LLI_9_oct2016 - Page 1 - Revue La Lettre d'Italie - Droit et vie politique italienne Numéro 9 – octobre 2016 La Lettre d’Italie / 2 député Matteo Mantero. Ce dernier, après avoir reçu le soutien de plus de 90 % des 20.000 participants à la consultation proposée par le blog du parti, introduit une proposition de loi sur la déclaration anticipée de traitement régulant l’euthanasie passive. Sujet délicat s’il en est « au cœur des réflexions des parlementaires depuis le début de la XVIIIe législature ; notamment, dès 2013, avec la proposition d’initiative populaire présentée par l’association Luca Coscioni, soutenue par près de 70.000 signatures ». Une problématique qui devrait encore conduire à de nombreuses discussions tant il apparaît déjà évident que « l’ensemble des députés reconnaît un droit de refuser des traitements sanitaires sans pour autant s’accorder sur les limites de ce dernier ». De même, Catherine Tzutzuiano expose les difficultés bien réelles quant à l’introduction d’une infraction de torture dans l’ordonnancement juridique italien. Avec la verve caractérisant souvent les élus du M5S, et après la décision du Sénat de suspendre le projet de loi sur cette question, le sénateur Enrico Cappelletti s’interrogeait : « Orlando est-il toujours le ministre de la Justice ou a-t-il été remplacé par le duo Alfano-Verdini ? ». Outre les joutes verbales, désormais habituelles, cet abandon du projet pose une nouvelle fois de nombreuses questions. En effet, « malgré la ratification de la Convention de Nations Unies contre la torture [il y a maintenant vingt-huit ans], il n’existe toujours pas, dans la législation italienne, d’infraction réprimant expressément (…) les actes de torture, notamment lorsqu’ils sont pratiqués ou ordonnés par une personne investie d’une fonction officielle ». Une absence remarquée et même jugée préoccupante tant par « le Comité des Nations Unies contre la torture […, que] par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) » ou même la Cour européenne des droits de l’homme notamment dans l’arrêt Cestaro c. Italie. Cela dit comme le démontre l’auteur ce n’est pas finalement cette infraction qui pose problème, mais sa définition exacte. Le fonctionnement des partis politiques est un autre débat récurrent au sein du Parlement italien. Plus spécifiquement, Stéphanie Beckerich Davilma précise qu’une partie des débats porte sur le fonctionnement interne desdits partis, avec une recherche de transparence et l’introduction d’un seuil minimum de démocratie interne. Les diverses propositions du projet actuellement discuté tendent à ce que « l’acquisition de la personnalité juridique » par les partis « soit assortie d’un acte constitutif contenant différentes règles visant à garantir un fonctionnement démocratique ». Un tel projet n’est pas tout à fait anodin et constitue peut-être une « petite revanche » des partis et notamment du Parti démocrate. En effet, une telle loi aurait « empêché le Movimento 5 Stelle d’obtenir des sièges à la Chambre des députés puisqu’il n’est pas doté de la personnalité juridique, caractéristique que ce parti revendique fièrement comme signe de son non-attachement au système traditionnel ». Le législateur italien est par ailleurs mis en cause dans le cadre de sa tentative de taxation de la cigarette électronique. Sylvie Schmitt n’hésite pas à considérer qu’il a « péché par manque de rigueur dans la définition » de ce nouvel objet de consommation. Entre incohérences et « taxation indifférenciée », la Cour constitutionnelle a sanctionné ces manquements, en « rappelant à cette occasion que le droit fiscal n’a pas pour mission de définir des notions juridiques de portée générale ». Ainsi, s’il est établi que « le législateur fiscal italien se laisse parfois aller à des définitions innovantes, avec plus ou moins de succès », nul doute que la censure de la Consulta et les nombreux recours devant le juge administratif conduiront ce dernier à formuler une « définition plus (…) limpide » avec « une construction juridique efficace » et plus directement inspirée de la définition donnée par la directive européenne. C’est encore le M5S et la problématique de transparence qui est cœur du travail de Céline Maillafet. En effet, les premiers mois de Virginia Raggi en tant que premier édile de Rome ont été, c’est le moins que l’on puisse dire, très controversés. Entre nominations prématurées et démissions, la constitution de l’équipe municipale a été difficile. Assez pour que l’opposition s’empresse de considérer qu’après « n’avoir eu de cesse de critiquer les situations de conflits d’intérêt », la nouvelle équipe renie déjà ses promesses de campagne. Les partis politiques ne sont pas en reste dans la contribution de Chérie Faval qui s’interroge sur l’impact réel du référendum sur l’eau des 12 et 13 juin 2011. Cette consultation était pourtant « un succès incontestable » : un quorum aisément atteint, et une « large victoire du oui, dont le signal avant-coureur avait été le nombre de signatures (1,4 million) que les Comités citoyens pour l’eau publique […] avaient été en mesure de recueillir (c’est-à-dire, presque trois fois, le seuil de 500.000 que la Constitution fixe afin de pouvoir proposer un référendum abrogatif) ». Il n’empêche que l’auteur ne peut s’empêcher de tirer un bilan plus que contrasté. Elle observe en effet, un véritable « détournement de la volonté populaire » dans les normes adoptées après le référendum, tout en constatant que, plus récemment, des expériences comme celle de la ville de Naples tendent à démontrer un mouvement plus encourageant. Un succès est aussi évoqué par Céline Maillafet : le Service civil national, et à sa suite la création du Corps civil de paix en 2013. Un succès entériné par la Consulta lorsqu’elle qualifie le service civil national, dans son arrêt no 119 de 2015, d’« instrument d’intégration ». Enfin, et pour tenter de chercher des aspects positifs aux évènements douloureux qu’a connue l’Italie ces derniers mois, il faut espérer, comme le note Alexis Rousselot, que les récents séismes seront l’occasion de mettre en œuvre, sinon une nouvelle législation, au moins le respect de celles qui existent déjà. Comme le note l’auteur, il s’agit là du « véritable défi ». Entre tournants politiques et défis juridiques, l’actualité italienne est, décidément, toujours aussi riche. Michaël Bardin. Numéro 9 – octobre 2016 La Lettre d’Italie / 3 La voix d’Italie (1/2) Des causes et des effets de la réforme constitutionnelle de 2016 par Roberto Louvin Professeur de droit public comparé à l’Université de Calabre La lecture et la compréhension du projet de réforme constitutionnelle de 2016 sont un exercice compliqué1 . Quarante-cinq articles de la Constitution (sur un total de cent trente-neuf) font l’objet de modifications, formulées parfois de manière peu compréhensible. Un style confus, alambiqué, qui a très peu à voir avec la linéarité et la clarté du texte de 1948, issu d’une époque historique et d’une culture juridique dont nous nous sommes beaucoup éloignés. Un style, l’actuel, qui pâtit des nombreux amendements discutés et des compromis péniblement atteints au cours des deux dernières années. Si la réforme était confirmée par le référendum à venir, le fonctionnement des institutions républicaines pourrait subir un changement important mais pas vraiment historique, dont il convient cependant de connaître la portée et les effets. LE SENS DE LA RÉFORME RENZI-BOSCHI L’explication de cette réforme ne peut prétendre avoir une nature parfaitement « neutre » : le choix de mettre en évidence certains aspects, positifs ou négatifs, de souligner les analogies ou les différences avec tel ou tel autre système politique, de rappeler des précédents ou d’évoquer des conséquences risque inévitablement d’influencer le lecteur et d’en orienter la lecture. À défaut de pouvoir être totalement « neutre », la rédaction de ce texte a voulu être le plus possible « plurielle » et ouverte aux différentes lectures possibles du projet de loi constitutionnelle Renzi-Boschi. L’idée de réformer la Constitution accompagne la politique italienne depuis plus de quarante ans et se heurte, comme la reconstitution des précédents le montrera, à de vives résistances. La volonté de réforme n’a jusqu’ici concerné ni les Principes fondamentaux ni la Première partie de la Constitution (Droits et devoirs des citoyens), mais uniquement la Deuxième partie (Ordre juridique de la République). Au cours des années 1980 et 1990, ce thème avait suscité un grand intérêt en raison, notamment, de la crise de la « Première République » et du mythe des réformes en tant qu’instrument de régénération profonde du système. À compter des années 2000, en revanche, la réforme a commencé à être considérée comme une sorte d’opération d’entretien de la Constitution, une adaptation progressive et nécessaire aux temps nouveaux, notamment pour accélérer les procédures législatives et établir un meilleur équilibre entre le centre et les territoires. L’idée d’une « grande réforme » a laissé la place à l’idée de plusieurs réformes ponctuelles et sectorielles. Ces changements sont en grande partie en accord avec la tendance répandue dans les pays occidentaux à ne plus considérer comme sacrée et intangible la Constitution dans son ensemble, mais à y voir un outil de stabilité et de garantie soumis à une évolution naturelle et exigeant des adaptations constantes. Ainsi la France a déjà modifié la Constitution de la Ve République, promulguée en 1958, vingt-quatre fois. Les Suisses, qui ont une nouvelle Constitution depuis le 18 avril 1999, sont déjà intervenus vingt-sept fois pour la modifier. En Italie, depuis l’entrée en vigueur de la Constitution en 1948, il y a presque soixante-dix ans, il a été procédé quinze fois « seulement » à des retouches, généralement très ponctuelles. Au cours des deux dernières décennies, le système régional a fait l’objet de plusieurs tentatives de rééquilibrage, en 2001 et en 2006. Maintenant, les relations État-Régions font l’objet d’une nouvelle tentative, qui vise à intervenir cette fois sur le balancement des pouvoirs étatiques et régionaux. Mais, cette fois-ci, la réforme porte également sur les relations entre les différents pouvoirs de l’État. En premier lieu, la révision modifie radicalement un organe constitutionnel, le Parlement, et notamment les dispositions concernant le Sénat, avec des retombées variables sur tous les autres organes constitutionnels (Gouvernement, Présidence de la République et Cour constitutionnelle). La modification des mécanismes d’élection, des règles de composition et des compétences du Sénat de la République produira des contrecoups sur l’ensemble du système constitutionnel. En deuxième lieu, contrairement aux expériences de 2001 et de 2006, marquées par un très fort penchant « fédéraliste », le texte de la réforme Renzi-Boschi, proposé dans un climat sensiblement différent, montre une inversion de tendance évidente par rapport à la dévolution de pouvoirs de la décennie précédente. Le vent a tourné. Le système régional dans son ensemble sortira affaibli de la réforme, bien qu’avec des différences significatives selon les cas. Le potentiel d’autonomie des Régions à statut ordinaire diminuera sensiblement, alors que les Régions à statut spécial seront globalement exemptées d’appliquer la réforme - du moins tant que leurs statuts respectifs ne seront pas révisés - et obtiendront même quelques garanties de taille. LA FIN DU BICAMÉRISME ÉGALITAIRE L’aspect le plus frappant de la réforme Renzi-Boschi est la fin du bicamérisme égalitaire et indifférencié et de la parfaite équivalence des fonctions des deux chambres du Parlement qui a marqué la vie républicaine pendant soixante-dix ans, en distinguant le système italien de ceux de tous les pays européens et occidentaux, où la différence sensible de composition et de fonctions des deux chambres constitue la règle générale. Le choix de l’Assemblée constituante, qui avait débattu des propositions de système monocaméral tout comme des propositions de constitution d’une deuxième assemblée législative représentant exclusivement les territoires, fut le résultat d’un épuisant effort de médiation qui aboutit en 1948 à un Sénat élu « sur une base Numéro 9 – octobre 2016 La Lettre d’Italie / 4 régionale », devenu une sorte de réplique de la Chambre des députés. Le fait que chacune des deux chambres du Parlement ait aujourd’hui le pouvoir de voter les motions de confiance ou de censure à l’intention du Gouvernement a aggravé les risques d’instabilité politique, puisque la majorité au sein de l’une peut différer de celle dans l’autre, en raison des méthodes électorales respectives. Par ailleurs, le fait que, pour chaque acte législatif, aussi bien la Chambre que le Sénat doivent s’exprimer de la même manière - avec un va-et-vient continu des textes, selon le mécanisme connu sous le nom de « navette » qui allonge les temps d’approbation des dispositions - est depuis longtemps la cible de nombreuses critiques. Ainsi, l’idée de remplacer l’actuel Sénat par un « Sénat des Régions » ou une « Chambre des Autonomies » fait l’objet d’un ample débat depuis au moins deux décennies et d’un consensus globalement partagé. La représentation territoriale caractérise, par ailleurs, toujours plus couramment les secondes chambres des parlements de toute la planète, même si les modèles qui inspirent les Constitutions diffèrent sensiblement entre eux, depuis celui du Sénat des États-Unis, où les sénateurs sont élus par le peuple en tant que représentants des cinquante États membres, jusqu’à celui du Bundesrat allemand, dont les membres - les ministres des Länder - sont l’expression directe des gouvernements régionaux. Le modèle choisi par la réforme en cause a, en revanche, des traits moins marqués et s’apparente au Bundesrat autrichien, où les parlementaires des États fédérés (Landtage) élisent, selon la méthode proportionnelle, leurs délégués au Sénat. Mais, contrairement à ce qui se passe en Autriche, les futurs sénateurs italiens devraient toujours cumuler les fonctions régionales/locales avec les fonctions étatiques. Sans compter que les sénateurs-conseillers et les sénateurs-syndics (les maires en Italie sont appelés syndics) devraient être accompagnés des sénateurs nommés par le président de la République : même s’il ne s’agit plus d’une nomination à vie, ce choix paraît tout à fait incohérent avec la nouvelle vocation de représentation territoriale du Sénat. Le projet de loi constitutionnelle approuvé par le Parlement italien prévoit un Sénat dépourvu du pouvoir de voter les motions de confiance et de censure à l’intention du Gouvernement, ce qui permettrait l’alignement de l’Italie sur des États qui lui sont proches, même par leurs dimensions, tels que l’Allemagne, où la Chambre basse (Bundestag) seule peut voter la confiance au Gouvernement, l’Espagne ou encore le Royaume-Uni, où le pouvoir de demander la démission du Premier ministre ou de nouvelles élections revient uniquement à la Chambre des Communes, et non pas à la Chambre des Lords. En France, le Gouvernement n’est responsable que devant l’Assemblée nationale et non pas devant le Sénat. Si la réforme est confirmée par le référendum, seule la Chambre des députés italienne gardera la fonction de contrôle sur l’action de l’exécutif et le pouvoir d’autoriser les poursuites à l’encontre du président du Conseil et des ministres. Pratiquement la totalité des soixante-dix pays au monde qui ont adopté un modèle bicaméral a désormais différencié la composition et les fonctions des deux assemblées parlementaires. Les critiques opposées jusqu’ici à cette nouvelle organisation du Sénat sont axées sur un certain nombre d’incertitudes et de faiblesses de celle-ci et notamment sur la crainte que la Chambre des députés n’ait plus de contrepoids, surtout après la récente réforme électorale - avec l’approbation de la loi dite Italicum – qui a rendu plus facile, pour le parti qui décroche la majorité relative des sièges, l’obtention d’une large majorité parlementaire. Dans ses relations avec le Parlement, le Gouvernement va acquérir une position plus forte, grâce à une formule qui assure la prééminence du Premier ministre et que certains experts, tels qu’Alessandro Pace, présentent déjà comme une sorte de « principauté civile » à la Machiavel. En tout état de cause, le Gouvernement se garantit par cette réforme une voie préférentielle dans la procédure de formation des lois, quant aux textes jugés fondamentaux pour l’application de son programme. Une innovation qui rappelle le modèle français, où le Gouvernement exerce déjà depuis longtemps une forte influence sur l’agenda parlementaire. Réduit numériquement de plus de deux tiers, le Sénat italien aura des compétences réduites et spécialisées. Son activité normative sera d’ailleurs limitée à certains types de lois. Quant à ses membres, ils ne seront plus des parlementaires à titre exclusif mais ils demeureront fortement liés à leur territoire d’élection et à l’instance politique dont ils seront l’expression. Des doutes ont été avancés sur l’efficacité de représentants qui ne pourront œuvrer au sein de l’organe législatif national qu’à temps partiel, étant donné que leur mandat à Rome sera lié à la continuité d’exercice de leur mandat électif à l’échelle régionale et locale. Une limite qui est, cependant, compensée par l’étroite relation que ces mêmes représentants conserveront ainsi avec les organes territoriaux. L’élection par les Conseils régionaux ne serait pas totalement « libre », mais « orientée » par les choix que le corps électoral aura effectués lors du renouvellement de ceux-ci : le texte de la réforme précise, en effet, que les Conseils devront se conformer aux choix opérés par les électeurs lors de l’élection des conseillers. Le poids des différentes Régions au sein du Sénat sera modifié : la représentation des Régions les plus grandes sera lourdement sacrifiée, alors que celle des plus petites, telles que la Vallée d’Aoste, sera sensiblement accrue : le redoublement des représentants de notre région signifie, en proportion, augmenter de presque six fois le poids de celle-ci au sein du Sénat. Dans l’ensemble, le poids des Régions spéciales augmentera de 15 % à 18 %. Pour l’heure, la réelle possibilité du nouveau Sénat de la République d’influer efficacement sur la prise de décisions demeure incertaine. La réponse dépendra de plusieurs facteurs : en premier lieu, de la capacité des élus d’exprimer véritablement une vision politique distincte des directives de leurs partis nationaux et de mettre en valeur, lors de la formation de la volonté générale, leur rôle de porte-parole des communautés d’appartenance. En deuxième lieu, de la force avec laquelle ce nouvel organe saura, et voudra, influer d’une manière autonome, et avec les moyens plus modestes dont il disposera, sur la procédure législative. En dernier lieu, il faut remarquer qu’au nombre des attributions du Sénat figurent également des fonctions de contrôle des politiques publiques, un rôle actuellement confié essentiellement à la Cour des comptes, ainsi qu’un rôle de lien avec l’Union européenne. Un exercice correct de ces fonctions pourrait s’avérer utile pour améliorer l’action des pouvoirs publics. DES ACTIONS COLLATÉRALES EN CLAIR-OBSCUR De nouveaux outils de participation démocratique seront insérés dans la Constitution. Il est notamment question des référendums populaires de proposition et d’orientation que certaines Régions à Les critiques opposées jusqu’ici à cette nouvelle organisation du Sénat sont axées sur un certain nombre d’incertitudes et de faiblesses de celle-ci et notamment sur la crainte que la Chambre des députés n’ait plus de contrepoids (…) Numéro 9 – octobre 2016 La Lettre d’Italie / 5 statut spécial, telle que la Vallée d’Aoste, ont déjà expérimenté avec succès. Le quorum, point névralgique et véritable talon d’Achille de la démocratie directe en Italie, sera abaissé et plus facile à atteindre, mais uniquement en cas de référendums d’abrogation, pour l’organisation desquels, en revanche, un nombre de signatures accru (800.000) sera demandé. La modification du quorum pour l’élection du président de la République - à laquelle les Régions ne participeront plus par l’intermédiaire de leurs propres délégués, mais uniquement par le biais de « leurs » sénateurs - représente pour l’heure un nœud difficile à évaluer. Il s’agit de comparer les conditions requises actuellement - à savoir l’obtention, après le troisième vote en séance commune, de la majorité absolue des membres du Parlement - avec celles prévues par la réforme, soit la majorité des trois cinquièmes des grands électeurs qui participent effectivement au vote. Vu le changement engendré par la loi électorale de la Chambre, il est probable que les futurs présidents de la République seront élus plus aisément et associés d’une manière plus synergique à la majorité parlementaire du moment. En cas d’empêchement permanent, de décès ou de démission du président de la République, ce ne sera plus le président du Sénat qui le remplacera à titre intérimaire, mais celui de la Chambre. Cette dernière présidence deviendra de plein droit la deuxième charge de l’État. La nomination des juges de la Cour constitutionnelle ne sera que faiblement touchée par la réforme. La seule différence concernera l’élection par le Parlement des cinq juges de son ressort, qui n’aura plus lieu en séance commune : trois d’entre eux seront élus par la Chambre et deux par le Sénat. Implicitement, cela revient à dire qu’une partie des juges constitutionnels sera l’expression des institutions régionales. La Cour aura aussi, pour la première fois, une fonction préalable de contrôle de constitutionnalité, mais uniquement sur une seule loi, celle pour l’élection des parlementaires. Par ailleurs, la réforme effacera de la Constitution, d’une part, le Conseil national de l’économie et du travail (Consiglio nazionale dell’economia e del lavoro) qui, dans l’attente de sa suppression, sera dirigé par un commissaire et, d’autre part, les Provinces, collectivités locales déjà affaiblies dans la pratique et dont les Conseils, aux termes de la loi Delrio, ne sont déjà plus élus directement comme ceux des Régions et des Communes. L’AFFAIBLISSEMENT DES RÉGIONS ORDINAIRES La répartition des compétences législatives entre l’État et les Régions sera totalement remaniée. La nouvelle répartition, qui réduit l’espace réservé aux Régions (ordinaires), a été sensiblement influencée par les considérations formulées par la jurisprudence de la Cour constitutionnelle. Littéralement submergé par la masse des recours croisés de l’État et des Régions, le juge des lois a encouragé, dans les faits, une lourde recentralisation des pouvoirs législatifs dans les mains de l’État, au détriment des Régions qui ne bénéficieront que d’une très modeste compensation, et uniquement si elles sont « vertueuses » du point de vue de la régularité de leurs comptes, compensation qui consiste dans l’attribution éventuelle de certaines compétences supplémentaires, notamment en matière d’instruction et de formation professionnelle. L’entérinement du pouvoir de l’État d’intervenir directement pour sauvegarder l’unité juridique ou économique de la République ou l’intérêt national - selon un principe reconnu par tous les systèmes fédéraux, qui s’accompagne d’un certain nombre de garanties censées éviter son application arbitraire - a provoqué une vive inquiétude. Donner la faculté au Parlement de légiférer, sur proposition du Gouvernement, même dans les matières que la Constitution n’attribue pas à sa compétence exclusive signifie établir une véritable clause « de suprématie » (ou « clause vampire », comme le constitutionnaliste Antonio d’Atena l’a ironiquement définie) et ouvrir à l’État la voie vers la possibilité de conditionner lourdement les politiques régionales. Il faut cependant tenir compte du fait qu’aujourd’hui l’État bénéficie déjà d’un certain nombre d’outils normatifs qui lui permettent d’interférer sensiblement avec l’œuvre des législateurs régionaux. LES RÉGIONS À STATUT SPÉCIAL À CONTRE-TENDANCE La situation est différente pour les Régions à statut spécial (Sicile, Sardaigne, Trentin-Haut Adige/Südtirol, Frioul-Vénétie Julienne et Vallée d’Aoste) et pour les Provinces autonomes de Trente et de Bolzano/Bozen. Une clause de sauvegarde ad hoc a été votée à l’initiative des parlementaires des Régions autonomes, en vue de la limitation des effets directs de la réforme sur celles-ci : tout changement sera de ce fait subordonné à la « révision » des statuts sur la base des accords qui seront passés avec les collectivités territoriales concernées. Ainsi la réforme est-elle « gelée » pour ce qui est de ces territoires et ses effets seront en quelque sorte filtrés par la refonte des statuts. Même le pouvoir de substitution que le Gouvernement peut exercer en lieu et place des Régions autonomes demeure pour l’instant inchangé. Cette « suspension » des effets de la réforme place ces Régions dans une condition totalement différente par rapport aux autres et ouvre la voie à une future procédure de négociation entre l’État et chacune de celles-ci. Lors de la discussion du projet de réforme, l’exclusion des Régions à statut spécial de l’application immédiate des nouvelles dispositions constitutionnelles n’a pas fait l’unanimité. La décision de subordonner l’application de ces dispositions à la « révision » (dans une première version, il était question d’« adaptation », comme si les contenus essentiels du nouveau titre V devaient être transposés mécaniquement) a suscité de vifs débats. Le sens, la portée et la procédure de l’« accord » n’ont cependant pas encore été éclaircis et pourront faire l’objet d’interprétations extensives ou restrictives. Il s’agit, en tout état de cause, d’une grande nouveauté du régionalisme italien qui, jusqu’à présent, n’avait jamais formellement subordonné à un accord l’exercice du pouvoir législatif constitutionnel en vue de la modification des statuts régionaux. L’inscription dans la Constitution du mécanisme de l’accord préalable - véritable bouclier protégeant la Région de toute mauvaise surprise à l’initiative du Parlement - est une revendication historique de plusieurs Régions à statut spécial, que les forces politiques de la Vallée d’Aoste ont par le passé unanimement appuyée. Considérant le caractère générique de la clause de l’accord préalable évoquée au treizième alinéa de l’article 39 de la réforme, d’éminents constitutionnalistes, tels que Roberto Toniatti, ont conseillé d’évaluer avec prudence l’efficacité de la protection offerte par un tel mécanisme. Une clause de sauvegarde ad hoc a été votée à l’initiative des parlementaires des Régions autonomes, en vue de la limitation des effets directs de la réforme sur celles-ci (…) seront en quelque sorte filtrés par la refonte des statuts. Numéro 9 – octobre 2016 La Lettre d’Italie / 6 La préoccupation à propos d’une éventuelle révision restrictive du régime des autonomies spéciales est aujourd’hui plus que justifiée, au vu de l’important reflux centralisateur que connaît la politique italienne depuis les cinq dernières années et les tentations de remodeler « d’en haut » la carte des Régions. Une telle propension est témoignée, entre autres, par le fait que le 13 octobre 2015 le Sénat a approuvé l’ordre du jour présenté par le sénateur Raffaele Ranucci, qui engage le Gouvernement à prendre en considération la possibilité de proposer, par une procédure de révision constitutionnelle, la réduction du nombre des Régions à douze au maximum. DE LA CONSTITUTION AUX STATUTS La version finale de la réforme Renzi-Boschi implique, en fait, l’ouverture d’une phase de refonte des statuts spéciaux dont le délai d’achèvement n’a pas été fixé et dont les conséquences, à défaut de révision, n’ont pas été précisées. Une telle réécriture est objectivement nécessaire. Certains statuts des Régions autonomes n’ont jamais fait l’objet d’une modernisation globale depuis leur approbation (en 1948 pour la Vallée d’Aoste, la Sicile et la Sardaigne, et en 1963 pour le Frioul-Vénétie Julienne). Seule exception, le Trentin-Haut Adige/Südtirol qui, depuis 1972, dispose d’un statut entièrement réformé, à la suite d’une profonde crise liée au non-respect de l’accord italo-autrichien De Gasperi-Grüber pour la protection de la minorité germanophone. Au cours des trente dernières années, la Vallée d’Aoste a essayé, à plusieurs reprises, d’actualiser son statut, mais sans succès. Une première tentative organique de réforme fut menée par la Commission spéciale pour les réformes constitutionnelles de 19881990, que j’ai eu l’honneur de présider, et qui visait à redéfinir l’ensemble de l’organisation statutaire valdôtaine. L’analyse approfondie des points critiques de l’ordre juridique régional, consignés au Rapport sur l’état de l’autonomie de la Région Vallée d’Aoste dressé en 1990, ne fut pas suivie d’une phase de réécriture du statut, en raison de la crise politique régionale du mois de juin 1990. Dix ans plus tard, à la suite d’une autre initiative du Conseil, la Commission spéciale présidée par Roberto Nicco avança une proposition de réorganisation du contexte institutionnel valdôtain qui visait, entre autres, à renforcer la participation des collectivités locales. Mais les travaux s’achevèrent par un constat de l’absence des conditions politiques nécessaires pour la présentation au Parlement d’une proposition de nouveau statut spécial, constat confirmé par l’ordre du jour que le Conseil régional approuva le 21 novembre 2002. En 2006, le Conseil de la Vallée institua, en vue de la rédaction d’un nouveau statut, une Convention pour l’autonomie et le statut spécial de la Région autonome Vallée d’Aoste, présidée par Piero Ferraris et incluant de nombreux représentants des instances autres que les institutions régionales : Chambre de commerce, syndicats, associations, Université de la Vallée d’Aoste, etc. Malgré la tentative d’encourager une plus large participation et d’expérimenter certaines techniques de communication et d’interaction télématique, la Convention ne produisit aucun effet concret. Bien qu’il fût dressé sur la base d’une étude préparatoire approfondie du professeur Valerio Onida, le projet de statut élaboré par le constitutionnaliste Roberto Bin n’eut pas de suite. Après l’insuccès de cette dernière tentative, ce chapitre n’a plus été rouvert et la réforme du statut ne figure pratiquement plus dans l’agenda politique des partis et des mouvements qui œuvrent en Vallée d’Aoste, du fait de la crainte diffuse d’un autre échec. Le nœud, jamais résolu, réside dans le fait que toute proposition, même votée à l’unanimité par le Conseil régional, pourrait être modifiée contre sa volonté, voire réécrite, par le Parlement, ce qui reviendrait à rendre vaines la volonté et les attentes des Valdôtains. Voilà pourquoi, depuis de nombreuses années, la revendication d’une sanction constitutionnelle du principe de l’accord préalable, et donc de l’obligation d’établir les contenus du statut de concert entre la Région et l’État, est devenue une constante des initiatives politiques des institutions valdôtaines. La proposition de loi constitutionnelle approuvée à l’unanimité par le Conseil régional le 17 décembre 2008 a résumé clairement le sens d’une telle revendication. Il y était question de faire sanctionner par le Parlement la modification d’un article du statut spécial actuellement en vigueur, afin qu’en raison du fait que l’autonomie de la Région est le fruit d’un pacte, tout projet de modification du statut approuvé par les deux chambres en première délibération soit transmis au Conseil de la Vallée pour que ce dernier puisse exprimer son accord dans les trois mois suivant la transmission du texte (le vote favorable des deux tiers de ses membres étant requis). À défaut d’accord dans le délai prévu, les Chambres n’auraient pas le pouvoir d’adopter la loi constitutionnelle modifiant le statut. Cette initiative n’a cependant pas été approuvée par le Parlement. Comme cela a été évoqué, la réforme récemment votée à titre définitif par le Parlement accepte, pour la première fois, le principe de l’accord préalable, sans toutefois en préciser les modalités d’application. Rien n’y est dit, par ailleurs, de ce qui se passerait si les statuts spéciaux devaient ne pas être révisés (un cas de figure qui, d’après quelques propositions avancées pendant l’examen du texte de la réforme Renzi-Boschi au Parlement, aurait dû engendrer, à l’expiration d’un délai donné, l’application automatique de la réforme, à titre de sanction, à la Région autonome en cause). Cette opération est devenue, de toute évidence, urgente pour la Région autonome Vallée d’Aoste, dans son propre intérêt - puisque de nombreuses parties de son statut s’avèrent substantiellement vieillies, voire obsolètes - mais aussi dans l’intérêt de ses relations avec l’État, aux fins de leur actualisation à la lumière des réformes des vingt dernières années. Les formes de cet « accord préalable » sont donc totalement à explorer. Une dernière remarque concerne, enfin, la Vallée d’Aoste, seul cas en Italie de cumul au profit d’une seule collectivité territoriale des compétences régionales et provinciales. Une disposition spéciale prévoit que la Région maintienne, même après la disparition des Provinces en tant que collectivités dotées d’organes élus, toutes les compétences qu’elle exerce depuis 1945. Et même si à l’avenir l’État devait attribuer ces compétences à d’autres organismes ou à des agences spéciales, en Vallée d’Aoste celles-ci continueraient d’être exercées par la Région. ---------1 Cette contribution est extraite de la publication du Conseil régional de la Vallée d’Aoste intitulée Riforma costituzionale 2016. Per una comunità informata (mai 2016), réalisée par Anny Fontanazzi et Sandro Schincaglia, avec la participation scientifique du Professeur Roberto Louvin, destinée à informer la population de la région des implications de la réforme constitutionnelle en cours. [N.D.L.R.] Numéro 9 – octobre 2016 La Lettre d’Italie / 7 La voix d’Italie (2/2) L’Italicum : réflexions sur la constitutionnalité de la nouvelle loi électorale italienne en regard de la décision no 1 de 2014 et du contrôle imminent de la Consulta par Guisi Sorrenti Professeur de droit constitutionnel à l’Université de Messine 1. La nouvelle loi électorale italienne no 52 de 2015 (qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2016), dite Italicum, a été adoptée en vue d’assurer la stabilité de l’exécutif, dans le sillage des mesures de rationalisation du parlementarisme, vu la fragilité des majorités issues des urnes même après le tournant majoritaire du système électoral italien de 1993. Cette loi vise en fait à introduire un gouvernement de type primo-ministériel, affectant sensiblement les évolutions du parlementarisme italien. La nouvelle réglementation renforce précisément la légitimation de l’investiture du Président du Conseil, en attribuant la prime majoritaire à la liste arrivée en tête et non à la coalition, affaiblit le pouvoir de négociation des petits partis en prohibant l’apparentement entre les deux tours, et réduit la fragmentation politique en fixant des seuils plus sévères de représentation ; en bref, l’Italicum favorise la polarisation du système autour de deux « partis piliers » et de leur leader. Ce modèle se superpose à la réforme constitutionnelle Renzi-Boschi qui prévoit l’abolition du bicamérisme égalitaire et, en conséquence, la prérogative également attribuée au Sénat d’accorder au Gouvernement sa confiance, à la condition cependant qu’elle reçoive l’accord des Italiens lors du référendum qui se tiendra le 4 décembre 2016. Toutefois, après la décision no 1 de 2014 par laquelle la Cour constitutionnelle a annulé la loi électorale no 270 de 2005 dite Porcellum, toute considération sur l’utilité des modifications que la nouvelle loi promet d’apporter aux relations entre le Parlement et le Gouvernement et au fonctionnement de ce tandem quant à l’orientation politique doit être nécessairement précédée d’une évaluation de constitutionnalité de la réglementation. La décision capitale de 2014 a en effet considéré comme étant inconstitutionnels non seulement le système de la prime majoritaire prévue par la loi Porcellum, en ce qu’il était dépourvu d’un seuil minimal pour son attribution, mais aussi celui des listes bloquées, qui annihile les préférences exprimées par les citoyens, en violation tant de l’exigence de représentativité des assemblées parlementaires que de la souveraineté populaire (article 1er de la Constitution italienne), qui trouve dans le droit de vote son expression première. Avec sa décision de 2014, la Cour a investi dans le champ du contrôle juridique un terrain initialement confié de façon exclusive au politique, en franchissant une « zone franche » du contrôle de constitutionnalité. Cette avancée jurisprudentielle n’aurait pu avoir lieu sans quelque forçage procédural : la question, soulevée par la Cour de cassation qui avait à juger du contrôle du droit de vote devant le juge civil, était douteuse quant à sa rilevanza1 eu égard à l’issue de la décision à prendre par le juge du fond, car portant sur une loi déjà appliquée. Après la décision historique de la Consulta, toute loi électorale doit être confrontée aux limites qu’elle a fixées ; mais, concernant l’Italicum, la question n’est pas seulement théorique, puisqu’elle est déjà pendante devant la Cour, eu égard de nouveau aux modalités d’attribution de la prime majoritaire et au caractère toujours bloqué des listes (quoique désormais de façon partielle), ainsi qu’à d’autres aspects voisins. Les points de la loi qui doivent être évalués en tant que susceptibles de transgresser les principes fixés par la Cour constitutionnelle sont relatifs aux trois piliers sur lesquels porte la réglementation : le mécanisme d’attribution de la prime majoritaire ; les seuils minimaux requis ; les modalités d’expression du vote, en référence en particulier au vote préférentiel, aux possibilités de candidatures multiples et à la représentation du genre. 2. Après la décision no 1 de 2014, le législateur, pour prémunir la nouvelle réglementation électorale de tout vice de constitutionnalité, était chargé d’introduire « un seuil raisonnable de votes minimum pour prétendre à l’attribution de la prime » majoritaire, de façon à éviter que l’écart entre les votes effectivement obtenus et le nombre de sièges finalement attribués outrepasse un niveau acceptable. Un écart excessif aurait en effet entraîné une distorsion du vote - implicitement nécessaire pour toute prime majoritaire afin de parvenir à l’objectif légitime de gouvernabilité - incompatible avec l’exigence opposée et également d’importance constitutionnelle d’assurer une réelle représentativité des assemblées parlementaires. L’Italicum prévoit l’attribution de 340 sièges (correspondant à 55 % du total des 618 sièges, auxquels s’ajoutent les 12 sièges réservés à la circonscription de l’étranger) à la liste qui obtient au moins 40 % de votes au plan national ou, à défaut, à celle arrivée en tête suite au ballottage entre les deux listes obtenant le plus de voix. La loi interdit par ailleurs l’apparentement entre les partis entre les deux tours, empêchant de fait la formation de coalitions. Le choix du législateur de fixer le « seuil minimal de votes » à 40 % semble raisonnable, en ce qu’il n’affecte que de 15 % la correspondance entre la constitution de la majorité de gouvernement et son soutien effectif en nombre de votes, ce qui ne semble pas intolérable, si l’on considère qu’une prime moindre aurait été dangereuse pour le maintien de l’exécutif. Demeurent cependant quelques motifs de perplexité. Puisqu’il est en effet assez improbable, dans le panorama politique italien caractérisé par une fragmentation Après la décision no 1 de 2014, le législateur, pour prémunir la nouvelle réglementation électorale de tout vice de constitutionnalité, était chargé d’introduire « un seuil raisonnable de votes minimum pour prétendre à l’attribution de la prime » majoritaire (…) Numéro 9 – octobre 2016 La Lettre d’Italie / 8 endémique, qu’un parti obtienne 40 % des voix au premier tour, l’Italicum finit de façon réaliste par envisager le sort des choix électoraux du pays en considération de la perspective du ballottage qui deviendra en fait probablement une constante des élections. En ce cas, demeure la possibilité qu’une liste qui obtient par exemple seulement 26 % des suffrages au premier tour (hypothèse que la Cour constitutionnelle stigmatisait expressément dans sa décision no 1 de 2014), parvienne, en tant qu’une des deux listes arrivées en tête, au ballottage et le remporte. Dès lors, l’écart entre les votes et leur représentation en sièges s’élèverait à 29 %. Il est vrai qu’au second tour le nombre de voix qu’elle obtiendrait serait monté à au moins 50 % plus une, mais cela n’adviendrait qu’en raison des circonstances, l’alternative offerte aux électeurs étant réduite au choix entre deux listes. Il faut par conséquent se demander si le système à deux tours ne risque pas de se réduire à un pur mécanisme technique permettant artificiellement d’atteindre un pourcentage élevé de suffrages afin de s’adjuger la prime si désirée, tout en maintenant toutefois un déficit substantiel de représentativité. Afin de dissiper de tels doutes, la loi aurait alternativement pu : 1) prévoir, sinon la possibilité de coalitions au premier tour, du moins la possibilité d’apparentement au second, en considération par ailleurs de la présence, dans de nombreux pays européens, de gouvernements de coalition ; 2) prévoir un seuil minimum (bien inférieur à 40 %) devant être atteint dès le premier tour pour que le parti finalement victorieux au second puisse prétendre à la prime majoritaire. Ce n’est pas un hasard si ces variables sont parfois expressément insérées dans certains ordres juridiques qui prévoient dans leurs systèmes électoraux la possibilité de ballottage, en l’entourant des moyens nécessaires pour réduire les possibilités de distorsion. Il est infondé d’évoquer, pour avaliser le choix du législateur, et toujours dans une perspective comparatiste, un parallélisme avec les systèmes dans lesquels résulte du second tour l’élection à une charge de l’exécutif ; alors que, ici, la reductio ad unum entre les votes et la personnalité politique qui endossera la charge institutionnelle résulte logiquement - je dirais « naturellement » - du système, il en va différemment quand le ballottage est employé pour l’attribution de sièges d’un organe collégial tel une assemblée représentative dont il n’est aucunement dit que la majorité, par principe, doive être monocolore. 3. Selon l’Italicum, « accèdent à la répartition des sièges les listes qui obtiennent, sur la base nationale, au moins 3 % des votes » (sauf dispositions particulières pour le Val d’Aoste et le Trentin-Haut-Adige). Si en principe l’exclusion de l’accès à la distribution des sièges est contraire au principe d’égalité car elle prive de valeur certains votes, les seuils visent par ailleurs à induire chez les acteurs politiques des comportements destinés à favoriser les processus d’agrégation et de simplification de l’offre politique et constituent ce faisant un autre des correctifs à l’avantage de la gouvernabilité. La raison de ces seuils réside par conséquent, encore une fois, dans l’équilibre entre la représentativité des assemblées électives et les exigences de stabilité des exécutifs et de garantie de leur capacité décisionnelle. Plaident pour la raisonnabilité (ragionevolezza) de l’équilibre garanti à ce propos par le législateur italien le fait que, d’une part, presque tous les systèmes électoraux occidentaux ont introduit un seuil minimal compris entre 3 et 5 % et, d’autre part, une résolution adoptée le 18 avril 2007 par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe qui, tout en reconnaissant en la matière une grande marge discrétionnaire aux États, a considéré qu’il importait que les ordres juridiques des démocraties évoluées appliquent des seuils minimaux supérieurs précisément à 3 %. Si l’on cesse toutefois de considérer isolément ce choix et qu’on l’observe eu égard, aussi, à l’attribution de la prime majoritaire, on ne peut nier que les potentialités de distorsion du vote se multiplient en conséquence. L’important avantage en sièges satisfait déjà amplement l’exigence de gouvernabilité, raison pour laquelle peut s’avérer discutable une autre altération du caractère spéculaire des assemblées en regard de la composition du corps électoral. Face à la perspective de transformation possible du Sénat en Chambre des Régions désignée par des élections au second degré, la nécessité que la seule Chambre élue au suffrage universel conserve un degré suffisant de représentativité, d’articulation pluraliste interne et de capacité d’inclusion sociale est plus grande encore. On peut toutefois argumenter dans un sens contraire que les seuils minimaux sont destinés à réduire la fragmentation du front d’opposition, en le rendant plus compact et doté d’une capacité d’action efficace, atténuant en définitive le déséquilibre politique produit par la prime majoritaire en faveur de la liste vainqueur. Les évaluations possibles à ce propos confirment que le jugement que va rendre la Cour constitutionnelle relève plus d’appréciations délicates sur les aspects systémiques de la réglementation électorale que de démonstrations linéaires et rigides. 4. La loi ne démantèle pas du tout l’institution de la liste bloquée, mais la cantonne aux seules têtes de liste des cent collèges plurinominaux dans lesquels s’articulent les vingt circonscriptions électorales dont se compose le territoire italien. Il ne semble pas qu’il y ait à cet égard de vices d’inconstitutionnalité : la Cour constitutionnelle a en effet considéré comme inconstitutionnelle la seule hypothèse dans laquelle il manque aux parlementaires élus l’indication personnelle de leurs colistiers. Elle a ensuite en particulier souligné que les listes trop longues sont de nature à empêcher les électeurs de connaître et d’évaluer les nombreux candidats, pour accomplir un choix conscient. Plus problématique est en revanche la disposition qui permet à chaque candidat de se présenter dans plusieurs collèges, jusqu’à dix. La loi ne conditionnant aucunement la liberté du candidat qui s’avérerait élu dans plusieurs collèges d’opter pour l’un des sièges correspondants, des vices d’inconstitutionnalité potentiels pourraient résulter des doutes quant au respect de l’inclination personnelle de l’électeur pour l’élu. Le principe de personnalité du vote exigerait plutôt que soit attribué automatiquement au candidat plusieurs fois élu le siège correspondant au collège dans lequel il a obtenu le pourcentage le plus élevé de suffrages, de sorte que son affectation résulterait du choix de l’électorat et non d’une option subjective et entièrement libre du candidat. En outre, et pour se limiter pour l’heure à un constat factuel, dans le panorama quadripartite actuel (Pd, M5S, FI, Lega), si, ainsi que les enquêtes d’opinion le prédisent, il y a un écart notable entre le parti en tête et les trois autres, ces Numéro 9 – octobre 2016 La Lettre d’Italie / 9 derniers ne pourraient alors remporter qu’à peine plus de cent sièges (soit l’équivalent du nombre de circonscriptions existantes). De sorte que les sièges attribués à ces trois partis seraient presque exclusivement affectés aux têtes de liste, les figures de l’opposition constituant en quelque sorte un ensemble de « nommés », ce qui renforcerait le pouvoir contrôle de leur leader respectif. Quant au rééquilibrage entre les genres enfin, l’Italicum prévoit que les candidats soient placés sur la liste « selon un ordre alterné de genre » et qu’aucun des deux sexes ne puisse être représenté à plus de 50 % ; que parmi les têtes de liste il n’y ait pas plus de 60 % de candidats du même sexe ; que l’électeur puisse exprimer jusqu’à deux préférences, mais qu’en ce cas il doive voter pour des candidats de sexe différent, à peine de nullité de la seconde préférence. Conformément aux principes affirmés par une jurisprudence constitutionnelle consolidée en la matière (décisions nos 422 de 1995, 49 de 2003 et 4 de 2010) l’exigence légitime de rééquilibrage entre les deux sexes dans les lieux de représentation politique ne peut s’opérer au détriment excessif de la liberté de vote de l’électeur. À l’aune de cette orientation, on peut affirmer qu’en regard de la réglementation en vigueur il n’y a, si l’on excepte les listes bloquées, aucun conditionnement de la liberté de l’électeur étant donné que, outre le fait qu’il existe toujours la possibilité d’exprimer un seul vote de préférence, l’attribution des sièges dépendra de toute façon de la quantité des préférences reçues. 5. Ainsi qu’on l’a plusieurs fois dit, l’évaluation de l’Italicum d’un point de vue juridico-constitutionnel est liée à l’issue du référendum qui décidera du sort de la réforme constitutionnelle en cours. On comprend alors les raisons qui ont poussé la Cour constitutionnelle le 20 septembre dernier à renvoyer (probablement juste après la tenue du scrutin) sa décision sur les questions pendantes de constitutionnalité, alors qu’elle aurait dû la rendre le 4 octobre. En réorganisant son agenda, la Consulta évite sagement d’entrer dans l’arène politique qui voit s’opposer les tenants du « oui » et du « non » à la révision, et dont les positions sont liées à l’évaluation de l’Italicum ; d’autant qu’elle préserve ainsi avec précaution, par cette logique attentiste, son travail, devant l’intention annoncée que la loi soit prochainement soumise à certaines modifications significatives. Si c’était bien le cas, il s’agirait alors de la quatrième modification, depuis la loi Mattarellum de 1993, apportée au système électoral italien en un peu plus de vingt ans. traduction Julien Giudicelli. -------1 La rilevanza ou une question rilevante est définie par le Doyen Jean-Claude Escarras comme une « question ayant pour objet des dispositions ou des normes dont il y aura nécessairement à faire application dans l’action principale, soit qu’elles touchent au fond de celle-ci, soit qu’elles concernent la compétence du juge, les droits et devoirs des parties, les formes de la procédure l’acquisition des preuves, etc », J.-C. Escarras, « La justice constitutionnelle en Italie », Couv, vol. 1, 1987, p. 42 et s. Parlement Imbroglio législatif : le retour de la « fin de vie » à la Chambre des députés Le 16 septembre dernier, les partisans du Movimento 5 Stelle, sollicités par le député Matteo Mantero (photo ci-dessous), approuvent à plus de 90 % des voix, sur un total de vingt mille inscrits, les propositions de loi sur la déclaration anticipée de traitement régulant l’euthanasie passive. Cette problématique est au cœur des réflexions des parlementaires depuis le début de la XVIII législature ; notamment, dès 2013, avec la proposition d’initiative populaire présentée par l’association Luca Coscioni, soutenue par près de soixante-sept mille signatures. De manière générale, l’euthanasie est définie comme « l’action ou l’omission qui, par sa nature et les intentions de celui qui agit (euthanasie active) ou s’abstient d’agir (euthanasie passive), entraîne de manière anticipée la mort d’une personne atteinte d’une pathologie incurable afin d’abréger ses souffrances » (Enc. Treccani). Elle véhicule l’idée d’un « droit à mourir », plus précisément d’un droit à mourir dans la dignité, s’opposant à l’indisponibilité de la vie garantie à l’article 2 de la Constitution italienne. Imprégné de ce principe d’inviolabilité de la vie, l’article 579 du Code pénal, relatif à « l’homicide du consentant », punit « quiconque cause la mort d’un homme, avec son consentement, d’une peine d’emprisonnement de six à quinze ans ». Le consentement du patient n’est donc pas une cause d’exonération de la responsabilité mais seulement une circonstance atténuante justifiant une peine d’emprisonnement inférieure à celle prévue pour l’homicide volontaire. Dans le même ordre d’idées, l’instigation ainsi que l’aide au suicide par action ou omission sont incriminées à l’article 580 du même code. Néanmoins, ces dispositions ne s’appliquent pas à la situation dans laquelle le patient choisit délibérément de refuser les traitements thérapeutiques pouvant retarder ou empêcher sa mort. La législation italienne opère donc implicitement une distinction entre le fait de « provoquer la mort » et de « laisser mourir », qui est mise notamment en exergue par le Comité national de la bioéthique (Comitato nazionale per la Bioetica, « Rifiuto e rinuncia consapevole al trattamento sanitario nella relazione paziente-medico », 24 octobre 2008, p. 14). Seule la première hypothèse s’avère répréhensible ; la seconde, assimilable à l’euthanasie passive, apparaît légale dans la mesure où l’obligation de soin incombant au personnel médical ne peut se réaliser à l’encontre du consentement du patient. En ce sens, à l’occasion de l’arrêt no 438 de 2008, la Cour constitutionnelle italienne déduit des articles 13 et 32 de la Constitution « le droit [en vertu duquel] […] nul ne peut être contraint à un traitement médical spécifique ». L’effectivité de ce droit apparaît dans les faits toute relative pour les personnes en état végétatif chronique. Cependant, on se rappellera que la Cour de cassation a fait droit à la demande d’un père de famille Numéro 9 – octobre 2016 La Lettre d’Italie / 10 d’interrompre les traitements maintenant en vie sa fille, Eluana Englaro1 . En l’absence de législation sur la « fin de vie », le champ d’application de la déclaration anticipée de traitement, permettant à une personne d’exprimer de manière anticipée des indications de traitements dans l’hypothèse où elle se trouverait dans une situation d’incapacité d’exercer son propre droit à consentir, est sujet à controverse. À cet égard, le dépôt d’une vingtaine de propositions de loi sur la fin de vie à la Chambre des députés témoigne d’une volonté commune de combler ce vide juridique. Ces propositions dévoilent toutefois des objectifs antagonistes. Une première catégorie de propositions, soutenant celle d’initiative populaire, préconise la dépénalisation de l’euthanasie, se faisant « un devoir juridique et moral, d’attribuer à l’individu atteint d’une pathologie incurable en phase terminale la faculté de choisir les modalités de sa propre existence », selon les termes de la députée Titti Di Salvo. La proposition no 2218 de la représentante de « Libertés et droits sociaux européens » du groupe « Parti démocrate » à la Chambre des députés se rapproche de celle de Marisa Nicchi (no 2973), députée pour la Sinistra Ecologia Libertà, du groupe SI-SEL (SI, Sinistra Italiana) et de celle présentée par la députée Eleonora Bechis (no 3336), à l’origine de « Alternative Libre » dans le groupe mixte de l’assemblée parlementaire. En revanche, pas moins de seize propositions de loi présentées, notamment par Raffaele Calabro de Area Popolare (coalition regroupant le Nuovo Centro Destra et l’Unione di Centro), par Settimo Nizzi, député de Forza Italia mais également par Vanna Iori du Parti démocrate, préconisent de réguler le consentement éclairé du patient dans le respect de la législation actuelle. Ces oppositions traduisent des interprétations divergentes, et surtout irréconciliables, du droit en vertu duquel nul ne peut être contraint à un traitement médical spécifique. Les premières considèrent que « le droit à la vie ne peut pas être entendu comme une coercition à vivre, indépendamment des conditions concrètes d’une pareille survie » pour reprendre les propos de la députée Titti Di Salvo. Il ne s’agit pas pour autant de consacrer un « droit à mourir » de manière absolue. Les propositions s’efforcent de subordonner la dépénalisation de l’euthanasie, d’une part, à la réunion de plusieurs conditions liées à la capacité de la personne, à son consentement éclairé et à sa pathologie et, d’autre part, à diverses obligations à la charge du médecin. Elles réservent la possibilité de « demander et d’imposer à un tiers de mettre fin à sa vie » aux personnes atteintes de pathologies à « caractère incurable » dont le pronostic vital est « funeste » (PDL no 2218 et no 2973), voire inférieur à dix-huit mois (art. 3, PDL no 1582). De surcroît, la pathologie doit également engendrer de « graves souffrances » (ibidem) ou des « souffrances physiques ou psychiques insupportables » (PDL no 2218 et PDL no 2973) ; sur ce point la proposition no 2218 ajoute que ces souffrances doivent être telles qu’on ne peut les éliminer au moyen de traitements pharmaceutiques. Il s’agit donc pour une personne condamnée à mourir de pouvoir choisir de mettre un terme à d’insupportables souffrances. Par ailleurs, les textes fixent une série d’obligations à la charge du médecin visant principalement à éclairer le consentement du patient et à confirmer le caractère grave et incurable de la maladie. Sur ce dernier point, le médecin est tenu de requérir un autre avis médical, de prendre en compte les considérations de son équipe puis, dans le cas où il retiendrait que le décès « ne surviendra pas à brève échéance », il se doit de consulter un psychiatre ou un spécialiste de la pathologie afin qu’il s’assure du caractère « volontaire, répété et pondéré de la demande ». En outre, un délai d’un mois, à compter de la déclaration du patient, est nécessaire pour procéder à l’euthanasie. La proposition no 3336 présentée par la députée Eleonora Bechis présente l’originalité d’exclure l’objection de conscience du corps médical. La rigueur de ces conditions et la procédure à respecter dévoilent que le doute n’a pas sa place, que ce soit dans la déclaration d’intention du patient ou dans l’intervention médicale qui met volontairement fin à la vie d’une personne. La légalisation de l’euthanasie s’accompagne également de dispositions visant à réguler les modalités de la déclaration anticipée de traitement. Sur ce point, le principal objet de discorde entre les partisans des propositions sur le testament biologique réside dans ce qu’il faut entendre par traitements susceptibles d’être interrompus. Une interprétation restrictive des traitements sanitaires, défendue notamment par les propositions de Raffaele Calabro (PDL no 3596) et Settimo Nizzi (PDL no 3584), exclut de la déclaration anticipée de traitement « l’hydratation et l’alimentation artificielle » en ce qu’elles garantissent les fonctions physiologiques essentielles du patient. Pourtant, l’ensemble des détracteurs de l’euthanasie ne partage pas ce point de vue. Ainsi, plusieurs députés appartenant au Movimento 5 Stelle incluent dans la déclaration anticipée de traitement l’interruption de l’alimentation et de l’hydratation artificielle à l’instar de la proposition déposée par Vanna Iori du Parti démocrate (PDL no 3630). En définitive, l’ensemble des députés reconnaît un droit de refuser des traitements sanitaires sans pour autant s’accorder sur les limites de ce dernier. Les Commissions parlementaires chargées d’examiner ces propositions, préalablement à la discussion à la Chambre des députés (à savoir, la Commission II « Justice » et la Commission XII « Affaires sociales »), semblent également se heurter à des désaccords. En effet, l’examen des propositions soutenant la dépénalisation de l’euthanasie, initié le 1er mars 2016, a été reporté à une date indéterminée. Notons à ce sujet, que le Président de la Commission XII « Affaires sociales », Mario Marazziti, du groupe Democrazia solidale - Centro democratico, a également présenté une proposition de loi sur la déclaration anticipée de traitement s’opposant à la dépénalisation de l’euthanasie. Par ailleurs, le comité restreint chargé par ces commissions de présenter un texte unifié des seize propositions précédemment mentionnées enchaîne les réunions depuis le 28 avril. Ce n’est qu’une fois l’unification des propositions effectuée par les Commissions réunies que la Chambre des députés pourra s’acquitter de la lourde tâche de concilier l’indisponibilité de la vie avec le droit de refuser des traitements sanitaires, de manière à garantir la dignité de la personne humaine dans la vie comme dans la mort. Tatiana Disperati. ---------1. Cass., 16 octobre 2007, no 21748. La Haute juridiction subordonne l’arrêt des traitements à la réunion de deux conditions. D’une part, le sujet doit avoir été déclaré dans un état pathologique de coma irréversible, sans aucune possibilité, avec les moyens des connaissances médicoscientifiques universellement connues, d’améliorer et/ou récupérer l’état de conscience et de perception, entendu au sens large. D’autre part, lorsque le patient était en état de le faire, il doit avoir exprimé une volonté en ce sens ou que celle-ci puisse se déduire de la culture, de la religion, de l’expérience de vie et de ses convictions sociales, psychiques et physiologiques. En définitive, l’ensemble des députés reconnaît un droit de refuser des traitements sanitaires sans pour autant s’accorder sur les limites de ce dernier. Numéro 9 – octobre 2016 La Lettre d’Italie / 11 Élections municipales Les débuts de Virginia Raggi à la mairie de Rome : entre défis et controverses Virginia Raggi est la première femme à occuper le poste de maire de Rome et de la métropole. Elle est aussi le premier maire de la capitale, élu sous l’étiquette du Movimento 5 Stelle (M5S). Elle est enfin le plus jeune maire de la capitale. Cette avocate de 38 ans, ancienne étudiante de l’université de Rome La Sapienza, spécialiste de droit civil, du droit d’auteur et du droit de la propriété intellectuelle, a été élue le 19 juin 2016, avec plus de 67 % des voix des Romains. La démission de son prédécesseur, Ignazio Marino, mis en cause pour des « affaires », mais également pour une gestion jugée désastreuse de la ville (v. M. Bardin, « Rome : le “bras de fer” qu’Ignazio Marino ne pouvait gagner », LLI, no 7, pp. 20-22) avait entraîné la dissolution automatique du conseil municipal et l’organisation d’élections anticipées. C’est à l’issue des primaires organisées sur internet par son parti que Virginia Raggi s’est portée candidate au poste de premier édile. Au détriment de son opposant Marcello De Vito, elle aurait, par ailleurs, bénéficié du soutien du cofondateur du M5S, Gianroberto Casaleggio (décédé deux mois avant l’élection) pour sa modernité, sa prestance et son éloquence. Le choix du parti reste étonnant, car en dehors d’être un « pur produit du laboratoire 5 étoiles » selon La Stampa, Virginia Raggi n’a pas une grande expérience politique. Celle-ci se limite à un mandat de conseiller municipal à Rome (elle avait été élue en juin 2013). Durant ce mandat, elle a été porte-parole du conseil municipal et a « suivi avec attention » (selon ses dires) entre autres les travaux de la Commission des écoles, les politiques sociales, culturelles, les politiques pour la jeunesse ou encore le dossier de Rome Capitale. En définitive, c’est précisément le fait d’être novice, le fait de n’être pas mêlée à des affaires de corruption et de prôner la transparence qui ont permis à Virginia Raggi de gagner les élections. Au premier tour, le M5S et Virginia Raggi recueillaient un peu plus de 35 % des voix. Le parti disposait alors de 29 sièges sur les 48 constituant le conseil municipal. Cependant, cela ne permettait pas à la jeune femme d’être élue directement maire de Rome. Il faudra attendre le second tour, le 19 juin 2016, pour qu’elle l’emporte avec un peu plus de 67 % des suffrages exprimés face au candidat du Pd, Roberto Giacchetti, pourtant à la tête d’une large coalition de centre gauche. Si Virginia Raggi a emporté l’élection « haut la main », elle fait face à de nombreux défis. En effet, elle doit aujourd’hui diriger une ville dont la dette s’élève à 11 milliards d’euros. L’une de ses premières décisions a été de renoncer à porter la candidature de Rome pour les Jeux Olympiques de 2024, tout en sachant que des dossiers urgents, telles la crise de la gestion des ordures ou celle des transports, l’attendaient. À ce propos, Roberto Morassut, membre du Pd et donc de l’opposition, n’hésitait pas à évoquer une « capitale paralysée ». Cependant, avant de pouvoir résoudre ces problèmes, elle a dû constituer une équipe municipale viable. Un exercice nouveau pour lequel elle a déjà été fortement critiquée. Entre des personnalités jugées controversées et des méthodes parfois qualifiées de « douteuses », elle, qui se voulait exemplaire, en s’étant engagée à travailler en « toute transparence » est accusée de ne pas adopter « librement » ses décisions. I. - UN MAIRE INCAPABLE DE CONSTITUER UNE ÉQUIPE MUNICIPALE ? La constitution de l’équipe municipale, quelques semaines plus tard, n’a pas mis fin aux polémiques qui se sont même amplifiées après l’été. Tout a commencé le 1er septembre, avec le renvoi de la chef de cabinet, Carla Romana Raineri. Selon un avis de l’ANAC (l’Autorité Nationale AntiCorruption instituée en 2014), celle-ci n’aurait pas été nommée conformément à la réglementation en vigueur (décret législatif no 267 de 2000, Testo unico enti locali). Elle était également mise en cause, depuis l’été, à propos du montant jugé exorbitant de ses salaires. Le même jour, Marcello Minenna, ancien membre de la Consob (Commissione nazionale per le società e la Borsa), démissionnait, de son poste d’adjoint au « budget, au patrimoine et à la réorganisation des délégations » (il avait été nommé le 6 juillet). Le conseil municipal prenait alors la décision de séparer les différentes fonctions. Le 7 septembre, par l’ordonnance du maire no 74 (disponibles sur www.comune.roma.it), Raffaele De Dominicis était nommé comme adjoint au Budget. Virginia Raggi commentait la nomination de cet ancien magistrat de la Cour des comptes en termes élogieux en affirmant qu’il s’agissait d’une « personnalité de premier ordre », à la fois un « magistrat » et un « technicien » ayant « combattu pour la légalité et la transparence ». Elle s’estimait ainsi honorée d’accueillir un « serviteur de l’État » dans son équipe. Pourtant, le 28 septembre, une autre ordonnance (no 75) portait retrait de cette nomination et reportait la désignation d’un nouvel adjoint à une date ultérieure. C’est finalement Andrea Mazzillo, un proche collaborateur de Virginia Raggi (il a notamment été en charge de la collecte de fonds et de la direction de sa campagne électorale), qui est désigné au poste d’adjoint au budget. Conformément aux règles relatives à la nomination des membres de la junte, il justifiait d’une solide expérience en économie et en matière de finances locales. Massimo Colomban, un entrepreneur vénitien proche de la direction du M5S, était également nommé pour gérer les collaborations avec les sociétés qui travaillent pour Rome. En revanche, Virginia Raggi décidait de conserver dans son équipe Stefano Fermante au poste de comptable général de la commune alors même que ce dernier avait été nommé par le maire démocrate sortant, Ignazio Marino, en décembre 2014. La presse italienne n’a cependant pas manqué, durant l’été, de se faire l’écho d’une rumeur selon laquelle Stefano Fermante aurait proposé sa démission. Enfin, en juillet, Virginia Raggi nommait Paola Muraro, en juillet, en tant
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