La revue 100 Numero 18 - Page 2 - La revue 100% Auteurs de Juillet 2012. Cette revue est destinée à présenter des auteurs peu ou non connus du grand public. 2 Sommaire - Couverture : Michèle SEBAL - Billet du mois : Clément CHATAIN, page 3 - Nouvelle (extrait) : Le Graünd de Laura MORUZZI, page 5 - Chronique : Adrien POCHE de Charlotte BOYER, par Fanny LEBEZ, page 11 - Poésie : Gérard BOUDES, page 13 - Chronique : De mort et d’eau fraîche de Layticia AUDIBERT, par Marie BARRILLON, page 15 - Auteur à suivre : Christian CHAILLET, par Marie BARRILLON, page 19 - Chronique : Les arcanes de la Papaute (Tome 1) et Mort pour le Graal (Tome 2) de Pierre BRU, par Clément CHATAIN, page 24 - Entretien avec Pierre BRU, par Clément CHATAIN, page 27 - Nouvelle : Fracas de Claire de VIRON, page 30 - Chronique : Larmes rouges sur Belfast de Laurence FONTAINE, par Marie BARRILLON, page 38 - Poésie : Cécile VERSTRAETE, page 41 - Livre : Née de père inconnu de Cécile LANGLOIS, page 43 - Auteurs MMC, Page 46 - Concours littéraires, page 49 - Participations, page 50 - Livre du mois : Au café de l’Archange de Amarande AMORISON, page 51 - Partenaires : page 52 3 Billet du mois : Inauguration de Trinôme Editions Que l’exercice demandé par la fondatrice de la revue est difficile ! Marie BARRILLON m’a en effet confié le soin de rédiger l’édito sur la création de Trinôme Editions et sur la soirée de lancement de la première publication, l’Agrément de Laure MEZARIGUE. Quelques mots de présentation : Passionné de littérature depuis de nombreuses années et observateur de ce milieu si difficile et particulier, j’avais un sentiment de dégoût face à l’attitude de certains petits et grands éditeurs que je considère comme choquante et irrespectueuse notamment vis-à-vis des auteurs, des lecteurs et des libraires. Au lieu d’être dans la critique permanente, j’ai décidé de franchir un cap en créant ma propre maison d’édition en m’entourant de personnes de qualité et de confiance afin de véhiculer ma passion et mes valeurs. L’Agrément L’Agrément, c’est un des points de départ important de Trinôme car je me rappellerai longtemps de ce dimanche où j’ai ouvert ce fichier Word contenant ce manuscrit d’une si grande force par la qualité de son écriture et de son histoire. Ce sentiment si particulier qui vous condamne à tourner la page jusqu’à la dernière sans pouvoir vous arrêter. Ce dimanche soir, je savais qu’il faudrait d’une façon ou d’une autre donner une existence à ce manuscrit parce que le plaisir que j’avais ressenti devait être partagé. Puis, la personnalité de l’auteur, notre amitié et la complicité qui nous unit représentaient aussi un aspect important dans la concrétisation de ce projet. 4 Je tenais malgré tout à préciser « un point de départ » car il y en a évidemment d’autres dans cette belle et difficile aventure. Je pense à des auteurs m’accompagnant au quotidien que je n’ai pas besoin de citer car ils se reconnaîtront, à des ami(e)s de qualité mais également aux auteurs des rencontres sur Facebook, ce projet que je mène depuis 2010 et qui va se concrétiser. Je ne peux que souligner le rôle déterminant de Carole THIAUDIERE et de Marie BARRILLON dans la création de Trinôme Editions ainsi que nos partenaires, graphistes, libraires et imprimeurs. La soirée passée et nos projets Le samedi 23 juin, nous avons créé un événement au café O Paris dans le vingtième arrondissement parisien afin de présenter l’Agrément de Laure MEZARIGUE et de faire découvrir Trinôme Editions autour d’un verre. Je tenais de nouveau à remercier tous ceux qui se sont déplacés. Les mots se bousculent dans mon esprit pour vous témoigner toute mon émotion et ils deviennent parfois difficiles à trouver face au sentiment ressenti. Quel plaisir de retrouver des ami(e)s, de découvrir des auteurs et des passionnés de littérature. Nous allons renouveler l’opération très prochainement avec la sortie de deux ouvrages. En effet, chaque nouvelle publication de Trinôme sera accompagnée d’une soirée de lancement permettant à tous de se réunir autour des mots et nous vous réservons de belles surprises autour desquelles toute l’équipe de Trinôme Editions espère vous retrouver. Clément CHATAIN 5 Nouvelle LE GRAÜND de Laura MORUZZI (Extrait) Malgré la chaleur, l'homme ou la chose portait un long manteau beige remonté jusqu'aux yeux. Sous un chapeau haut de forme, deux iris rouge sang la fixaient, les puits du désespoir. Emma sentit son cœur s'arrêter de battre. Elle faillit hurler puis réalisa que ce ne pouvait pas être réel. C'était impossible ou alors elle devenait tout simplement folle. Sans rien dire, elle se tourna lentement vers la porte, mit la clé dans la serrure, ouvrit et s'engouffra à l'intérieur en claquant la porte. Elle monta les marches quatre à quatre et s'empressa d'entrer, refermant à double tour derrière elle. Elle se précipita vers la fenêtre qui donnait sur la rue. Personne. Affligée, elle se laissa tomber par terre et pleura toutes les larmes de son corps. Au bout d'un certain temps, elle parvint à se reprendre et n'eut alors plus qu'une certitude: Je ne sortirai plus. Plus jamais. Curieusement, ces mots la réconfortèrent et elle sourit, soulagée. Elle prépara son dîner et mangea plus que nécessaire, devant la télévision, se vidant la tête. La jeune fille prit aussi la décision qu'elle ne dormirait pas de la nuit. Hors de question de retomber dans un cauchemar, elle en avait eu bien assez comme ça. Et le Graünd... Emma décida d'oublier toute cette journée. Les cauchemars, l'homme aux yeux impossibles, le Graünd. Tout ça n'était jamais arrivé. Oui, même si elle ne voulait pas aller se coucher. Pour éviter le sommeil, elle décida de remettre à plus tard la lecture d’un de ses livres ; cela l’endormirait trop rapidement. Elle s’installa donc plutôt devant la télé et se passa une saison entière d’une de ses séries préférées, persuadée que rien ne la tiendrait mieux en haleine. Elle 6 s'arma de café pour tenir bon, luttant au fil des heures pour ne pas tomber dans les bras de Morphée. Ce ne fut qu'une fois le soleil levé qu'elle s'autorisa à aller se coucher, espérant que la lumière chasserait ses cauchemars. Elle se déshabilla et se blottit dans sa couverture, à bout de force. Mais une fois ses paupières closes, Emma sentit la terre trembler. Elle rouvrit les yeux et réalisa que toute sa chambre tremblait : les murs, le plafond, le sol, les meubles. Un verre sur son chevet alla se briser par terre, et des livres tombèrent d'une de ses étagères dans un grand fracas. Cette fois, Emma sut que c'était là, que c'était fini. Sa couverture se souleva comme si quelque chose s'était glissé dessous. Elle sentit la peau râpeuse contre ses jambes et poussa un gémissement d'horreur, paralysée d'effroi. Une force invisible lui écrasait la poitrine, mais elle ne pouvait se résoudre à regarder ce qui se trouvait là, sur elle, sous sa couverture. Un poids énorme lui écrasait les côtes, elle pouvait à peine respirer. Un soufflement rauque se fit entendre. Emma poussa un hurlement. Le Graünd était là, la fixant de ses yeux rouges sans fin. Les griffes immenses, aiguisées, s'enfonçaient dans la chair de ses épaules, la brûlant comme pour y laisser une empreinte indélébile, tels deux fers chauffés à blanc. Son pelage noir couvrait son corps, l'engloutissant presque. La masse noire était informe, surmontée d'une bosse semblable à une colline d'écailles noires ruisselantes d'un liquide sombre gluant d'où émanait la puanteur d'un cadavre en putréfaction. Emma eut même la certitude que ce corps tout entier était en train de pourrir, de se décomposer éternellement. Les cornes noires étaient affûtées, pointées vers elle. Le monstre reniflait avec force, sentant l'odeur de la peur avec délectation. Le rugissement qu'il poussa fut si bruyant, si inhumain, qu'Emma crut 7 devenir sourde. Jamais elle n'avait entendu pareil cri et elle priait pour ne plus réentendre une telle horreur. Le désespoir et la terreur avaient donc un son. Les autres fois où il s'était montré, cela avait toujours été de loin et furtivement. Mais cette fois, il la regardait droit dans les yeux et c'était elle qu'il voulait. Il ouvrit sa gueule béante. La partie supérieure de son crâne se renversa de façon totalement improbable. La bouche était alors d'une largeur démesurée, un gouffre sans fin. Le ventre de la terre. Et le Graünd en était le passeur, annonciateur de malheur éternel, tel Cerbère gardant la porte des Enfers. Tétanisée, paralysée, Emma fixait ce trou profond, un abysse infini, le néant pur et total. Plus aucune partie de son corps ne lui répondait, et son esprit se mit à fonctionner au ralenti pendant ces quelques secondes qui la rapprochaient de plus en plus du gouffre. Elle revit tout. Sa maison à la campagne, la lumière, le son du vent dans les arbres... En y pensant, la jeune fille se sentit partir. Et puis soudain, son regard fut attiré par la photo trônant sur son chevet. Maxime. Ses yeux verts, son rire, ses caresses, la façon qu'il avait de la regarder quand elle parlait. Emma ressentit alors quelque chose de nouveau, qui fut à ce moment-là plus fort que toute sa terreur : le manque. Il lui manquait tellement et elle se demanda soudain comment elle en était arrivée là. Tout était de sa faute. Elle avait laissé le Graünd envahir peu à peu son monde, elle l'y avait même invité ! Pourquoi n'avait-elle tout simplement pas refermé la porte ? Elle l'avait laissé prendre possession de tout son être, avait accepté qu'il la consume peu à peu, la dévore de l'intérieur pour qu'elle ne soit plus que l'ombre d'elle-même. La jeune fille réalisa combien elle 8 avait perdu à ne pas vouloir se battre, combien elle avait éprouvé en restant aussi passive devant sa pire frayeur. Elle comprit que le monde de ses souvenirs, celui de son passé et de son enfance étaient loin derrière à présent et qu'elle ne gagnerait rien à y revenir. Elle pensa à Maxime et se rendit compte qu'elle ne s'était pas battue non plus pour le garder ni pour le ramener. Pendant cette fraction de seconde interminable où le Graünd allait l'engloutir, prêt à lui happer la tête dans sa gueule béante, Emma regarda mieux ce qui l'entourait. Le monde réel, le monde actuel. Les rires d'enfant dehors qui allaient à l'école, les klaxons des voitures, les bruits de pas, les voix... Ce n'était pas ce qu'elle avait pu connaître avant, mais elle comprit que malgré tout, c'était aussi la vie. Et que des milliers de choses l'attendaient là, dehors. Il était temps de se battre. Emma se concentra sur sa main, sentit des fourmillements, se concentra encore et la sentit bouger. Elle la tendit vers la table de nuit ; ses doigts s'enroulèrent alors autour de sa veilleuse, celle qui lui avait si longtemps fait croire qu'elle éloignerait les démons, alors qu'ils étaient simplement toujours là en elle. C’était le moment de se débarrasser de ses peurs d’enfant. La jeune fille tira de toutes ses forces l'objet vers elle, rassemblant tous ses nouveaux espoirs dans ce simple geste. Les dents du Graünd étaient si proches qu'elles se reflétaient dans ses pupilles. Emma était encore à moitié paralysée, mais en dépit de sa faiblesse, elle parvint à faire la seule chose capable de la sauver : elle s'avança plus près, s'enfonçant volontairement dans la gueule du monstre. Poussant un cri de rage, elle alluma l'interrupteur de la lampe de chevet et la jeta au fond de la gorge du Graünd. Toujours branché, l'appareil émit un grésillement. 9 Un grondement sourd, comme venant des entrailles de la terre, retentit dans toute la pièce, faisant vaciller les meubles. Le Graünd eut un mouvement de recul, arrachant la prise électrique, et ses griffes se plantèrent dans la chair d'Emma qui hurla ; il bascula en arrière. Il lui avait lacéré les épaules, mais Emma se releva malgré tout, se redressant sur son lit. Crève ! s'époumona-t-elle. L'énorme monstre gesticulait en tous sens, furieux. Puis il s'évapora. Elle avait gagné. Encore sous le choc, mais incroyablement lucide, Emma se leva doucement. Elle alla dans la salle de bains où elle prit tout son temps pour nettoyer et panser ses plaies. Elle se regarda dans la glace et sembla y découvrir une nouvelle personne. C'était elle, mais différemment. Elle avait changé, grandi. Elle sourit à son reflet, puis se dirigea vers le téléphone. - Allô, Maxime ? Les préparatifs du déménagement lui demandèrent beaucoup de temps, mais Emma s'y adonna à cœur joie. Maxime était venu l'aider avec d'autres amis qu'elle apprenait seulement à connaître. Elle revoyait de nouveau celui qui avait partagé sa vie, savourant chacun de ces instants. Ils se remettraient peut-être ensemble, peut-être pas ; en attendant, elle devait profiter de chaque seconde de sa nouvelle vie. Elle abandonna les Lettres Modernes pour se consacrer à la photographie. Elle y trouva quelque chose de rassurant : l'immortalité des images. Cela la rassurait simplement, cela fixait les choses sans qu'elle ait besoin de s'y replonger complètement. Elle accepta d'être suivie, et petit à petit, reprit une vie normale où sortir de chez soi n'était plus un grave dilemme. Il lui arrivait parfois de se lever et de ressentir de nouveau l'envie de rester chez elle pendant plusieurs jours. Et puis une ombre apparaissait derrière elle dans le reflet d'un miroir ou d'un verre, et 10 elle chassait ces idées noires de la tête, prenait son appareil photo et sortait. Elle avait gagné une bataille, mais pas la guerre, elle le savait. Les traces de griffures sur ses épaules le lui rappelaient chaque jour quand elle les regardait dans la glace. Alors, peut-être qu'elle avait simplement rêvé tout cela, peut-être qu'elle avait "perdu les pédales". Elle avait même cru que ses blessures n'étaient encore qu'une de ces hallucinations. Mais un jour, Maxime les avait vues. Qu'est-ce qui t'est arrivé? avait-il dit doucement, la regardant droit dans les yeux. Et c’est alors qu’elle lui avait simplement répondu: - Je me suis battue. Laura MORUZZI 11 Chronique Adrien POCHE de Charlotte, TheBookEditions « Tout en lui souhaitant de bonnes vacances, Tarmé avait entraîné Adrien par le bras vers la porte de son bureau. Quand celle-ci se referma, il trouva que tout cela était allé bien vite. En réunissant quelques affaires de son casier, il remarqua que son chef l'observait derrière les stores de son bureau. Adrien trouvait la situation bien soupçonneuse : on l'envoyait dans le pays de ses héros favoris pour lui faire oublier qu'il voulait en être un. » Extrait du livre Charlotte Boyer est une jeune femme de presque 25 ans. Pour elle, l’écriture est bien plus qu’un loisir, et elle s’y essaye rapidement. En 2008, son premier recueil de poésies voit le jour, et s’intitule A jamais et de tout temps. D’autres écrits prennent forme au fur et à mesure, dont Adrien Poche en avril 2011, une nouvelle policière désopilante. C’est avec grand plaisir que nous vous en parlons ici. Une enquête déguisée Adrien Poche fait partie de la grande famille de la Police, même si, à son grand désespoir, il n’est « que » chargé de la circulation, alors qu’il aspire à devenir inspecteur. Pour le lui rappeler, son chef Tarmé lui impose un mois de vacances forcées. En effet, il lui glisse
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