pour le trucider et que le fond de la galerie servait autre fois à stocker les victuailles composées essentiellement de blé. Qu’à l’époque gallo-romaine, les Romains y avaient même installé des sépultures. L'éclairage était assuré par des lampes à huile. Au plafond et sur les cotés des voûtes transpirait un liquide blanchâtre, formant de-ci delà stalagmites et stalactites qui en se rencontrant élaboraient de véritables chef d’œuvres. Tout n’était que féerie. Un paysage insoupçonné de concrétions étincelantes. On pouvait imaginer un gigantesque orgue de barbarie, un enchevêtrement de corps distendus avec sa faune préhistorique dans cette véritable cathédrale de lumière. Rien de tout cela n’existait à la surface. Saponaria avait bien quelques monuments valant le détour telle que son église Saint Gervais, son moulin des Fontaines datant de l’époque Romaine où ces derniers y confectionnaient leurs savons. La seule eau qu’il avait pu voir jusqu’à ce jour, était celle du Cher. Une eau claire, limpide sous sa petite embarcation, cette rivière, poumon économique de la commune. Les transports de bois, de 11 nourritures et d’hommes se faisant essentiellement par ce cours d’eau. - Eh p’tit d’hom, je te vois intrigué par cette eau blanche qui dégouline un peu partout ici. En fait, c’est sa très forte tenue en calcaire qui lui donne cette couleur. On dirait du lait ! Le lait nourricier de la terre ! Hi hi hi ! Tiens, suis-moi ! Bernard s’empressa de suivre le lutin dans les méandres de cette grotte. Jusqu’à ce qu’ils aboutissent dans une immense galerie où s’étendait un lac. Un lac d’eau saturée en calcaire. - Tu vois, tu es ici même au centre de notre territoire et de notre secret. Cette étendue d’eau souterraine est magique. Après avoir circulé en surface, dans les prés, cette eau s’infiltre dans la roche calcaire en y emmenant avec elle plein de particules de calcite. Arrivée ici, elle transforme tout ce qui l’approche en pierre ! Vois-tu là-bas au fond, tu peux apercevoir des objets au départ en bois et qui au fil du temps, sont devenus cailloux. Nous avons ici notre maître en la matière. Il cisèle, creuse, sculpte des formes dans du bois et les dépose ici sous la fontaine. Au bout d’un certain temps (assez long), il les retire et comme par miracle, ces objets ont pris l’apparence de pierre ! On dit que nous sommes dans une « grotte pétrifiante ». Plus la conversation se prolongeait, plus Bernard se sentait sur une autre planète, mais en toute sérénité maintenant. Que lui arrivaitil ? Il y a encore peu de temps, il était avec ses parents dans la joie d'un bon samedi passé. Sa promenade dans les vignes (son raccourci) et tout à coup, il se retrouvait dans ce monde surnaturel, irrationnel. Il se pinça pour être sûr de ne pas être dans un rêve mais la douleur au bras lui indiqua qu'il ne fabulait pas ; il était bien dans un monde parallèle. Le farfadet continua.
La revue 100 Numero 20 - Page 2
La revue 100 Numero 20 - Page 3
viapresse