Principes Constants du Taiji quan - Page 2 - La pratique du Taiji quan repose sur des principes énoncés dans des Textes Classiques qui ne sont pas toujours facilement abordables pour le débutant, ou le non initié à la langue chinoise. Cet ouvrage propose une suite de Principes Constants édictés dans PRINCIPES CONSTANTS du TAIJI QUAN du YANGJIA MICHUAN Claudy Jeanmougin © Éditeur - La Griffe du Tigre 4 rue de Pouvet, 17770 Burie Janvier 2012 Traduction des textes chinois : Claudy Jeanmougin À propos du titre chinois. 永恒原則 Yǒnghéng yuánzé 永恒 Yǒnghéng signifie durable, éternel et 原則 yuánzé principe. L e Taiji quan repose sur des principes contenus dans des textes qu’il est coutume de nommer « classiques » pour faire un petit clin d’œil aux Jing 經 de la culture chi- noise, comme le Yi jing 易經 (Classique des Transformations ou mutations), ou le Dao de jing 道德經 (Classique de la voie et de la vertu). À la lecture des Classiques du Taiji quan, puis à leur mise en pratique, il apparaît rapidement que leur interprétation exige un niveau technique déjà conséquent pour en saisir toutes les nuances. De ce fait, le débutant se trouve d’autant plus lésé que ses premiers pas sont laborieux et que les Classiques déve- loppent des « chinoiseries » pour lesquelles il n’est pas encore suffisamment ouvert. Les années passées à l’enseignement du Taiji quan auprès des débutants nous font constater que nous répétons sans cesse les mêmes choses, toujours en rapport avec les Classiques sans pour autant qu’ils soient explicitement cités. Ces mots simples et indis- pensables à une compréhension rapide ne font pas partie d’une systématisation entre les enseignants alors que tous les utilisent. Dans les pages qui vont suivre, nous avons simplement édicté en principes cette terminologie. Nous qualifions ces principes de constants car ils sont applicables en toute circonstance sans aucune exception. 3 Principes constants du Taiji quan du Yangjia Michuan 4 La presque majorité de ces principes sont évidemment appli- cables dans les autres écoles de Taiji quan, mais pas tous comme nous le verrons avec ceux qui concernent l’appui sur la jambe arrière qui est la grande spécificité du style du Yangjia Michuan Taiji quan. Comment utiliser ces principes constants ? Bien entendu, on peut les lire et tenter de les mettre en appli- cation selon l’ordre dans lequel ils sont présentés. En ce qui nous concerne, ils doivent répondre davantage à une interrogation quand une difficulté – ou un « trou » – se présente lors de la pra- tique, que nous soyons un débutant ou un pratiquant déjà expérimenté. La simplicité de ces principes constants est telle qu’ils peuvent aider à tous les instants de l’avancée dans la pratique. Comme nous le verrons, chacun y trouvera son compte en fonction de ses interrogations car les réponses sont multiples et à tiroirs. Nous pensons que l’apprentissage sera facilité avec ces prin- cipes édictés en termes simples avec le moins de mots possible. Quand le pratiquant se trouve dans une situation délicate et qu’il se pose une question, qu’il vérifie si la réponse n’est pas dans la liste des principes. Le Taiji quan n’est pas une simple gymnastique corporelle comme une autre. Pour le pratiquer, il faut s’astreindre à une dis- cipline sévère qui respecte ce que les Classiques énoncent. C’est à cette condition qu’on peut espérer pratiquer le Taiji quan un jour. Et le Taiji quan nous rendra au centuple tout ce qu’on a pu lui consacrer si dans notre pratique nous ne cessons pas d’être des Principes constants du Taiji quan du Yangjia Michuan 5 Principes constants du Taiji quan du Yangjia Michuan chercheurs avec un cœur d’enfant ouvert à toute nouveauté qui se présente. Par le Taiji quan se développera une écoute portée aussi bien vers l’autre que vers soi-même. Et peut-être que les grandes questions existentielles trouveront une réponse avec ce regard tournée au centre de ce que nous sommes. Et peut-être aussi que la relation à l’autre sera plus sensible et plus vraie du fait de la grande détente que la paix peut procurer. Enfin, le pratiquant n’a pas besoin de lire l’ensemble des textes qui accompagnent les principes car ceux-ci se suffisent à eux- mêmes. Alors pourquoi les avoir écrits me direz-vous ? Tout simplement pour montrer que l’extrême simplicité suffit à gom- mer la complexité et qu’il est ainsi prouvé qu’en quelques mots, on peut signifier des pages. Le texte n’a donc qu’une valeur de démonstration de l’évidence. Lors des cours, le principe est juste énoncé comme consigne de travail et c’est suffisant. 7 Principes constants du Taiji quan du Yangjia Michuan ; Principe 0 ; Ne pas se nuire Petit clin d’œil au « d’abord ne pas nuire » de l’engagement du jeune médecin lorsqu’il prête serment. Oui, « ne pas se nuire » devrait être une exigence à s’appliquer en toute circonstance pour impliquer le moins possible la société dans laquelle nous vivons et être le plus respectueux qui soit de ceux qui nous ont légué le potentiel de santé à notre naissance. Ne pas se nuire suppose avoir une connaissance suffisante de soi-même pour être capable de juger si un geste est exécuté sans que l’intégrité physique et mentale soit mise en danger. Est-ce si simple ? Hélas non ! Bien souvent, nous ne savons pas ce qui nous convient même si nous sommes parfaitement conscients de ce qui nous est néfaste. Et encore, néfaste dans quel sens ? Parce que c’est inconfortable dans l’immédiat ? Ce sujet mérite une petite prolongation car il provoque des désagréments lorsqu’on fait cette remarque à un pratiquant, sûr de lui-même dans le bien-fondé des gestes qu’il effectue. « Je sais bien ce qui me convient ! » entend-on dire. Cela convient-il parce que c’est agréable dans l’instant ou parce qu’on en a éprouvé le bienfait pendant une durée prolongée ? Comment savoir si le confort immédiat dans une posture n’est pas la recherche de la non-douleur d’un corps qui ne supporte pas la souffrance ? Chacun sait ce qu’est une attitude anti-algique, c’est- à-dire une position dans laquelle on souffre moins, mais sait-on si 8 dans le temps cette posture est correcte et si elle ne va pas être un facteur d’aggravation du problème qui a causé la douleur ? En effet, l’organisme n’aimant pas souffrir, il va mettre tout en œuvre pour que la douleur cesse le plus rapidement possible. Si la pos- ture érigée provoque une douleur et que la légère flexion du tronc en avant soulage, on adopte cette posture. Mais à la longue, cette posture devient également insoutenable et c’est dans une plus grande flexion qu’on se sentira mieux. C’est ainsi que nous voyons des vieillards arc-boutés, ne pouvant se déplacer qu’avec un appui solide comme un déambulateur. Dans ce cas, le confort immédiat a été un facteur aggravant du problème. Les ostéopathes disent que le confort immédiat fait bien sou- vent rentrer dans un plus grand degré de perversion et qu’il faut absolument réagir si on ne veut pas que le problème s’aggrave. Qui peut donc dire si ma posture est correcte ou non ? Votre ensei- gnant qui doit faire le constat de l’inadéquation de votre posture dans le respect de l’intégrité physique et vous adresser à un thé- rapeute si lui-même ne sait pas vous corriger. « Ne pas se nuire », c’est aussi « ne pas nuire ». D’où l’impor- tance d’une formation adéquate pour un enseignant qui souhaite être sérieux. Il ne suffit pas de montrer des gestes, il est important de savoir si la personne qui vient au cours peut faire ce geste en fonction de ses propres soucis corporels. Il ne s’agit pas d’être un expert en anatomie et en physiologie, mais un minimum de connaissances nous semble indispensable pour mener à bien un cours efficace qui aille dans le sens d’une meilleure santé. Catherine Despeux n’a-t-elle pas écrit : « Taiji quan, art mar- tial, technique de longue vie » ? Par « longue vie », il est entendu Principes constants du Taiji quan du Yangjia Michuan 9 Principes constants du Taiji quan du Yangjia Michuan vivre en bonne santé le plus longtemps possible. Le Taiji quan est une véritable technique de santé et à ce titre, l’enseignant doit agir dans ce sens de l’entretien de la santé, en proposant des exercices spécifiques en fonction des cas qui se présentent. Je le répète, il ne s’agit pas de devenir un thérapeute mais bien d’avoir un mini- mum qui permette d’agir correctement. Traditionnellement, en Chine, le maître en art martiaux se devait de connaître la technique des points vitaux, Dian xue 點 穴 à cause de leur double action : • Une action martiale avec des effets variés selon les points touchés : - points mortels ; - points à retardement (les effets apparaissent bien après que le coup ait été porté, voir plusieurs jours) ; - points à effet sidérant qui paralysent pendant une durée plus ou moins longue, effet qui peut perdurer s’il n’y a pas eu un traitement d’appliqué. • Une action thérapeutique : - de ranimation ; - pour lever une paralysie due à un coup ; - franchement thérapeutique (en fonction des patholo- gies, les points seront choisis et traités selon des modalités propres comme en acupuncture). Il est fort probable que cette tradition remonte à une pratique plus ancienne encore, en provenance du Kérala dans le sud-ouest de l’Inde, berceau des Arts martiaux, où les marmas (points vitaux) font l’objet d’un enseignement systématique. Les 81 points principaux sont largement utilisés en thérapie, ce qui fait 10 dire aux Indiens que ce sont eux qui ont inventé l’acupuncture. Leur action martiale est réservée aux seuls intitiés du fait que cer- tains points sont réellement dangereux, voire mortels. Ces techniques sont parvenues jusqu’en Occident par le biais du judo qui utilise les kuatsu (tsu de jutsu : technique, kua : vie) ou technique de réanimation. Elles n’étaient transmises qu’aux ceintures noires lors d’une cérémonie d’initiation. Qu’en est-il aujourd’hui ? Tout est remisé car l’état d’esprit est tel que les enseignants d’arts martiaux ne veulent plus prendre le risque d’intervenir en cas d’accident par crainte des suites judi- ciaires en cas de problème. Du même coup, l’enseignement des points vitaux n’a plus ou presque plus cours. Principes constants du Taiji quan du Yangjia Michuan 11 Principes constants du Taiji quan du Yangjia Michuan Remarque générale à propos des Yong fa 用法. Applications techniques ou Applications martiales ? Le terme Yong fa 用法 est généralement traduit par « application martiale ». Or, toute personne rom- pue dans l’art du combat à mains nues peut constater que certaines applications proposées par Maître Wang Yen-nien, dans son dernier ouvrage « Yangjia michuan - Volume 2 - Applications martiales », sont impossibles à mettre en pratique dans le combat libre. Cependant, elles sont très intéressantes à utiliser pour travailler quelques principes comme l’écoute, la flui- dité, la non-résistance, etc. C’est pourquoi nous préférons parler d’applications « techniques » quand ces applications n’ont pas de réelle signification au niveau du combat libre. Nous pensons que le terme chinois le plus appro- prié pour « applications martiales » est Sanshou 散 手 , communément traduit par « Dispersion des mains ». En fait, la pratique du Sanshou autorise tous les coups sans restriction aucune. Vous com- prendrez qu’aujourd’hui, ces techniques sont interdites et qu’elles ne font plus l’objet de compé- titions officielles en Chine.
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