BSC NEWS MARS 2013 - Page 2 - Avec Omar Porras, Catherine Deneuve, Frédéric Diefenthal, Catherine Jacob, Skeleton Band, Marion Peck, Gwendoline Hamon, Philippe Seguy, Emmanuelle Bercot, 2 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 56 - MARS 2013 de NICOLAS VIDALL’édito Le mois de mars s’écoule lentement et le printemps est toujours un grand indécis. C’est une période charnière entre l’hiver et l’été où nous avons appris à composer avec le froid et le gel. Malgré nous et contre notre plaisir. Chaque année, le printemps se fait désirer. Il sait jouer avec nos nerfs en nous donnant une pointe de redoux remplacée brutalement par une langue froide et glaciale. Puis il revient, butine, s’enhardit de nous de faire espérer. Ensuite, les premières douceurs florales apparaissent progressivement, sur la pointe des pieds, sans se hâter. On ne sait jamais quel crédit leur donner tant l’on pourrait être déçu. Alors il est plus sage d’y croire par petits bouts et par de courtes phrases bien faites, ni trop confiantes, ni trop hâtives. Peu à peu, on sait qu’il est là et que nous pourrons à nouveau faire comme bon nous semble sans risquer de trembler. Car on désire le printemps comme on désire un bon roman sur lequel on se délecte. On lit quelques pages puis il est l’heure de faire autre chose : dormir, partir, travailler, s’assoupir ou dîner. Un bon roman a la finesse de la brièveté, car il n’a jamais assez de mots et de pages pour nous combler indéfiniment. Un bon roman se lit rapidement et se termine trop tôt. On peut bien entendu le relire, mais il n’aura jamais le bonheur vierge de la première lecture. En fait, un bon roman est comme le printemps, il est toujours trop court. Heureusement qu’ils sont nombreux, les bons romans, pour ne jamais nous ôter le plaisir de la lecture. Afin de vous mettre dans les meilleures dispositions pour entamer ce printemps 2013, nous avons convié dans nos pages plusieurs personnalités passionnantes telles que Omar Porras, Marion Peck, Frédéric Diefenthal, Géraldine Hamon, Philippe Séguy et bien d’autres que je vous laisse le plaisir de découvrir au fil de votre lecture de ce 56e numéro du BSC NEWS MAGAZINE. Vous êtes toujours plus nombreux à nous lire tous les mois et n o u s v o u s r e m e r c i o n s chaleureusement de votre fidélité. Merci. Un bon roman est comme le printemps, il est toujours trop court 3 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 56 - MARS 2013 4 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 56 - MARS 2013 MARION PECK p.14 FrEDERIC DIEFENTHAL p.79 OMAR PORRAS p.6 PHILIPPE SEGUY p.32 GWENDOLINE HAMON.67 Valérie Mangin p.57 5 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 56 - MARS 2013 EMMANUEL VACCA p.85 LES 6 ALBUMS P.107 LE SKELETON BAND p.103 Spécial Berlinale P113 6 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 56 - MARS 2013 THÉATRE OMAR PORRAS Omar Porras est un metteur en scène d'origine colombienne qui s'est formé à la danse et au théâtre en Europe. En 1990, il a fondé à Genève le Teatro Malandro, un centre de création, de formation et de recherche, qui a été à l'origine de nombreuses mises en scène mémorables ( notamment d'oeuvres classiques) dans lesquelles l'on a pu découvrir une technique théâtrale spécifique, axée notamment sur le corps du comédien et l'utilisation de masques, et qui s'inspire à la fois des traditions occidentales et orientales. Omar Porras apporte à ses mises en scène un je ne sais quoi d'onirique et de fantaisiste exaltant ; certains se souviendront notamment de son Scapin pétaradant de couleurs et de fourberies dans un cadre rétro et électrique ou encore de son El Don Juan d'après Tirso de Molina bouleversant d'athéisme frondeur et de rêveries tragiques. L'éveil du printemps ,d'après Frank Wedekind , est l'une de ses dernières créations en tournée; une oeuvre, montée non sans scandale en 1906, qui peint les troubles de la sexualité naissante chez un groupe d'adolescents et critique sans vergogne les instances religieuses, pédagogiques et parentales qui refusent d'assumer le problème en l'ignorant totalement. On y rencontre ainsi des adolescents ignorants des secrets de la procréation et des mystères du désir et...des drames s'en suivent: avortement forcé, perte de virginité non maîtrisée, suicide, désirs refoulés. Omar Porras a mis son talent à contribution pour explorer lui aussi, de façon symbolique et poétique, l'apprentissage du désir et le passage de l'adolescence à l'âge adulte. Metteur en scène de génie au verbe économe mais nimbé de conviction et de sagesse, nous sommes très heureux de vous le faire rencontrer ce mois-ci. Texte Julie Cadilhac / Photo Eddy Mottaz & Marc Vanappelghem 7 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 56 - MARS 2013 Comment s'est porté votre choix pour L'éveil du printemps? Qu'est-ce qui vous a séduit dans la tragédie de Frank Wedekind? Il y a évidemment le sujet qui m’a séduit car la pièce enferme tellement de questions à la fois; elle donne aussi l'opportunité de dévoiler en même temps les difficultés de l’adolescence mais également la possibilité de casser les tabous qui enferment les jeunes adolescents. Diriez-vous qu'aujourd'hui que les problématiques de l'éveil à la sexualité chez les adolescents sont aussi complexes qu'à la fin du XIXème siècle , que la même violence régit l'entrée dans le monde adulte pour les jeunes et que vous avez travaillé en ce sens, voulu exprimer cela? Je crois que les choses ont changé: la communication, l'éducation et la morale ont évolué; le concept de la famille est beaucoup moins rigide qu'autrefois. Je pense cependant que l'adolescence est un passage périlleux et vecteur d'une sensibilité majeure. Ce n'est pas seulement le temps qui fait changer la psychologie et la pensée d'un homme. L’adolescence est un bouleversement physique radical qui s'opère et déstabilise; ces questions seront toujours pressantes à mon avis. Marco Sabbatini travaille avec vous depuis onze ans déjà : quelle touche personnelle a -t-il apporté, dans son adaptation et traduction, à L'éveil du Printemps selon vous? Marco a suivi toutes les répétitions et a adapté son travail à ce qui se faisait sur le plateau. On est parti du texte original et Marco a donné une touche qui est, je dirais, semblable à la jeunesse de la troupe qui la joue et qui travaille avec moi. Marco Sabbatini dit que vous " désacralisez le verbe pour mieux en révéler les potentialités théâtrales": le texte est-il d'abord une simple musique pour vous, un prétexte pour jouer? Je pense qu'il n'y a pas d'oeuvre de théâtre sans le texte, pas de spectacle sans le texte. C'est un support fondamental et à partir de ce support, on trouve sa liberté et on construit son propre monde tout en respectant une série de parallèles et de consignes. Après, évidemment, il y a le rythme, la c o u l e u r, l a t e x t u r e q u i n o u s appartiennent à nous personnellement et que nous insufflons à ce texte. C'est une pièce porteuse de plusieurs évènements tragiques que vous avez choisi de montrer tels quels?…ou avezvous inséré des effets "imaginaires" pour atténuer la violence des réalités évoquées? Nous avons cherché à rester le plus f i d è l e p o s s i b l e a u t e x t e m a i s évidemment, dans le processus de création, il y a des transformations qui sont inattendues, imprévisibles et qui révèlent des nouveautés et des qualités occultes mais c'est la scène elle-même qui donne cette possibilité de plonger et de découvrir de nouvelles choses. Et, oui, la violence 8 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 56 - MARS 2013 du texte est reproduite; je ne veux pas censurer les propos de l'auteur. On peut lire que la mise en scène n'est pas préméditée dans le travail du Teatro Malandro, qu'elle est fille de Spontanéité et qu'elle passe beaucoup par l'improvisation des acteurs. Vous êtes donc une sorte de chef d'orchestre , un maître du jeu….plutôt qu'un metteur en scène? Je laisse effectivement les acteurs très libres sur le plateau mais je les accompagne dans les choix qu'ils font, dans les décisions aussi que le plateau est obligé de prendre. C'est la scène qui nous oriente tous. Deux axes principaux dans cette pièce: la musique tout d'abord…. est-elle un personnage à part entière, soutient-elle l'action, estelle descriptive? C'est un personnage en soi. Elle a été composée exprès et en direct pour le spectacle. Le deuxième axe est la jeunesse et vous dîtes que " les comédiens ne jouent pas des enfants mais l'idée que l'on se fait d'eux. L'idée au sens platonicien du terme, c'est à dire l'absence de l'enfance. " Pourriezvous préciser cette pensée? On a cherché à ce que les comédiens représentent leur propre enfance; on y est arrivé par une sorte de dépouillement dans le jeu et dans l'expressivité qui amène à une certaine limpidité , une certaine économie de jeu. 9 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 56 - MARS 2013 10 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 56 - MARS 2013 Travaillez-vous toujours avec la même troupe ou est-ce que ,pour chaque spectacle monté, vous sélectionnez de nouveaux comédiens? Je travaille avec un noyau de comédiens. Dans le vrai sens de «troupe» . C o m m e n t c h o i s i s s e z - v o u s l e s comédiens qui intègrent la troupe justement? Il y a une sélection assez longue; il y a eu environ 200 comédiens qui ont participé à cette sélection. C'est une troupe entièrement francophone. Je travaille avec des gens avec lesquels on part du principe qu'il y a le désir commun de travailler ensemble et de participer au processus de création en profondeur. Dans vos précédentes pièces, il y a toujours une part d'onirisme et de fantaisie: la retrouve-t-on dans l'Eveil du printemps? La fantaisie est quelque chose qui est fondamental pour l'acteur . Ce monde magique l'est aussi avec l'assemblage de la musique, de l'image, du jeu et de l'énergie. Tout cela est imaginé pour donner une texture, une forme de jeu particulière et créer cette sorte d'esprit féérique. Vers quels écueils cette pièce aurait pu vous porter? et quels étaient ses atouts intrinsèques pour une mise en scène selon vous? Je crois que donner la vie à une pièce de théâtre, à un texte qui est posé dans un livre, est une énorme tâche, un énor me chantier qui relève de l'exigence et ,en permanence, de la difficulté. Je ne crois pas qu'il y ait des c h o s e s f a c i l e s … m a i s o n e s t naturellement attiré en tant qu’artiste par le risque, l'aventure, la difficulté. Au contact de cet auteur, quelles leçons en avez-vous gardées? Cette oeuvre nous montre la fragilité de l'être humain et aussi cette richesse qui se tasse quand on devient adulte . En même temps, même adultes, nous gardons des mystères et des doutes et je crois qu'il y a encore en nous de l'adolescence qui cherche encore; quelque part, on garde beaucoup de questions, et même par fois des séquelles et des traumatismes. La pièce révèle que nous gardons tous une marque de cette époque. Enfin, pour conclure, vous avez mis en scène aussi un Roméo et Juliette dernièrement... Oui, c'est une création que j'ai faite au Japon et qui va venir en Europe en septembre 2013. Il y a une continuité dans les thèmes mais la différence, c'est qu'il y a des acteurs d'une autre culture. 11 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 56 - MARS 2013
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