BSC NEWS FEVRIER 2011 - Page 2 - BSC NEWS MAGAZINE FEVRIER 2001 - avec isabelle Alexis, Anne Goscinny, Stéphanie Des Horts, Lost Fish, Rémy Stéfani, Gaston bellemare, Pacôme Thiellement, Vincent Farges, Fanny Chesnel, ue ces paroles sont douces à entendre : la culture pour tous, la démocratisation de la culture, l’accès gratuit à la culture... On se surprend presque à rêver d’un monde où chacun aurait droit à une part de culture identique à celle de son voisin. Où il n’y aurait plus d’enclaves de gens cultivés et les autres, écrasés par la culture de masse, par les émissions de télé réalité et les séries américaines. Les politiques culturelles nous assurent que tous les dispositifs sont mis en place pour que celle-ci fasse pleinement partie de la vie de tout un chacun et qu’elle continue d’exister. Seulement, aujourd’hui le secteur de la culture connaît des jours de plus en plus difficiles et s’apprête à vivre un avenir sombre. De très nombreux acteurs culturels du théâtre, de la danse, de l’édition, des arts plastiques sont subventionnés et, pour la plupart d’entre eux, sous perfusion. Aujourd’hui, cet équilibre déjà fragile est de plus en plus menacé par la culture de masse, celle qui inonde nos vies et investit notre espace intellectuel sans nous laisser le choix de sa nécessité. La culture de masse est à la fois un alibi élégant pour vendre une marchandise à grande échelle mais également un moyen de divertir le plus grand nombre à moindre coût. Certains vous diront que cela s’apparente à de la culture qu’il ne faut pas la dénigrer au risque de paraître élitiste, ceux-là même qui ne consomment pas ce genre de divertissement et qui prennent bien soin de côtoyer une culture plus constructive et plus intéressante. La menace que représente cette extraordinaire développement de la culture de masse (ou mainstream pour ceux qui souhaitent frimer) est de laisser la culture aux mains d’une élite. Une fois encore, le BSC NEWS souhaite de toutes ses forces vous proposer une culture distrayante, amusante et passionnante faite par des individualités culturelles de talent. Continuons d’être subversifs, soutenons le pouvoir de la culture et son don infini pour l’ouverture d’esprit. Ils sont le fruit de sensationnelles découvertes dans tous les arts confondus et toutes les disciplines culturelles. Réhabilitons le pouvoir de la Q Édito PAR NICOLAS VIDAL culture. En ce début d’année 2011, nous lançons une grande enquête de satisfaction à l’attention de nos lectrices et de nos lecteurs. Nous serions heureux de recevoir votre avis sur le BSC NEWS MAGAZINE qui nous sera très précieux pour améliorer la qualité de notre magazine. Cela ne vous prendra que 2 minutes ! Nous vous en remercions par avance. La rédaction du BSC NEWS MAGAZINE Je donne mon avis en cliquant ici > DONNEZ-NOUS VOTRE AVIS SUR LE BSC NEWS MAGAZINE Pacôme Thiellement Sommaire P. 50 Stéphanie Des Horts P. 38 P. 90 Anne Goscinny P. 6 Rémi Stéfani Gaston Bellemare P.58 Fanny Chesnel P.21 J-S Bordas Rejoignez-nous sur Facebook et devenez Fan du BSC NEWS - CLIQUEZ ICI >> P.77 Chloé Stéfani P.90 Vincent Farges P.102 Etre la fille de René Goscinny n’est-ce pas un héritage lourd à porter ? Comment vous en êtes-vous émancipée ? Non ! Au contraire c’est extrêmement doux et léger d’être la fille d’un homme qui a fait rire la planète ! Ce qui est lourd, ce qui est triste, c’est d’avoir perdu mon père si tôt. J’avais neuf ans…Mais mon père, je m’en rends compte tous les jours, fait partie de la vie des gens. D’abord parce qu’il est lié à leurs premiers souvenirs de lecture, ensuite parce que mon père est l’inventeur d’expressions utilisées par tous. Par exemple, « tomber dedans quand on est petit » (Obélix). « Vouloir être calife à la place du calife » (Iznogoud), « tirer plus vite que son ombre » (Lucky Luke). Et puis, les adaptations cinématographiques de son œuvre, (récemment le Petit Nicolas a été un énorme succès) l’empêchent d’être oublié ou même confondu. Son œuvre est très particulière : elle a déculpabilisé les adultes de lire de la bande dessinée ! Genre qui était avant mon père réservé aux enfants. Je n’ai pas à m’émanciper de l’œuvre de mon père. Je ne peux pas imaginer un jour lui arriver à la cheville ! Je lis Astérix ou Lucky Luke et je ris aux larmes… Je ne sais d’ailleurs jamais ce qui vient d’abord, du rire ou des larmes. Le rire appelle les larmes de devoir tourner les pages d’un livre pour entendre sa voix, et les larmes appellent le (sou)rire d’avoir la chance de rire des calembours de cet homme qui m’a donné la vie. Quel est le fil conducteur qui unit vos romans ? Dans « Le bureau des solitudes », vous plantiez déjà un avocat psychanalyste ENTREVUE ANNE GOSCINNYPropos recueillis par Emmanuelle De Boysson Photos A.Meyer Anne Goscinny est la fille et l’unique ayant droit de l’écrivain, humoriste, scénariste de bande dessinée, René Goscinny. Le créateur d’Astérix, du Petit Nicolas et le principal scénariste de Lucky Luke. Parolière, elle est l’auteur de chansons interprétées par Serge Reggiani. Critique littéraire, romancière, elle a publié trois romans chez Grasset « Le banc des soupirs » a la forme d’un polar : une femme a été tuée, la police enquête et interroge les témoins qui ont croisé le principal suspect, mari de la victime et psychanalyste. Il est d’abord une plongée dans le mystère de personnages perdus, des naufragés, comme elle les qualifie. Terriblement attachants. Anne Goscinny a l’art de sonder les âmes. De nous entraîner dans une ronde une ronde envoûtante et palpitante, jusqu’au coup de théâtre final. qui recevait ses clients, pourquoi êtes-vous a t t i r é e p a r l e s c o n fi d e n c e s , l a psychanalyse ? Je ne cherche pas la cohérence d’un roman à l’autre. Je ne m’interdis rien. J’essaye juste de progresser. D’être plus juste. Je suis très critique et très exigeante. Je lis beaucoup et tout le temps. J’aime l’idée de dépendre d’un livre et de personnages de papier pour être comblée… Je suis attirée par les autres, par leur vie, leurs blessures, leurs fêlures. Mes personnages sont des naufragés. J’aime écouter. Mais je suis un peu voyeur aussi ! J’aime surprendre les conversations de gens que je ne connais pas. Il m’arrive de prendre un café et d’écouter les gens de la table d’à côté.... J’observe aussi beaucoup. Sans répit. Les gestes, les tics de langage, le mimétisme… Je guette les lapsus, les miens et ceux des autres, et je les savoure comme on ouvre un cadeau ! Croyez-vous à l’analyse ? Ce serait péremptoire et prétentieux de répondre à cette question. Je ne me sens pas de légitimité sur ce sujet. En revanche, j’ai eu la chance de croiser des psychanalystes exceptionnels. Je peux parler des personnalités en face desquelles j’ai eu la chance de m’asseoir. Trois me viennent à l’esprit (dont un qui est toujours d’actualité !). A chaque fois, j’ai eu conscience de vivre une expérience extraordinaire, de progresser, de me débarrasser de ce qui pouvait entraver ma liberté. Si j’osais, je dirais que la psychanalyse est un chemin vers la liberté. Celle qu’on s’accorde à soi-même, celle aussi qu’on offre aux autres. Ce chemin-là a des issues mais pas de fin. Comment créez-vous vos personnages : Jeanne, la dernière patiente, le mari, la femme de ménage, l’ami, la mère. Vous inspirez-vous de votre entourage ? Quels sont ceux que vous préférez ? Je m’inspire de mon entourage. J’observe, je brode. J’aime l’idée du point de croix… Croix après croix, le motif apparaît. On est fascinés que ces petits points dessinent un soleil, un prénom ou des cerises. Mes personnages, comme je vous le disais, sont des naufragés ! Je suis chacun d’eux. Ils sont les différentes petites croix qui me dessinent. Dans le banc des soupirs, Jeanne me ressemble. Je voulais l’appeler Claire, et puis j’ai voulu l’appeler Blanche. Et tout d’un coup, elle est devenue Jeanne. J’ai laissé venir à moi ce prénom. Sans me poser de questions. Ce n’est qu’en relisant les épreuves que j’ai réalisé que Jeanne, c’était Anne et Je. Ce personnage ne se contente pas de me ressembler, il est doublement moi ! J’ai la même tendresse pour tous mes personnages. Les créer, les animer, les regarder rire, jouir ou pleurer me transporte. Je me sens toute-puissante le temps d’un chapitre ! Très vite, je redescends sur terre quand mes enfants me font remarquer que j’ai encore oublié la barre de chocolat dans le pain au lait du goûter ! « Le banc des soupirs » est construit comme une enquête policière avec des dépositions successives, pourquoi ce choix ? Ce n’est pas un choix, c’est un prétexte ! Je voulais écrire sur l’intimité du cabinet du psychanalyste. Il fallait que je trouve un angle. Je ne pouvais pas me contenter de décrire des séances ! Il fallait que le lecteur ait envie de continuer le livre ! Et puis je voulais absolument faire du personnage du psychanalyste un personnage sombre et désagréable. Je ne règle aucun compte mais je me demande souvent ce que les psys font de la tristesse et des angoisses dont ils sont toutes les quarante-cinq minutes (ou trente, ou dix, ça dépend des écoles !) les dépositaires. Alors j’ai imaginé ! Pourquoi un rat, comme témoin ? Le rat est par essence dans notre société l’emblème de l’animal dont il faut se débarrasser. Le rat est laid, sale, mal-aimé. J’ai aimé en faire l’animal de compagnie de cet adolescent. J’ai tenté de parler du décalage perçu souvent par les adolescents entre ce qu’ils sont et ce que l’on voudrait qu’ils soient ou qu’ils deviennent. Adolescent, on ne comble que rarement les adultes qui nous entourent ! Trop maigre, trop gros, trop bruyant ou mutique, passionné par l’incompréhensible, révolté ou admiratif… Anne Sylvestre dans une chanson a écrit ce qu’avec mon adolescent entiché de son animal nuisible aux yeux de tous, j’ai tenté de dire : « C’est vers douze ans que ça débarque Elle accepte plus les remarques Elle désespère l’entourage En tenue de ski sur la plage On ne peut plus et c’est un comble La plaisanter du bout de l’ongle C’est l’éternelle féminine Qui fleurit en cette gamine Elle était pourtant bien mignonne Ça y est elle nous empoisonne ! » (Anne Sylvestre – Les hormones de Simone) Vous décrivez des couples en crise ou brisés : pensez-vous que la vie à deux est vouée à l’échec ? C’est vrai ce roman-là est truffé de couples qui échouent, se méprisent, ne se désirent plus… Je pense sincèrement que la vie conjugale est une expérience à la fois dangereuse et passionnante. C’est une gageure de tous les jours qui n’admet pas la médiocrité ! C’est l’apprentissage aussi de l’injustice… Guetter, anxieuse, les premières rides, ou se rêver dans le corps d’une autre, ou encore jalouser cette mère à l’école qui attend ses gamins dans son jean taille 36 (et encore un 34 suffirait !), admirer cette autre dont le visage est si joli, si régulier qu’elle peut se permettre une coupe à la Jean Seberg ! Bref ! La vie à deux sans être vouée à l’échec bien sûr, est fragile. La vigilance qu’elle demande, qu’elle implique est sans relâche. Et puis, vous savez le désir né d’une alchimie qu’on ne maîtrise pas et s’éteint un jour, comme meurt une orchidée dont pourtant on avait pris le plus grand soin… Illustrations&dessins Propos recueillis par Julie Cadilhac Lost FISH Lostfish, vous êtes un poisson perdu ? Je suis un poisson qui cherche son chemin, nage souvent en sens inverse ou en eaux troubles, en essayant d'éviter les hameçons ! Autodidacte, qu'est-ce qui vous a poussé au dessin? Avez-vous des références iconographiques à nous citer? Je dessine depuis toujours, toute petite j'étais déjà une grande admiratrice de Jean-Auguste-Dominique Ingres et Jérôme Bosch qui sont restés mes deux grandes références artistiques. En parallèle, j'ai toujours eu des gouts affirmés pour l'insolite, les vanités, trompes l'oeil et autres "curiosités", et même l'iconographie religieuse que je trouve esthétiquement et symboliquement aussi fascinante qu'inquiétante. J'ai commencé à réellement dessiner en amateur vers l'âge de 17 ans, essayant de trouver une façon d'associer mes gouts pour la peinture "classique" aux techniques modernes d'infographie, et étrangement, à mes nouvelles influences davantage punk/fetish acquises à l'adolescence. J'ai fait mon petit chemin en amateur avec de l'auto production avant de trouver la chance de faire de l'illustration mon métier. Vous pratiquez la peinture digitale....pouvez- vous expliquer à nos lecteurs en quoi consiste cette technique picturale? Je travaille sur ordinateur, avec un programme de peinture digitale et une tablette graphique qui me permet de dessiner à l'écran comme avec un crayon sur une feuille. Ma technique se rapproche énormément de la peinture traditionnelle, je pose les couleurs, les mélange entre elles, trace les contours des personnages et autres éléments de l'image. Au final tout est fait "au pinceau", car je n'utilise aucun autre outil numérique du type dégradés automatiques ou autres filtres numériques. Pour ces raisons, je trouve le terme "peinture digitale" parfaitement approprié à ce type de technique. Êtes-vous une artiste de votre temps, férue des possibilités extraordinaires qu'offrent les nouvelles technologies ou reprenez-vous parfois pinceaux, crayons etc....? Au début des années 2000 je me suis prise de passion pour l'art numérique, l'ordinateur offrait de nouvelles possibilités quasi infinies, c'est donc l'outil que j'ai choisi et que j'utilise depuis mes débuts. Je pense qu'il est naturel qu'après 10 ans, la tendance commence à s'inverser, et je ressens à présent le besoin de reprendre les pinceaux. Même si l'illustration numérique fera toujours partie de ma vie, le monde actuel est de plus en plus virtuel, et nous fait parfois perdre le contact avec la réalité, le besoin de contact avec la matière reprend alors toute son importance. Dans l'idéal, je souhaiterais donc prendre le temps de m'essayer à la peinture traditionnelle, sans oublier pour autant mon outil de prédilection. Après de nombreuses représentations d'Alice en 2010, de Rebecca Dautremer à Tim Burton, de François Amoretti à Xavier Collette ( etc....), n'a-t-il pas été difficile de trouver votre propre représentation de la jeune fille? Oui et non, car j'ai fait le choix assez extrême de me couper du monde pour faire ce livre. Je ne souhaitais pas avoir d'influences associées à d'autres Alices existantes, et j'ai donc mis beaucoup de mon univers personnel dans chaque image, en essayant, narrativement parlant, de coller au mieux aux textes de Lewis Carroll qui laissent en contre partie une grande liberté esthétique. A présent, je suis heureuse de voir que tous les projets autour d'Alice sont tous très différents, et reflètent bien l'univers personnel des artistes qui les ont illustrés, comme si chacun nous invitait dans un nouveau rêve intimiste. Qui est Alice pour Lostfish? Dans les faits, une jeune fille considérée par les adultes comme un peu trop curieuse et un peu trop indisciplinée, qui cherche sa place dans un monde qu'elle ne comprend pas. Elle se perd dans un rêve qui reflète sans doute ses propres inquiétudes. A mes yeux, elle est l'image de l'enfant qui vit encore en nous, adultes, et qui cherche à survivre. Comment est née votre représentation d'Alice? Avez-vous d'abord imaginé son visage, ses tenues, ses moues ou....? Alice et l'univers qui lui est rattaché ont toujours eu une grande importance dans mon travail, j'ai souvent travaillé sur des projets sur ce thème, donc elle était déjà bien existante en moi. Physiquement, pour cette version, je l'ai voulue assez proche d'Alice Liddell qui a en grande partie inspiré Lewis Carroll, brune, la coupe au carré, et le regard perçant. Je porte une attention spéciale aux attitudes et aux émotions, que j'ai travaillées au cas par cas au fil des images. Pour le reste, elle est une petite fille typiquement sortie de mon univers, ses vêtements changent au cours de son aventure, elle porte des chapeaux et chaussures librement inspirés de l'époque victorienne, mais avec un élément toujours présent, qui est le coeur qu'elle porte à la ceinture. Trevor Brown vous a offert une dédicace poétique charmante...pourquoi a-t-il été l'auteur de la préface? Trevor Brown est sans doute mon artiste contemporain préféré, j'admire beaucoup son talent bien sûr, mais aussi sa force de caractère, je dirais qu'il ne fait jamais les choses "à moitié". Il a par ailleurs illustré à la perfection sa version d'Alice, et j'avais déjà eu quelques contacts avec lui à ce sujet. C'est vraiment un grand honneur d'avoir eu une si belle préface pour mon premier livre, j'en suis encore très émue.
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